Erdogan dribble Trump

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Erdogan dribble Trump

Notre titre implique, ce qui est notre conviction appuyée sur quelques constats officieux, qu’Erdogan a très peu de sympathie pour Trump, et par contre beaucoup pour Poutine. Les circonstances aidant grandement à cet égard parce qu’elles vont dans le sens de sa politique du moment (il en change souvent), le président turc, également président en exercice de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), a aisément orienté la réunion de cette organisation vers une décision unanime de reconnaissance de Jérusalem-Est comme capitale de l’État de la Palestine.

Le résultat est une prise de position unanime des pays musulmans qui constitue une gifle pour le président US, un revers de plus pour la politique extérieure US, un renforcement de plus pour la politique extérieure russe et une victoire personnelle de Poutine. En effet, raisonne Andrew Korybko, dans le texte ci-dessous de TheDuran.com, la décision de l’OCI, qui rejette toute participation US au “processus de paix” israélo-palestinien dans les conditions établies par la position de Trump, constitue une invitation à peine déguisée faite à la Russie d’assumer le rôle d’“honest brocker” de la chose.

PhG signalait hier ce prolongement de la réunion de l’OCI dans son Tourbillon crisique-41, et il aurait pu ajouter que le soupçon de collusion Trump-Poutine devrait en sortir grandi... (« Dans TheDuran.com, Andrew Korybko estime que cette décision de l’OIC ouvre la voie à la Russie, à la place des USA discrédités, pour une intervention majeure dans le “processus de paix”, – zombie diplomatique que ce pays pourrait ranimer. La Russie est en effet complètement en ligne avec les pays musulmans puisqu’elle vient de renouveler son soutien à la partition de la ville et à la réduction de la capitale d’Israël à la partie Ouest de la ville, laissant l’Est aux Palestiniens. Ce possible prolongement va nécessairement apporter encore plus de confusion interne et de récrimination antirusse à l’intérieur du camp américaniste-occidentaliste, devant le spectacle cosmique d’une politique extérieure réduite à ses lambeaux. ») Quant à Dimitri Orlov, il a son explication pour l’initiative si remarquable par ses effets catastrophiques de Donald Trump, – et nous parierions bien qu’il parle de Sheldon Adelson, par ailleurs excellent ami et créditeur de la famille Kushner, celle du gendre de Trump : « Avec Jérusalem aussi, tout était une question d'argent. Un magnat sioniste des casinos, milliardaire, a généreusement financé la campagne électorale de Trump en se basant sur la promesse que Trump reconnaîtra Jérusalem comme étant israélienne, et il l'a fait, en tant que cadeau pour Hanoucca, juste à temps pour les vacances. »

dde.org

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L’OCI ouvre la porte au leadership russe

Le Sommet de l'OCI à Istanbul a vu ses membres accepter de reconnaître Jérusalem-Est comme capitale de l'État de Palestine, ce qui implique que Jérusalem-Ouest existe et pourrait être la capitale d'Israël après sa reconnaissance officielle. C’est exactement ce que Moscou a proposé en avril de cette année et cela permet ainsi à la Russie de prendre la tête de la recherche d'une solution à deux Etats à ce vieux conflit.

Le président turc Erdogan avait appelé à une réunion extraordinaire de l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI) afin de rechercher l'unité dans la communauté musulmane internationale, également connue sous le nom de “Oumma”, suite à la reconnaissance provocatrice de Jérusalem comme capitale d'Israël. Le président américain a défendu son geste ultra-controversé comme étant une étape nécessaire vers la paix, et bien que cela ait été largement tourné en dérision à l'époque comme une déclaration impudique et non sincère, il pourrait s'avérer par inadvertance que cela soit vrai, mais pas du tout comme Trump l'a peut-être voulu.

