Chavez nous surprend

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Chavez nous surprend

15 avril 2002 — Le retour en fanfare du président Hugo Chavez du Venezuela, le 14 avril, montre que nous sommes dans une époque complètement imprévisible, où la CIA n’a plus la maîtrise d’antan dans ses manipulations favorites, en Amérique latine. Les divers soi-disant putschistes avaient mal mesuré les difficultés de l’entreprise et la vigueur des réactions populaires et des cadres moyens de l’armée, autant que leurs propres dissensions. La mécanique populiste a fonctionné d’une façon inattendue pour organiser une riposte préoccupante pour les stratèges US.

Les événements au Venezuela du 12 au 15 avril ont largement montré le sentiment officiel américain (satisfaction à la chute de Chavez, dépit avec son retour), que ce soit indirectement, par la presse qui relaie ce sentiment, ou directement par des déclarations officielles.

• Le 13 avril, le New York Times publiait un éditorial où il écrivait notamment, à propos du renversement de Chavez  : « Venezuelan democracy is no longer threatened by a would-be dictator [… because] the military intervened and handed power to a respected business leader. »

• Le 14 avril, Condoleeza Rice commentait ainsi le retour au pouvoir de Chavez, à l’émission Cross Fire, sur la NBC  : « We do hope that Chavez recognizes that the whole world is watching and that he takes advantage of this opportunity to right his own ship, which has been moving, frankly, in the wrong direction for quite a long time. <[...] I hope that Hugo Chavez takes the message that his people sent him, that his own policies are not working for the Venezuela people, that he's dealt with him in a high-handed fashion. »

Quoiqu’il en soit des événements à venir, le retour du Chavez est un sérieux revers pour les services divers US, qui étaient évidemment favorables aux putschistes, c’est-à-dire les dirigeants de l’armée et une partie du patronat. Les événements indiquent que l’opération était mal préparée, que la préparation s’était appuyée sur des rapports erronées quant aux réactions populaires et militaires.

Cette zone du Venezuela, extrêmement stratégique à cause du poids pétrolier de ce pays (quatrième exportateur de pétrole du monde, troisième fournisseur des USA), devenue très sensible avec la présidence Chavez, populiste et anti-américaine, devient une zone de crise grave. La proximité avec la Colombie, où une guérilla extrêmement active et un engagement américain anti-guérilla sont en cours, vont rapidement renforcer les pressions pour susciter une crise régionale grave. Les Américains prévoyaient que la chute de Chavez et son remplacement par un pouvoir sous contrôle permettraient de prendre la guérilla colombienne à revers par une pression extérieure défavorable. Ce plan est en échec. Les Américains prévoyaient un engagement progressif en Colombie. Les événements au Venezuela vont sans doute accélérer ce mouvement, d’une façon plus inconfortable et plus large que ce que prévoyait le Pentagone

C’est un nouveau front qui s’ouvre, d’une façon plus dramatique qu’il n’était prévu, et c’est ainsi que vont le prendre les divers tendances du pouvoir washingtonien, surtout la droite républicaine, très attentive à distinguer dans les activités des chefs d’État sud-américains des relents de communisme ou de castrisme des époques passées (annonçant la chute de Chavez le 13 avril, le site Newsmax.com, très à droite, le qualifiait de « The Communist Chavez »). Les réactions à Washington vont être de deux ordres, qui sont les deux domaines qui comptent au niveau politique aujourd’hui  :

• La réaction psychologique. Il y a une exacerbation de la psychologie américaine depuis le 11 septembre, avec une réaction obsessionnelle de sécurité et une affirmation de l’hubris impérial. Le retour de Chavez va exacerber la perception d’une menace et la perception d’un défi à la puissance américaine. Même si Chavez veut suivre une politique de conciliation, comme il semble en avoir l’intention ou y être forcé, il semble logique d’envisager qu’il va être soumis à des actions de déstabilisation et à des pressions extérieures qui aggraveront encore une situation vénézuelienne intérieure déjà tendue.

• La réaction des groupes de pression, ceux qui prônent un engagement plus dur en Amérique centrale (Colombie). Ces groupes vont désormais bénéficier de l’impulsion de l’atmosphère de mobilisation générale à Washington et vont être beaucoup plus écoutés.