Deep State, label de qualité & marque déposée

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Deep State, label de qualité & marque déposée

... “Historique”, sans nul doute : l’appréciation de Ricky Twisdale, de TheDuran.com, le 11 mars 2017, est tout à fait justifiée. Elle caractérise l’emploi de l’expression Deep State dans une question posée le 10 mars par un journaliste accrédité à la Maison-Blanche, expression implicitement acceptée par le porte-parole du président, Sean Spicer. La question était de savoir si la Maison-Blanche acceptait l’idée de l’existence de ce concept de Deep State, dont on connaît la signification ; Spicer répondant sans dénier effectivement cette situation et la pertinence du concept, affirmant que “personne ne sera surpris de savoir [que des éléments loyaux à la précédente administration] sont infiltrés dans le gouvernement et développent activement des actions tendant à miner les efforts réformateurs de Trump”. Dans le texte cité, Twisdale donne d’autres exemples de l’emploi public de plus en plus courant, par diverses personnalités, du concept de Deep State .

« A historic thing happened at Friday’s White House press conference. And it was so brief it could have easily been missed.

» There was a short exchange between White House Press Secretary Sean Spicer and a reporter, who asked if the White House acknowledged the existence of a “deep state” – the entrenched government bureaucracy and those in intelligence agencies who continue in their posts, formulating policy regardless of which party is in power. Spicer did not deny the existence of such a deep state, but replied to the question that it should come as “no surprise” that elements loyal to the previous president’s polices had “burrowed” into the government and were actively seeking to undermine Donald Trump’s reform efforts.

» Over the last week, the existence of a “deep state” has been much discussed in western mainstream media. Only a month ago, use of the term was enough to have one dismissed as a “conspiracy theorist.” Now it is being openly acknowledged at White House press conferences. Judge Andrew Napolitano, appearing on Lou Dobbs, laid out in very clear language just what Donald Trump means for the established order: “This is the first time in the modern era that the man in the oval office has been an adversary of the Deep State, rather than a tool of it.”

» Monica Crowley, who was considered for a position on the National Security Council until mainstream media outlets accused her of plagiarism, told Fox’s Sean Hannity that powerful forces were seeking to destroy Donald Trump: “The reason [the Deep State] has to destroy him, is that Donald Trump is an alien organism that has been injected into the body politic by the American people to reform it. He must not be allowed to succeed.”

» It appears knowledge of the power and influence of the Deep State, or at least willingness to speak out against it, is spreading among members of congress as well. Representative Thomas Massey of Kentucky (R) told CNN that he believes the Deep State is attempting to strongarm the president into a conflict with Russia: “I’m concerned that it’s an effort on [the part of] those who want a provocation with Russia…to push the president in a direction. So I don’t think it’s Trump vs. Obama, I think it’s really the Deep State vs. the president.”

» The United States is now in the midst of a pivotal showdown crucial to not only its future, but the future of the world. Whether the USA is to be a far-flung subversive globalist empire, or a democratic republic trading in peace with all nations, is what hangs in the balance. »

L’échange autour de l’emploi du terme Deep State suit un article du New York Times d’une exceptionnelle hypocrisie (l’exceptionnalisme américaniste va partout se nicher, surtout dans les vertus inverties de la presseSystème “de référence”). Dans cet article du 10 mars, le NYT procède par une méthode absolument sophistique, sinon sophistiquée ; en disant que Trump s’attaque à quelque chose qui n’existe pas (« What Happens When You Fight a ‘Deep State’ That Doesn’t Exist ») mais qu’en procédant de la sorte il s’attire des ripostes, comme si, justement, le Deep State existait : l’attaque contre le Deep State qui n’existe pas crée l’existence même du Deep State.

Tout est inverti dans cet article : c’est Trump qui exerce une pression terroriste sur les braves fonctionnaires issus de l’administration Obama, les obligeant, contre leur plein gré sinon à son insu, à “se défendre” vertueusement par des fuites, des insubordinations, des sabotage, des trahisons, des illégalités, etc. Car enfin, déclame le NYT, Washington D.C. n’est pas comme un de ces puissants État comme l’Égypte et le Pakistan, et la Turquie, qui sont dotés de Deep State(s), il n’a point de Deep State.

Il s’agit d’une extraordinaire querelle sémantique complètement inspirée par le Système, qui dit que toute personne qui met en cause le Système s’expose à subir la riposte d’un Système qui n’existait pas auparavant mais qui se sera formé pour l’occasion, sous la pression de son contestataire, quasiment comme une vierge qui, se découvrant une force herculéenne pour l’occasion, défend farouchement sa vertu avec des moyens extraordinaires qu'une dame de petite vertu ne démentirait pas. Le NYT, débordant d’une hypocrisie du dernier chic postmoderniste, trouve même un universitaire pour proclamer qu’il arrive à Trump ce qui est arrivé à Erdogan, qui a lui aussi dénoncé le Deep State pour le coup de force d’il y a un an, – alors que l’expression “État profond” est sortie justement des profondeurs obscures de la direction turque de bien avant Erdogan-Premier ministre, dans les années 1990, – alors que le Gladio du coin, émanation de l’une ou l’autre des innombrables appendices de la CIA, se trouvait en pleine agitation subversive... Toutes ces constructions paranoïaques mises au débit puant des ennemis du Progrès-postProgrès reviennent, pour le NYT, à des obsessions spasmodiques et constructivistes d’adeptes du complotisme contre la vertu américaniste héritée d’Obama. La pourriture intellectuelle de la “vertu profonde” du Système, type-NYT, est décidément d’une belle qualité.