En agissant comme il l’a fait, Trump a forcé l'OCI à répondre par l’affirmation unanime de Jérusalem Est comme la capitale de l'Etat de Palestine (plusieurs de ses membres avait déjà acté pour leur part, de leur propre initiative, cette reconnaissance). Cela implique l’existence d'une Jérusalem Ouest qui pourrait être la capitale d'Israël suite à sa reconnaissance officielle par la Oumma après qu'un accord de paix serait finalement signé. Cela a des implications remarquables parce qu’ainsi sont créées les conditions pour faire avancer le processus de paix, dans le fait que tous les Etats membres de l'OCI acceptent de reconnaître la division de Jérusalem d'avant 1967 et l'occupation complète et illégale de l'ensemble de la ville par Israël.

Avant cette décision, l’un des participants les plus importants de l'OCI, la République islamique post-révolutionnaire d'Iran, ne reconnaissait pas la légitimité d'Israël d'avant 1967, dont il faut rappeler qu’il a été fondé par l’“arme de migration de masse”, au travers de migrations qui se sont fortement accrues après la Seconde Guerre Mondiale. Aucun des autres états de l’OCI qui n’ont actuellement aucune relation officielle avec Israël, n’avait à cet égard la même position que l’Iran ; cette spécificité constituait un pilier de la politique régionale de ce pays et une pierre angulaire de sa réputation en tant qu’un des leaders du “Bloc de la Résistance”. Quoi qu’il en soit, Téhéran accepte désormais de facto, comme les autres membres de l’OCI, la partition de la Palestine d'après 1947 et la création ultérieure d'Israël.

Cette compréhension tacite est considérée comme une condition préalable cruciale pour faire progresser toute solution à deux Etats entre la Palestine et Israël. La Oumma n’avait pas pu se mettre d’accord sur la question de Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, et, très ironiquement, elle n’aurait sans doute pu le faire si Trump ne les y avait pas décisivement incités par sa tentative incendiaire de reconnaître l'intégralité de Jérusalem comme capitale d'Israël. Même dans l'éventualité improbable où cela faisait partie d'un “plan machiavélique” des États-Unis pour relancer le processus de paix, ce qui ne semble vraiment pas être le cas, la “relance” ne se déroule certainement pas comme Washington l'aurait souhaité.

L'OCI a également indiqué dans sa déclaration commune que les Etats-Unis ne seraient plus les bienvenues à participer aux négociations sur la solution à deux États, à moins que Trump ne renverse sa décision, ce qui ne correspond certainement pas à son caractère narcissique avec sa réticence à apparaître publiquement comme s’il reculait sur quoi que ce soit, sans parler d'une demande émanant d'un groupe de pays musulmans. Quoi qu’il en soit, cela ouvre une fenêtre d'opportunité historique pour que la Russie intervienne et prenne le rôle de leader dans ce processus, vu qu'elle entretient d'excellentes relations avec Israël et la Oumma.

Il faut aussi avoir à l’esprit que le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré en avril de cette année que la Russie reconnaîtrait Jérusalem-Ouest comme capitale d'Israël dès l'instant où Jérusalem-Est deviendrait la capitale d'un futur État palestinien. Lorsqu’on voit comment l'OCI a implicitement accepté cela à travers sa déclaration commune sans aller aussi loin, on comprend que la porte est maintenant ouverte à la Russie pour remplacer le rôle américain perdu pour mener vers la solution à deux états en “équilibrant” entre les deux parties en compétition et en aidant à insuffler une nouvelle vie à ce processus bloqué.

Personne ne devrait supposer que ce sera facile, et il reste encore de nombreux problèmes à résoudre, tels que le statut des colonies israéliennes illégales en Palestine, mais néanmoins, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le désastre imminent de la reconnaissance par Trump de tout Jérusalem comme capitale d'Israël devrait plutôt être une chance imprévue pour la Russie d'exercer son nouveau leadership au Moyen-Orient en tentant de résoudre ce conflit auparavant insoluble.

Andrew Korybko