Du réchauffement climatique à l’érosion du pouvoir central

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Du réchauffement climatique à l’érosion du pouvoir central

4 août 2003 — Des records de canicule sont battus, à une échelle et avec une constance rarement vues, et avec des conséquences humaines et écologiques extrêmement sérieuses (incendies massifs). Cette saison suit une autre saison (il y a un an) avec des records de pluie, d’inondation, encore des catastrophes sans précédent. Ces problèmes météorologiques entretiennent le débat et la tension à propos de la polémique du réchauffement climatique. Aux États-Unis, des événements climatiques exceptionnels, avec conséquences humaines et écologiques graves, ont également lieu. Pour autant, l’action internationale est chaotique, avec le Protocole de Kyoto, les polémiques autour, les difficultés à le ratifier, enfin l’attitude du gouvernement américain qui a refusé de signer ce protocole. (La position US est vitale dans ce débat, ne serait-ce qu’à cause de ces deux chiffres : avec moins de 5% de la population globale, les USA émettent plus de 25% de la pollution soupçonnée d’être la cause du réchauffement climatique.)

Un édito du New York Times, publié ce jour dans l’International Herald Tribune, apporte une lumière nouvelle sur la situation aux USA sur cette question. Ce texte met en évidence qu’un mouvement dans certaines parties du pouvoir politique US est nettement perceptible, montrant une préoccupation réelle pour cette question de réchauffement climatique et cherchant une voie pour agir. La particularité de ce mouvement est très intéressante.

«Last week Senators John McCain and Joseph Lieberman extracted a pledge from their colleagues to hold a floor vote later this year on a promising and, by Senate standards, adventurous proposal for mandatory controls on industrial emissions of carbon dioxide, the main global warming gas. Meanwhile, 10 Northeastern governors agreed to devise a regional strategy to reduce these emissions, regardless of what Washington does.

» Perhaps the era of policy paralysis on global warming is giving way to a period of serious debate and, perhaps, action. That is certainly our hope, although there is no cause for celebration yet. Bush remains in denial, stubbornly positioned at the rear of a parade he ought to be leading, begging for voluntary steps from industries that have no incentives to take them. When all else fails, he asks for new research into issues that have long been settled.»

D’une façon générale, le commentateur se montre très pessimiste pour que l’initiative parlementaire aboutisse, dans la mesure où l’administration Bush et l’essentiel des sénateurs républicains demeurent opposés à toute réglementation. Simplement, la tentative aura l’avantage de mettre en évidence la position personnelle de chaque sénateur sur la question: « every senator will now be required to take a stand one way or the other on an issue of great public concern, an issue on which the world has spoken clearly but Congress has remained irresponsibly silent for too long.»

Le plan des dix gouverneurs des États du Nord-Est devrait par contre être d’application d’ici un an. (Leur plan, comme celui qui est présenté par McCain-Lieberman, est une adaptation «modest and inexpensive» du protocole de Kyoto, exigeant de l’industrie de stabiliser puis de réduire ses émissions de dioxyde, et mettant en place des mécanismes d’échange économique nouveaux.)

L’essentiel dans cette séquence d’événements est l’initiative prise par des autorités d’États, contre la politique fédérale officielle. Il s’agit d’un signe montrant un décalage politique entre des zones régionales et le gouvernement fédéral (la question du réchauffement climatique est effectivement une question politique, avec arrière-plan idéologique). On voit démontré de façon précise que les pouvoirs régionaux peuvent prendre l’initiative de diverger complètement de la politique centrale sur un point fondamental.

L’incident permet de conclure d’abord qu’au-delà du consensus quasiment forcé sur la “guerre contre la terreur”, l’administration Bush est très controversée et perçue comme assez faible pour qu’on puisse envisager de prendre des mesures séparées de la politique qu’elle prône. De façon plus fondamentale, l’initiative a des soubassements politiques qui sont surtout le rappel de situations structurelles de grande importance, oubliées à cause des événements du 11 septembre 2001 :

• GW Bush a été élu par 50% des votes populaires exprimés, en fait un peu moins que son adversaire Al Gore.

• Son élection a mis en évidence une séparation régionale marquée entre les deux parties orientale et occidentale (pour Gore) et le centre des USA (pour Bush). (La localisation des États “rebelles”, au nord-est, rencontre effectivement ce partage, puisqu’ils font partie de la partie orientale du pays.)

• Les initiatives des gouverneurs rappellent la permanence de la concurrence potentielle entre pouvoir fédéral et pouvoir des États aux USA, concurrence écartée avec la mobilisation post-9/11, mais qui pourrait réapparaître si cette mobilisation décline ou si la politique anti-terreur de GW connaît de sérieux revers. On est peut-être au moment où, effectivement, la politique anti-terreur qui connaît tant d’avatars n’est peut-être plus suffisante pour maintenir la mobilisation ; si ce cas se prolonge et s’approfondit, la faiblesse de la structure du pouvoir de GW autant que l’extrémisme de sa politique pourraient provoquer des réactions régionales encore plus nettes et ouvrir un nouveau front dans le malaise américain.


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