Il n’empêche qu’il y a la puissance des mots... L’on sait ce que nous pensons de cette expression (Deep State) et de la fascination qu’elle exprime. Dans certaines occurrences, cela est malheureux, parce que l’expression fascinatoire pare le Système de bien plus de capacités structurantes qu’il n’a. Dans le cas présent, l’effet est inverse, sinon vertueusement inverti. L’argumentaire du NYT montre combien l’expression, même si elle est employée pour s’en moquer, implique néanmoins l’idée très forte d’une structuration, comme d’une architecture dont on est obligé d’admettre qu’elle agit dans ce cas pour attenter à la légalité du gouvernement en place. L’argument tendant à nous faire croire qu’un Deep State existe chez les autres et pas aux USA est à la fois ridicule et risible, – disons qu’entendre tant d’impudence et de sottise ajoutée nous procure une certaine détente, – d’autant que l’on sait bien qu’à notre estime, le Deep State n’est pas nécessairement nuisible, qu’il existe comme une infrastructure pour la continuité de l’État et que toute direction nationale puissante doit naturellement en disposer.

Dans le cas qui nous occupe, l’officialisation du terme, quelle qu’en soit l’opinion qu’on en a, concourt in fine à donner du crédit à l’observation qu’il existe une offensive structurée et illégale contre l’administration Trump. L’article du NYT ne fait que montrer que l’“opposition”, forcée de débattre du terme, se trouve dialectiquement, et donc dans le champ essentiel de la communication, mise sur la défensive. Cette évolution symbolise bien la structure et le sens de la bataille en cours à Washington, qui n’a plus aucun lien avec la politique de sécurité nationale des USA. La “politique” de Trump, particulièrement incompréhensible, et dans tous les cas avec de moins en moins de rapports avec les promesses de la campagne, rencontre sur bien des points les conceptions des extrémistes washingtoniens, progressistes-sociétaux/R2P et neocons. Mais cela ne semble avoir strictement aucun effet sur l’offensive lancée contre Trump, qui se poursuit d’une façon spectaculaire au travers d’incidents comme celui du Procureur du Gouvernement du District Sud de New York (SDNY) Preet Bharara nommé par Obama, refusant de démissionner et licencié par le département de la justice de Trump.

La bataille a pris un tour complètement “apolitique” en un sens, selon notre point de vue. L’idée d’une fracture à l’intérieur du Deep State reste défendue par certains, comme Charles Hugh-Smith, qui insiste à cet égard sur la signification de la fuite massive Vault7 de la CIA. Notre point de vue est qu’il s’agit de plus en plus de l’addition d’une perte complète à la fois du contrôle de sa puissance par Washington D.C. et d’une perception rationnelle de la situation d’une part, d’un affrontement centré sur une hostilité complète à Trump pour le simple fait qu’il ne fait pas partie de l’establishment politique et de sécurité nationale, même s’il faut partie de l’establishment dans son domaine propre, par son statut, sa richesse, sa carrière, etc. Le premier aspect relève d’une pathologie de la psychologie qui ne cesse de s’aggraver dans les champs idéologiques, notamment progressistes-sociétaux, sous l’influence du Système qu’il faut absolument percevoir comme une force extérieure aux actions et aux capacités humaines ; le second aspect s’apparente à une bataille entre des “Familles” comme il y a dans Cosa Nostra aux USA (le crime organisé à partir du modèle initial de la Mafia italienne), lorsqu’une “Famille”, par quelque voie que ce soit, empiète sur un territoire qui n’est pas le sien.

Il nous apparaît très difficile de percevoir, comme certains le font avec des arguments depuis quelques jours (voir Alexander Mercouris) le moindre signe d’un apaisement du conflit, et éventuellement d’une prise en main réelle et structuré du pouvoir par Trump. Jusqu’à nouvel ordre, notre analyse est celle d’une dérive toujours de plus en plus accélérée du conflit originel comme nous l’avons perçu. De ce point de vue, et tenant compte comme nous le faisons de l’aspect psychologique, l’introduction dans le champ dialectique officiuel du concept de Deep State est d’une réelle importance. Elle constitue un facteur de dramatisation du conflit, et donc un élément de blocage de plus. D’une façon générale, notre appréciation est, plus que jamais, celle d’un effet antiSystème général qui est, de notre point de vue, du meilleur effet.

 

Mis en ligne le 12 mars 2017 à 16H42