La non-existence du président devient une “bipartisan issue

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La non-existence du président devient une “bipartisan issue

13 octobre 2003 — C’est sans aucun doute la plus violente attaque portée contre l’équipe au pouvoir à Washington. C’est aussi la plus importante et la plus grave parce qu’elle vient de l’establishment du Congrès, essentiellement les deux “ministres des affaires étrangères” des deux groupes au Sénat, — le républicain Lugar, président de la commission des affaires étrangères, et le démocrate Biden, président de la minorité démocrate de la même commission, qui ont fait des déclarations publiques dimanche à la NBC. Les deux hommes agissent “ès qualité”, de concert, comme s’ils entendaient affirmer une position “bipartisane” sur la question qu’ils soulèvent.

Les deux hommes mettent en cause aussi bien la politique de l’administration que, plus grave encore, l’exercice du pouvoir au sein de cette administration. Ce dernier point, le plus important parce qu’il accuse in fine certains membres de l’administration (ou tous ?) de manipulation du président, constitue une véritable accusation d’une sorte de “coup d’État permanent” (fameuse expression mitterrandienne) au sein de la direction américaine. Et l’accusation vient d’abord de Lugar, le républicain, un homme du parti du président.

« President George W. Bush has lost control of Iraq policy because of infighting among administration officials, the leaders of the Senate Foreign Relations Committee said Sunday. The committee leaders urged Bush to take charge of U.S. postwar policy in Iraq.

» “The president has to be the president, over the vice president and over these secretaries,” the chairman, Republican Sen. Dick Lugar, said during a broadcast interview.

» Added the committee's top Democrat, Sen. Joseph Biden: “There's no clear articulation within this administration of what the goals, what the message is, what the plan is. You have this significant division within the administration between the Powells and the Rumsfelds.”

Une autre source (AP) indique que Biden a développé la même critique fondamentale que Lugar, peu après celui-ci, renforçant l’idée d’une concertation entre les deux hommes pour renforcer l’effet de leurs déclarations : « Asked what he would tell Bush should they meet, Biden replied: “I would say, 'Mr. President, take charge. Take charge. Settle this dispute.'” He added that Bush should tell Powell, Rumsfeld and Cheney: “This is my policy. Any one of you that divert from the policy is off the team.” »

Les deux hommes, s’ils parlent de Rumsfeld et de Powell (les deux fractions qui s’affrontent au sein de l’administration), s’attachent surtout à une troisième personnalité de l’administration. C’est le vice-président Cheney qui est directement mis en accusation, comme étant celui qui manipule directement le président, en s’arrogeant les pouvoirs d’intervenir de façon massive dans la formulation, l’expression et le commentaire de la politique américaine.

« Both Biden and Lugar mentioned Cheney's speech last week, presented as a part of an “information offensive” by the administration to counter what it sees as unnecessarily negative media reports about the Iraq postwar situation.

» Lugar called it “very, very tough and strident.” Biden said Cheney's desire, shared by Rumsfeld, is “to undermine international institutions because they feel it's a drag on our capability.”

» This makes Biden's position as a Democrat who voted for Bush's war plan frustrating, “the most frustrating time in my career.” The vote was correct, Biden said, because war was necessary to depose Iraqi President Saddam Hussein. “I just did not count on the fact that it would be handled with such a degree of incompetence subsequent to the quote military victory,” Biden said. »

Ces déclarations sont complètement dévastatrices et mesurent le degré de crise à l’intérieur du système américain. Les deux sénateurs mettent en question le rôle de Cheney, sa légitimité, la compétence de cette administration, et jusqu’aux symboles mêmes de la puissance américaine telle qu’elle s’est exprimée ces derniers mois. (L’expression « the quote military victory », employée par Biden, signifiant “la victoire militaire entre guillemets” ou “la soi-disant victoire militaire”, est effectivement la mise en cause du résultat de la campagne-éclair initiale. C’est la mise en cause de la principale action réalisée par l’équipe GW Bush depuis deux ans, la mise en cause de la signification même de la stratégie utilisée.)

(Il est significatif du climat washingtonien de lire, le même jour, sous la plume de Maureen Dowd, une chronique faite dans son style habituel, où elle conseille au président d'abandonner son mentor habituel, Dick Cheney. Indication que la polémique fait rage à Washington.)

Nous n’en sommes plus aux “hors d’oeuvre”, — l’affaire des armes de destruction massive, le Spygate, etc. Nous sommes au coeur de la crise washingtonienne, c’est-à-dire la mise en cause de facto de la légitimité du pouvoir en place, par inexistence du président et par usurpation permanente de ce pouvoir par d’autres. Lugar et Biden expriment l’inquiétude de plus en plus furieuse de l’establishment washingtonien devant la façon dont est menée la politique irakienne, et devant les réalités du pouvoir américain aujourd’hui. Tout cela alors que l’on approche du début de la campagne présidentielle. On ne peut imaginer de situation plus tendue et plus dangereuse pour la structure même du pouvoir à Washington.


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