« Qui va nous arrêter, qui peut nous arrêter ? » — Transcription de l'émission “CIA: guerres secrètes”

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 2010

« Qui va nous arrêter, qui peut nous arrêter ? »


Les 12 et 14 avril, les deux chaînes de la RTBF successivement, le 16 avril, ARTE diffusaient un document sur la CIA, CIA : Guerres secrètes. Nous avions signalé cette émission et annoncions la publication de la transcription de cette émission. Voilà qui est fait ci-dessous.

Ce documentaire est remarquable par son rythme, la profusion des situations, des enchaînements, des constats, qui brossent un tableau saisissant de l’état du pouvoir aux USA, de sa vertigineuse décadence, de sa corruption psychologique autant que vénale. Nous pensons que la transcription ressuscite cet effet.

Un autre aspect qui ressort du document est la sensation de la profondeur extraordinaire de la crise des services de renseignement US, essentiellement la CIA, essentiellement à cause du traitement que leur ont fait subir et leur font subir les présidents Clinton et GW Bush. Cela est un élément assez inédit : tout le monde sait que la CIA est en crise mais on réalise ici qu’il s’agit peut-être d’une crise mortelle, passant notamment par la rupture complète, au niveau des activités et au niveau de la confiance, entre la CIA et le pouvoir politique.

Le document a été réalisé en 2003 par William Karel, il a été produit par Arte et Roche Production. (Fanny Cornil a réalisé cette transcription.)


“CIA: Guerres secrètes” — Transcription


LES PARTICIPANTS

ALEXANDER HAIG, Ancien secrétaire d'État (1981-82)

CHARLES COGAN, CIA-Directeur du contre-espionnage (1995-98)

DALE WATSON, FBI-Directeur de la lutte anti-terroriste

DUANE CLARRIDGE, CIA-Directeur du Counterterrorist Center (1986-89)

FRANK CARLUCCI, Directeur adjoint de la CIA (1978-81)

JAMES SCHLESINGER, Directeur de la CIA (1973)

JAMES WOOLSEY, Directeur de la CIA (1993-96)

JEAN-CHARLES BRISARD, DST

JIM HOAGLAND, The Washington Post

JOSEPH TRENTO, Historien

JOSEPH WILSON, Ambassadeur en Irak (1990-91)

MILTON BEARDEN, CIA-Chef de département

OLEG KALOUGINE, Officier du KGB

PETER EARNEST, CIA- Officier de terrain, analyste

RICHARD HAAS, Département d'État

RICHARD HOLM, CIA-Chef de département

RICHARD KERR, Sous-directeur de la CIA (1989-92)

ROBERT BAER, CIA-Opérations clandestines

ROBERT GATES, Directeur de la CIA (1991-93)

ROBERT MALLEY, Conseiller de Bill Clinton

ROBERT STEELE, CIA-Opérations clandestines

STANSFIELD TURNER, Directeur de la CIA (1978-81)

WILLIAM BLUM, Ancien officier au Département d'État

WILLIAM COHEN, Secrétaire à la Défense de Bill Clinton (1997-2001)

WILLIAM QUANDT, Conseil National de Sécurité

WILLIAM WEBSTER, Directeur de la CIA (1987-89), Directeur du FBI (1978-87)


TRANSCRIPTION


GEORGE BUSH SR (déclaration publique) : « Avec moi, L'Amérique progressera, et nous continuerons à aller de l'avant. Vers un rêve sans fin, intarissable, et dans un jaillissement de lumière. Ce sera ma mission et je l'accomplirai. »

JAMES WOOLSEY : « L'idéologie de la totalité du pays pouvait se résumer en quelques mots : pourquoi s'en faire, profitons de la vie et gagnons de l'argent, les problèmes de la planète ont disparu, la Guerre froide est terminée. »

ROBERT GATES : « Dès l'effondrement de l'Union Soviétique, on a très vite compris que le monde allait devenir instable, bien plus agité et difficile à contrôler que pendant la période relativement structurée de la Guerre froide. »

ROBERT STEELE : « Gates, qui était plutôt doué, s'est retrouvé prisonnier du système. Selon lui, il n'y avait toujours eu qu'un seul ennemi, l'Union Soviétique. »

