«Anything But America»

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«Anything But America»


7 juin 2002 — Le climat boursier et du marché des investissements devient difficile aux États-Unis. C'est un point capital pour l'économie américaine, et aussi pour l'équilibre de cette puissance dans ces temps de tension. La puissance de l'économie américaine repose sur l'expansion de la Bourse et donc sur le flot des investissements, aujourd'hui fortement financés par l'étranger. (La puissance américaine est, aujourd'hui, une puissance financée pour une bonne part par l'étranger.) Elle est fortement influencée par le facteur psychologique intérieur américain, dans les deux sens (importance de l'état de la psychologie US pour influencer l'évolution de la Bourse, mais aussi importance de l'évolution de la Bourse sur la psychologie US). Il y a enfin un effet important sur un des moyens essentiels d'affirmation de la puissance américaine, le dollar.

Nous donnons ici un extrait de l'édition du 5 juin de la lettre d'information MoneyNews.com Online Report sur cette situation, notamment sur l'aspect des investissements étrangers et des conséquences sur le dollar (et sur l'euro) :

«U.S. investors tired of paltry returns and Wall Street horse hockey are purchasing European stocks instead of U.S. investments. European stock investmetns have been dwarfed in recent years by both Europeans and Americans, but according to the International Herald Tribune, no more.

«Researchers say that foreign investors' purchases of European stocks in the 12 months through the end of April totalled $200 billion, compared with $100 billion in U.S. stocks. All of this is bad news for the dollar, which has fallen six percent against the euro this year and basically can't get up. Insiders at Morgan Stanley tell the International Herald Tribune that the U.S. greenback remains about 15 percent overvalued and should continue to weaken.

«As the global economy rebounds, growth will spread to other regions. That outcome, according to analysts, will reduce the need for a ''safe haven'' for investors to stash their money, a trend that helped keep the dollar afloat after the terrorist attacks on Sept. 11. If that were to happen and a rebound were to occur here in the U.S., the dollar could actually become a victim of the U.S. economy's strength.

«Foreigners' appetite for U.S. government securities and corporate bonds is also cooling. Strategists at Merrill Lynch divulge their motto: ''Anything but America.'' »

Il y a une ''lecture'' indirecte intéressante à faire de ce document, notamment par le choix des sources qui indiquent bien le climat américain qu'il entend traduire. Un article de l'International Herald Tribune (IHT) sur la fuite des investissements hors des USA, au profit de l'Europe, est cité (article publié dans les éditions du 4 juin de l'IHT). De façon très caractéristique, dans la même édition, on trouve un autre article, repris du New York Times dans l'IHT, qui tend au contraire à présenter les USA comme un toujours solide n°1 économique, face à une Europe qui ne parvient pas à l'égaler. Le choix de MoneyNews.com traduit bien une perception très pessimiste dans les milieux de l'analyse financière (le second article de l'IHT, selon un journaliste financier US, qui connaît ces méthodes de travail et a observé ce travail de NewsMoney.com, étant considéré comme « un simple texte de propagande en faveur de la machine économique US, rien d'autre »).

Cette humeur new-yorkaise qui pèse sur la situation financière américaine, confirmant l'importance de l'aspect psychologique dans une situation financière, est résumée par une autre nouvelle de NewsMoney.com, parue dans la même édition. Ce qui est caractéristique dans cette nouvelle, et tout à fait inédit pour une analyse boursière, c'est l'idée de l'inconnu. Les boursiers américains savent toujours ou croient savoir (ils se trompent souvent) où ils vont, pour le meilleur ou pour le pire, que ce soit vers le boom ou vers le krach. Ici, c'est une situation inédite : «  Stocks: Headed Nowhere Forever? » Cet aveu d'ignorance est une situation inédite, confirme notre source, « parce que les boursiers ont l'impression d'être dans un cul-de-sac, fait comme des rats, ce qui est le contraire de la mentalité boursière, qui est celle de la libération ».

Voici un extrait de cette autre nouvelle :

«Investment managers declare the stock market is headed absolutely nowhere. With the dismal projection for large-cap stocks are set to be the worst-performing asset class over the next seven years, investors are not getting good news any time soon.

«MSNBC's Martin Wolk reviewed forecasts that show stocks like those in the S&P 500 will underperform every other asset class it monitors. These forecasts come from a Boston-based investment firm with more than $26 billion under management.

«Insiders at the investment firm reveal that there is no way around this. They base their forecasts that on average every asset class reverts to a midpoint within about six years from any random point in time. Insiders also tell MSNBC that their tallies indicate even after adding back a projected 2.2 percent annual inflation rate, that would equate to a measly 1.6 percent average annual return for the S&P 500, compared with the historical average of nearly 11 percent a year, and 18 percent in the great bull market run of the 1990s.

(...)

«Experts say the best returns over the next few years will come from emerging markets in Asia, Latin America and Europe. But with the bad-loan crisis in Japan, political strife in several Latin American countries, and Europeans finding their way with their new euro currency, investors may have a hard time finding some terrific places to stash their cash. »

Les causes de cette humeur particulièrement morose et, surtout, d'une morosité qui semble s'installer sur le long terme, sont à trouver dans une conjonction exceptionnelle. (Même pendant la période 1992-95 où le climat politique était très dépressif, le climat boursier était excellent et même euphorique.) Aujourd'hui, le climat politique est mauvais avec les incertitudes de la lutte contre le terrorisme, avec le chaos bureaucratique que montrent les révélations sur le comportement de l'administration et des agences fédérales avant le 11 septembre, avec les mises en cause grandissantes de l'administration ; et le climat boursier et économique est exécrable et délétère, comme il n'a jamais été semble-t-il du point de vue de la confiance, à cause de l'affaire Enron et de ses suites. Un article publié aujourd'hui met en évidence cette crise de confiance, décrite dans ce cas comme empêchant toute reprise sérieuse de l'économie. Cela nourrit la thèse de Paul Krugman selon lequel le scandale Enron est plus grave pour l'Amérique que l'attaque du 11 septembre.