L’Amérique-Iran: la guerre comme si on y était

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L’Amérique-Iran: la guerre comme si on y était

28 janvier 2005 — Certains spécialistes des forces aériennes nomment ces missions “la provocation nécessaire”. Les Américains, qui préparent toutes les guerres possibles et qui détestent les guerres qui ne sont pas minutieusement préparées, en sont les spécialistes. Il s’agit aussi bien de missions de reconnaissances dites “agressives” que de missions de test des défenses aériennes ennemies pour identifier les capacités de cette défense (radars, sites de missiles sol-air, etc) et les préparer comme objectifs initiaux en cas d’offensive aérienne dont le premier acte est la suppression de la défense aérienne ennemie.

Cette politique contient en soi quelque chose d’absurde, ou d’irrémédiablement pervers, une sorte de cercle vicieux de la course vers la guerre: au plus une attaque contre un pays est possible, au plus la tension avec ce pays est grande et le risque de guerre augmente avec cette tension, — au plus ces missions sont considérées comme nécessaires alors qu’elles sont intentionnellement provocatrices et accroissent la tension, et donc le risque de guerre. (Les Américains ont beaucoup pratiqué cette activité durant la Guerre froide, avec parfois des incidents graves comme lors de la crise de Cuba en 1962, lorsqu’un U-2 en mission de reconnaissance au-dessus de Cuba fut abattu.) C’est une version moderne, encore plus incontrôlable et perverse, de la fameuse thèse de 1914 (valable pour la Russie) que la mobilisation, par la dynamique qu’elle créait, entraînait automatiquement la guerre.

Aujourd’hui, cette sorte d’activité très intense est en cours au-dessus de l’Iran, comme en rend compte une analyse de UPI reprise par le site World Peace Herald.

« Ellen Laipson, president and CEO of the Henry L. Stimson Center and former CIA Middle East expert, said of the flights, “They are not necessarily an act of war in themselves, unless they are perceived as being so by the country that is being overflown.”

» Laipson explained: “It's not unusual for countries to test each other's air defenses from time to time, to do a little probing — but it can be dangerous if the target country believes that such flights could mean an imminent attack.”

» She said her concern was that Iran “will not only turn on its air defense radars but use them to fire missiles at U.S. aircraft,” an act which would “greatly increase tensions” between the two countries. »

Les Américains ont-ils conscience du problème, ou bien suivent-ils éventuellement cette politique pour susciter des incidents et précipiter un conflit? Ni l’un ni l’autre, à notre sens. Notre analyse est toujours semblable: il n’y a pas de véritable politique unifiée, chaque centre de puissance, chaque département ayant sa propre appréciation d’un éventuel conflit avec l’Iran selon la ligne vague de l’hostilité officielle américaine à l’encontre de ce pays. Dans le cas qui nous occupe, l’USAF suit sa propre politique au nom de la sécurité nationale, et c’est la politique de “la provocation nécessaire” également au nom de la sécurité nationale (limiter les pertes US, augmenter l’efficacité de l’attaque en cas d’opérations de guerre).

Ces opérations de provocation aérienne accompagnent des opérations terrestres, comme l’a déjà signalé Seymour Hersh le 17 janvier, dans son article fameux. Ici, des détails sont donnés sur l’utilisation par les forces spéciales US d’un groupe de kurdes anti-iraniens, au statut et à l’histoire assez étonnants, — les Mujahedeen-e Khalq, ou MEK. L’affaire est un élément de plus permettant d’illustrer la confusion, l’absence de nuances, d’appréciation politique, etc, de la politique militariste et souvent clandestine des Américains. (On peut considérer ce que les Turcs peuvent penser de l’action des MEK, ou les Irakiens qui s’opposèrent à Saddam. Ne parlons pas de la logique de la guerre contre la terreur.)

« The use of the MEK for U.S.-intelligence-gathering missions strikes some former U.S. intelligence officials as bizarre. The State Department's annual publication, “Patterns of Global Terrorism,” lists them as a terrorist organization. According to the State Department report, the MEK were allies with Iraqi dictator Saddam Hussein in fighting Iran and, in addition, “assisted Saddam in suppressing opposition within Iraq, and performed internal security for the Iraqi regime.”

» After the U.S. invasion of Iraq in March 2003, U.S. forces seized and destroyed MEK munitions and weapons, and about 4,000 MEK operatives were “consolidated, detained, disarmed, and screened for any past terrorist acts,” the report said. Shortly afterwards, the Bush administration began to use them in its covert operations against Iran, former senior U.S. intelligence officials said. “They've been active in the south for some time,” said former CIA counterterrorism chief, Vince Cannistraro.

» The MEK are said to be currently launching raids from Camp Habib in Basra, but recently Pakistan President Pervez Musharaff granted permission for the MEK to operate from Pakistan's Baluchi area, U.S. officials said. »

Cet ensemble d’actions s’accompagne de tentatives diverses pour rallier une soi-disant opposition au régime, avec activités clandestines en Iran même. Tout cela finit par constituer un ensemble offensif de très grande envergure, dont on penserait en général qu’il est coordonné et qu’il a un but politique. Certains pourraient alors estimer que les Etats-Unis sont en train de développer une véritable offensive secrète militaire contre l’Iran, mettant en place un engrenage qui pourrait rendre inévitable un conflit ouvert, — là aussi, logique rappelant celle de la mobilisation qui entraîne la guerre. Le comportement américain habituel est à l’œuvre: l’illégalité complète, le complet mépris pour la souveraineté d’autrui, la pléthore de moyens pour des buts confus, voire contradictoires, l’utilisation d’alliés de circonstance sans aucune considération des données historiques locales et des conséquences à long terme, tout cela sans aucun contrôle politique ni aucune coordination.

Certains commentateurs sont très pessimistes. John Pike, président de globalsecurity.org.: « The administration has determined that there is no diplomatic solution. Like the Israelis, the Bush administration has decided that forces of sweetness and light won't be running Iran any time soon, and that having atomic ayatollahs is simply not acceptable. » Cannistraro, parlant de la politique de l’administration: « It’s very, very, very dangerous. »