OLEG KALOUGINE : « La CIA, à l'image des États-Unis et de l'Occident, a eu le sentiment d'avoir triomphé. « On a gagné la Guerre froide ! » Résultat, ils ont cessé d'être vigilants et l'ennemi a surgi de l'autre côté. »

JAMES WOOLSEY : « Nous combattions depuis plus de 40 ans ce dragon qu'était l'Union Soviétique. Nous venions à peine de le terrasser que nous nous sommes retrouvés au coeur de la jungle où grouillaient toutes sortes de serpents venimeux. Et ces serpents bien plus difficiles à affronter que le dragon avaient pour nom Iran, Irak, Corée du Nord, terrorisme, terrorisme islamique. »

RICHARD HAAS : « Nous étions en train de nous faire à l'idée que la Guerre froide était finie, lorsqu'à ce moment précis Saddam et l'Irak ont envahi le Koweït. »

JOSEPH WILSON : « J'étais en poste à Bagdad à ce moment là, responsable de l'ambassade. On avait déjà reçu plusieurs éléments nous indiquant que Saddam menaçait le Koweït. »


Voix-off : Fin juillet 90 la CIA et les services de renseignement alertent le gouvernement Bush. L'invasion du Koweït par Saddam Hussein est imminente. Les photos prises par satellites indiquent la présence massive de forces d'invasion irakiennes à la frontière koweïtienne.


ROBERT BAER : « Il envoyait ses troupes et toute sa logistique en direction du Koweït, faisait transiter des tonnes de carburant. On voyait tout, on avait les satellites, les meilleurs systèmes électroniques capables d'intercepter les communications. Ce qu'il leur a manqué par contre, c'était des tracés intelligents pour comprendre Saddam. »

JOSEPH WILSON : « Malgré tous ces signes évidents, les mouvements de troupes, les longues files de camions de carburant ou d'approvisionnement qu'on avait là sous les yeux, les intentions de Saddam demeuraient toujours ambiguës. »

ROBERT GATES : « La CIA avait suivi le déploiement de leurs forces armées et les préparatifs de l'invasion avec beaucoup d'attention. On était très bien renseigné. »

ROBERT BAER : « Mais à Washington, dès qu'on appelait la Maison-Blanche pour leur dire que Saddam installait toutes ses forces le long de la frontière ou qu'il envoyait de nouveaux bataillons, on nous répondait (et je vous rappelle que la Maison-Blanche était aux mains des Républicains) : « Nous connaissons tous Saddam, il s'amuse juste à faire peur au Koweït, pas plus. »

WILLIAM WEBSTER : « Ils faisaient confiance aux dirigeants de la région, les Irakiens, les Jordaniens et les autres qui leur disaient tous : « Mais non, jamais Saddam n'envahira un pays islamique, un pays ami. » »

ROBERT GATES : « Tous ces chefs d'État affirmaient au président Bush : « Il n'envahira jamais le Koweït. C'est juste un coup de bluff pour faire grimper le prix du pétrole. Moubarak nous l'a affirmé, le roi Hussein de Jordanie aussi et même l'émir du Koweït nous a dit la même chose. » »

JOSEPH WILSON : « On a suivi les conseils des membres de la ligue arabe qui étaient nos amis et ils nous ont demandé clairement de ne rien faire. »

ROBERT GATES : « Et les États-Unis ont pris ça au pied de la lettre. »

JOSEPH WILSON : « Si bien que l'attaque contre le Koweït a vraiment été une surprise, et pour tout le monde. Mais ça ne veut pas dire que nous aurions pu faire beaucoup plus pour l'empêcher. Ce n'est qu'au cours des dernières 18 heures que les signes ont commencé à devenir indéniables. »

WILLIAM WEBSTER : « Richard Kurk qui était mon adjoint a prévenu les responsables de la cellule de crise 12 heures avant l'invasion. Il leur a dit: « Selon la CIA, Saddam Hussein va envahir le Koweït dans les 12 ou 24 heures à venir. » »

RICHARD KERR : « Oh! Je ne sais plus si on a prévenu William Webster. En tous cas on a prévenu le président. »

ROBERT BAER : « Le fossé entre ce que Washington refusait d'admettre et la réalité était immense. J'étais sur place, je voyais les combats mais ils continuaient à ne pas y croire. Je hurlais dans mon téléphone satellite : « Mais je ne suis pas fou, je vois tout ce qui se passe, le pilonnage a commencé, on voit les tanks et tout le reste. » Et eux continuaient : « En tous cas, nous, on ne voit rien. » »


Voix-off : Et le 2 août l'Irak envahit et occupe le Koweït. Personne au Pentagone n' a pris au sérieux les avertissements des agents de la CIA en place le long de la frontière. On a même oublié de prévenir le principal intéressé, Robert Gates.


ROBERT GATES : « J'étais en vacances, nous étions au bord de la rivière près de Washington en famille, quand une parente de ma femme nous a rejoint pour déjeuner. Elle m'a regardé et m'a dit : « Je suis surprise de te voir encore là. » Je lui ai demandé de quoi elle parlait et elle m'a dit: « l'invasion». Je lui ai demandé « mais quelle invasion ?». Elle m'a répondu: « L'Irak a envahi le Koweït. » »

WILLIAM QUANDT : « Ils sont doués à CNN pour obtenir des infos. »

JOSEPH WILSON : « Saddam a envahi le Koweït le 2 août, je l'ai rencontré le 6 pendant près d'une heure et demi et il m'a proposé ce qu'on peut appeler un marchandage, en gros ceci : Vous me laissez annexer le Koweït et je vous garantis de vous approvisionner en pétrole indéfiniment et à un prix raisonnable. Je serais alors la puissance dominante de la région Nord du Golfe. Le face à face a été plutôt glacial, je n'avais pas dormi depuis près de quatre jours. Je lui ai fait une contre-proposition qui se résumait en deux mots : « évacuez le Koweït. » »

COLIN POWELL (déclaration publique) : « Notre stratégie contre cette armée sera simple... Très simple. D'abord les isoler, et ensuite les anéantir. »


Voix-off : La guerre du Golfe sera brève. Saddam Hussein va voir son armée s'effondrer en quelques jours. Reste la question cruciale : faut-il arrêter l'opération « tempête du désert » alors que le pouvoir est toujours en place ? La CIA souhaite se voir confier la tâche d'éliminer Saddam Hussein. Mais le président Bush refuse.


ROBERT GATES : « Avant même que soit tiré le premier coup de feu, nous avions décidé qu'un renversement de régime ne serait pas l'un de nos objectifs. »

JOSEPH WILSON : « Je ne crois pas que nous aurions été en mesure de mettre en place une coalition si renverser Saddam Hussein avait été notre but. Je suis même certain que tout se serait effondré. »

ROBERT GATES : « Mais il y avait aussi les problèmes pratiques. Saddam n'allait pas s'asseoir sous sa véranda et attendre tranquillement que la 24e division vienne l'arrêter. »

WILLIAM WEBSTER : « Personne n'aurait versé la moindre larme si Saddam Hussein avait été tué en même temps que les nombreux soldats qui ont péri dans cette guerre. »

JIM HOAGLAND : « Si par hasard Saddam avait reçu une balle perdue, dommage ! Mais il y avait des limites très strictes à ce qu'ils pouvaient faire pour provoquer la mort d'un chef d'État étranger. »

ROBERT GATES : « Chaque soir nous allumions une chandelle en priant pour que Saddam soit dans l'un des bunkers que nous bombardions. Tout en sachant très bien qu'il dormait sûrement dans une école, un hôpital ou une mosquée, lieux qu'il savait que nous n'allions pas bombarder. »

MILTON BEARDEN : « Ils n'ont jamais réussi à le trouver. »


Voix-off : En janvier 93, Bill Clinton s'installe dans le bureau ovale présidentiel. Il a remporté les élections contre George Bush qui ne fera pas un second mandat.


BILL CLINTON (déclaration publique) : « Mes chers compatriotes, je veux construire un pont vers le XXIe siècle, afin de demeurer le pays disposant de la défense la plus puissante, pour que notre politique étrangère mette en avant les valeurs de notre pays, et de l'ensemble des nations. »


Voix-off : Bill Clinton va très vite manifester son désintérêt pour les services de renseignement. La liste des ratages et des erreurs d'appréciation de la CIA et de la Baies des Cochon à l'arrivée de Khomeny et des intégristes au pouvoir en Iran, de l'invasion de l'Afghanistan par les Soviétiques à l'occupation du Koweït par l'Irak, ou de l'effondrement du Mur de Berlin à la fin de L'Union Soviétique, ont terni l'image de l'agence. Clinton qui commence à trouver la liste un peu longue, renvoie tous les conseillers de la CIA installés à la Maison-Blanche.


ROBERT BAER : « Lorsque Clinton a été élu, la CIA a immédiatement envoyé deux de ses responsables pour le mettre au courant de nos dernières opérations aux quatre coins du monde. Clinton les a renvoyés. Il leur a dit: « Disparaissez, ça ne m'intéresse pas. » Il a refusé de les recevoir. C'est lamentable mais le pire, c'est qu'à la CIA, ça s'est su très vite. L'homme pour qui nous allions devoir travailler, le président, détestait ce que nous faisions et refusait même de lire nos rapports. »


Voix-off : Dès son entrée à la Maison-Blanche, Bill Clinton choisit un parfait inconnu, James Woolsey, pour prendre la direction de la CIA.


JAMES WOOLSEY (déclaration publique) : « Il y a des choses que nous allons devoir faire autrement. »

JAMES WOOLSEY : « Je n'avais jamais eu le moindre rapport avec la CIA ou l'espionnage avant de rejoindre Clinton dès le début de sa présidence. Le président m'a fait venir mais on a à peine parlé du rôle de la CIA. Il préférait bavarder et comparer nos années de jeunesse dans l'Arkansas et l'Oklahoma où nous avions grandi tous les deux. »

DUANE CLARRIDGE : « Clinton avait une peur noire des services secrets. Il avait grandi dans les années 60, une époque où tout le monde s'amusait à taper sur les services de renseignement. Ça lui a sans doute laissé une sorte d'aversion pour tout ce qui touchait aux questions d'espionnage ou de sécurité. »

RICHARD HOLM : « Il n'a jamais vraiment compris ce que nous faisions et en quoi nous pouvions lui être utiles. »

ROBERT MALLEY : « D'autres présidents s'étaient passionnés pour le monde souterrain que représentaient les services secrets et les opérations clandestines. A mon avis plusieurs facteurs peuvent expliquer les raisons du désintérêt du président Clinton. En premier lieu, la Guerre froide venait de se terminer et le genre d'opérations clandestines qu'adoraient ses prédécesseurs n'avaient plus de raison d'être. Et puis il fallait bien que la CIA et les services secrets s'adaptent à cette situation nouvelle. »

RICHARD HOLM : « Ces décisions et surtout le manque d'intérêt de soutien dont il a fait preuve, ont contribué à nous affaiblir et sont à l'origine des problèmes qui nous attendaient, c'est certain. »

CHARLES COGAN : « Si le directeur de la CIA ne peut jamais rencontrer le président, il ne peut plus rien faire puisque la CIA dépend de la Maison-Blanche. »

JAMES WOOLSEY : « On s'est vu deux fois, en deux an. Si bien qu'à l'automne 1994, lorsque ce petit avion Cessna s'est écrasé sur la pelouse de la Maison-Blanche, la blague qui faisait mourir de rire l'équipe de Clinton était la suivante : « Tiens, c'est sûrement encore Woolsey qui essaie d'obtenir un rendez-vous avec le président. » Bon, cette plaisanterie ne m'a pas vraiment fait rire à l'époque, mais avec le temps je me suis rendu compte qu'elle décrivait plutôt bien ce que je vivais. Le président n'avait aucune envie de m'écouter et tout ce qui touchait aux services secrets ne l'intéressait pas. »

JIM HOAGLAND : « Clinton ne rencontrait jamais Woolsey, ou presque. Il n'écoutait ni ses conseils ni ceux de la CIA. Ça ne l'intéressait pas, il s'intéressait à autre chose. »

JOSEPH TRENTO : « Clinton voulait connaître les potins, savoir par exemple avec qui couchait le président Français. »

RICHARD HOLM : « Il s'intéressait d'avantage aux liaisons extra conjugales qu'à ce que nous faisions. »

ROBERT BAER : « Monika Lewinski a vu Clinton plus souvent que Woolsey. »

JOSEPH TRENTO : « Parce que Woolsey avait toujours tort, ses informations étaient toujours fausses, Clinton a cessé de lire les rapports secrets de la CIA. Il lui disait : « Le New York Times est mieux informé que vous, demandez à Woolsey ce qu'il en pense. » »

JAMES WOOLSEY : « Je ne pense pas avoir échoué. J'ai juste eu du mal à établir une relation de travail normale avec le président. S'il avait voulu, il en aurait eu plusieurs fois l'occasion; j'ai passé mon temps à demander un rendez-vous, je pense avoir été honnête. J'étais un peu naïf. »

ROBERT STEELE : « Woolsey a surtout manqué d'autorité. Il n'a eu ni la personnalité ni la force de caractère qu'il fallait et encore moins la perception de notre travail qui lui aurait permis d'aller voir Clinton et de lui dire : « Écoutez, des événements dramatiques se profilent à l'horizon et si vous les ignorez vous pouvez dire adieu à la place qui pourrait être la vôtre dans l'histoire. » Si Woolsey a été méprisé, il en est le seul responsable. »

JAMES WOOLSEY : « J'avais l'impression d'être l'éternel messager porteur de mauvaises nouvelles, le rabat-joie de service. »


Voix-off : Le 26 février 1993, un mois à peine après l'arrivée de Bill Clinton à la Maison-Blanche, l'explosion d'une camionnette piégée garée dans le parking du World Trade Center à New York fait six morts et un millier de blessés. Pour la première fois de leur histoire, les États-Unis sont attaqués par des terroristes sur leur propre territoire. La CIA et le FBI se rejettent la responsabilité des défaillances des services de renseignement. Le FBI n'est pas concerné si l'opération a été mise au point à l'étranger qui est le domaine réservé de la CIA. De son côté, la CIA rappelle qu'il lui est interdit d'enquêter ou d'opérer sur le territoire des États-Unis.


ALEXANDER HAIG : « On aurait dû prendre ça comme une mise en garde, c'est évident. Quinze mille Américains ont failli mourir dans cette première attaque contre un des bâtiments du World Trade Center. Seul le mauvais emplacement de la charge explosive les a sauvés. »

ROBERT STEELE : « Ce premier attentat était un réel avertissement et on en a pas tenu compte. »

JOSEPH TRENTO : « La guerre avait commencé depuis des années mais personne ne voulait l'admettre. La première attaque contre le World Trade Center était un appel à la vigilance mais personne n'y a prêté attention. Les extrémistes musulmans recrutaient à Washington depuis les années 70. »

WILLIAM COHEN : « Nous avons été naïfs en ce qui concerne la détermination de ces groupes à nous agresser mortellement. Nous aurions dû nous montrer beaucoup plus vigilants que nous ne l'avons été. »

ROBERT STEELE : « Après le premier attentat contre le World Trade Center, ils ont saisi une pièce entière de documents en arabe concernant l'attentat mais ils n'ont traduit aucun de ces papiers. Il n'y avait qu'une seule personne qui parlait arabe au bureau du FBI à New York. De toutes façons, lui ne voulait pas le faire et il n'avait pas d'argent pour faire ça à l'extérieur. Il n'avait pas envie de perdre son temps à traduire des documents. Il s'estimait trop important pour faire ça. Deuxièmement, il n'avait pas de quoi payer quelqu'un dans le priver pour le faire traduire. Troisièmement, il ne considérait pas ces documents d'un grand intérêt. »

WILLIAM BLUM : « Le FBI a une tactique, la même depuis des années. Ils aiment bien surveiller, suivre des suspects pendant un long moment. Car plus ils les observent longtemps, plus ils en apprennent sur ce qu'ils préparent et plus ils ont de chances d'arrêter le maximum de gens. Alors ils préfèrent attendre, attendre, attendre encore et en ce qui concerne l'attentat du World Trade Center en 93, ils ont sans doute attendu trop longtemps. »

ROBERT STEELE : « Parce que le FBI ne comprend rien et juge tout début d'information peu crédible ; ce qui me paraît délirant, absolument stupéfiant. Mais je ne dis pas ça pour blanchir la CIA qui a complètement raté ses tentatives d'infiltration des réseaux terroristes à travers le monde. Mais dans l'affaire du World Trade Center, le FBI a tout fichu en l'air pour une seule raison : ce sont des bureaucrates et parce que c'est une bureaucratie à la fois naïve et arrogante, ils n'ont rien pris au sérieux. »


Voix-off : Mais c'est surtout l'affaire Ames qui va accentuer la guerre que se livrent depuis des années la CIA et le FBI. Aldridge Ames, directeur du service de contre-espionnage de la CIA, est soupçonné d'avoir été une taupe des services secrets soviétiques depuis 85. Ames serait responsable de l'élimination de 130 agents travaillant pour la CIA et de la mort de 10 autres exécutés par le KGB.


ROBERT BAER : « Aldridge Ames était un raté, il n'aurait jamais dû occuper ce poste ni même jamais y accéder. Ils auraient dû l'arrêter plus tôt. »

ROBERT STEELE : « Aldridge Ames était connu pour être un agent d'une rare incompétence et un alcoolique qui avait dépassé toutes les normes connues en matière d'alcoolisme. Et les services secrets ont trinqué avec lui. Ames était un alcoolique qui travaillait dans une agence d'alcooliques. Ils l'avaient mis à la tête du service de contre-espionnage soviétique. Un raté, un incompétent et un ivrogne était responsable du contre-espionnage soviétique. Inutile après ça de rechercher les origines de la mort des services secrets. »


Voix-off : La sécurité interne de la CIA effectue une première enquête sans succès et l'affaire est classée sans suite. Le gouvernement américain, pour qui cette affaire d'espionnage est la plus grave de l'histoire des États-Unis, décide alors de confier l'enquête au FBI qui reprend le dossier et démasque Aldridge Ames quelques mois plus tard. C'est un camouflet pour la CIA et une victoire éclatante pour le FBI.


JAMES WOOLSEY : « Nous n'avons rien pu trouver et nous ne travaillions pas vraiment en collaboration étroite avec le FBI. »

WILLIAM WEBSTER : « Ils n'arrivaient strictement à rien, examinant les mêmes vieux papiers sans aboutir nulle part. Ils avaient besoin de faire faire un pas supplémentaire à l'enquête. »

RICHARD HOLM : « Et le FBI qui est le seul à avoir le droit d'enquêter sur les citoyens américains à l'intérieur du pays a alors repris le dossier. Et ils ont fini par le coincer. »

ROBERT BAER : « Et le FBI s'est installé à l'intérieur de la CIA et cette sale affaire de contre-espionnage a fait de nous tous des suspects en puissance. »

ROBERT GATES : « Il est certain que les rapports entre la CIA et le FBI étaient devenus épouvantables, vraiment horribles. »

ROBERT BAER : « Ils ont pris pour prétexte l'affaire Ames et ont déclaré qu'il y avait des centaines de taupes russes à l'intérieur de la CIA et qu'ils allaient toutes les débusquer. Et ils ont investi la CIA. »

MILTON BEARDEN : « La CIA en a gravement souffert, gravement ; des dégâts irréversibles. »

ROBERT BAER : « Je pense que l'arrestation de Ames a sonné le glas, la mort de la CIA, de la CIA telle que j e l'avais connue. »

MILTON BEARDEN : « A un moment où les gens disaient : « Mais qui a encore besoin de la CIA ? », on était en 1994, la Guerre froide était terminée et personne n'avait jamais entendu parler de Ben Laden. »


Voix-off : En 1995, l'enquête sur l'attentat du World Trade Center conduit à l'organisation Al Qaïda et à Oussama Ben Laden, un Saoudien né à Riad. Surnommé le « banquier de la guerre sainte », on estime sa fortune à deux $milliards. Le Washington Post rappelle les liens très étroits qui unissent toujours la famille royale d'Arabie Saoudite à Ben Laden et raconte comment il a été recruté, entraîné et armé par la CIA pendant la guerre d'Afghanistan. A l'époque, il bénéficiait du soutien total des Américains et de l'Arabie Saoudite qui avaient offert à Ben Laden tous les moyens de ses ambitions.


ROBERT STEELE : « Pendant de longues années les Américains ne se sont absolument pas rendus compte que la famille royale d'Arabie Saoudite finançait le terrorisme en échange d'une certaine stabilité intérieure. »

JOSEPH TRENTO : « Mais lorsque Clinton a quitté la présidence, il savait que de l'argent était versé à Ben Laden par la famille royale, il en avait les preuves. »

ROBERT STEELE : « Les deux partis, démocrate et républicain, ont décidé de tolérer un terrorisme d'État financé par un état parce que les Saoudiens possédaient le pétrole. »

ROBERT BAER : « C'est uniquement pour cette raison qu'on ferme les yeux, qu'on refuse d'enquêter sur l'Arabie Saoudite et qu'on ne leur pose aucune question concernant les droits de l'homme. Ils continuent à lapider les femmes accusées d'adultère. Vous avez entendu quelqu'un protester ici ? »

JOSEPH TRENTO : « Ce que nous avons déclenché, en appliquant cette politique de soutien à un régime extrêmement répressif et en leur donnant tout l'argent nécessaire pour rendre exsangues les forces vitales de l'Arabie Saoudite, n'a servi en réalité qu'à alimenter la révolution islamique. »

ROBERT STEELE : « Je pense qu'il s'agit là d'une erreur géostratégique de premier plan. Nous nous sommes permis d'oublier tout sens moral et de devenir stupides pour du pétrole. »

ROBERT BAER : « Parce que si vous prenez le risque de provoquer une révolution en Arabie Saoudite, la production de pétrole baisse de 25%, le baril monte à 150$, et les États-Unis s'effondrent. »

JOSEPH TRENTO : « Nous sommes lâches face à la famille royale parce que nous sommes terrifiés à l'idée qu'ils puissent nous couper le pétrole. »


Voix-off : Les responsables politiques, les présidents successifs ferment les yeux sur cette pétro-monarchie qui applique à la lettre la loi du Coran mais a réglé pour les États-Unis les 55 $millions qu'a coûté la guerre du Golfe. Les puissants groupes pétroliers américains se partagent les faveurs royales et un gâteau de 150 $milliards par an. Plusieurs membres du conseil d'administration de la Saudi Aramco Company sont Américains.


JOSEPH TRENTO : « Et la plupart des responsables de la politique étrangère des États-Unis sont dépendants financièrement de la famille royale. »

ROBERT BAER : « Il faut juste nous faire à l'idée que leur sort est lié à celui des compagnies pétrolières américaines, qu'ils reçoivent directement de l'argent liquide ou sous forme d'actions. Il est par exemple impossible de remettre en cause la position qu'occupe Exxon aujourd'hui en Arabie Saoudite. »

ROBERT STEELE : « Ils achètent les politiciens puis leur fournissent des informations afin que toutes les décisions soient prises en faveur de compagnies qui pillent le pays. »

ROBERT BAER : « Les diplomates, lorsqu'ils quittent leurs fonctions et prennent leur retraite, partent travailler pour l'Arabie Saoudite ou un autre pays du Golfe. »

ALEXANDER HAIG : « Et si en fin de carrière ils choisissent de rejoindre les groupes pétroliers, il devrait leur être interdit à mon avis de partir en poste au Moyen-Orient. »

ROBERT BAER : « Si vous êtes un politicien connu et complaisant avec l'Arabie Saoudite, vous pouvez vous envoler pour Riad et toucher un $million pour faire une conférence. »

JOSEPH TRENTO : « Quand Clinton dit quelque chose de sympathique sur l'Arabie Saoudite, n'oubliez pas qu'il est payé pour y donner des conférences. »

ROBERT BAER : « C'est comme ça que ça fonctionne. Ceux qui quittent la Maison-Blanche partent travailler pour des banques saoudiennes comme conseillers. »

JOSEPH TRENTO : « Le poids de l'argent des entreprises, de l'argent du pétrole sur la politique étrangère américaine est énorme. C'est le coeur de tout ça. »

ROBERT BAER : « Les lobbies du pétrole, et je sais que c'est difficile à admettre, sont beaucoup plus puissants que la CIA. Il y a une hiérarchie ici à Washington. Si le pétrole est là (en levant sa main au niveau des yeux), la CIA est là (en baissant l'autre main au niveau de son bassin), bien en dessous. Vous avez ensuite le Ministère des affaires étrangères puis les groupes de pression des compagnies et ensuite les conseillers, le pétrole, la Maison-Blanche, et enfin le Congrès (en remontant graduellement vers le haut). »


Voix-off : C'est tout à fait par hasard que Robert Baer découvre au sein même de la Maison-Blanche comment les lobbies du pétrole aident Bill Clinton à financer sa campagne pour sa réélection à la présidence des États-Unis. Il y croise Roger Tamraz, directeur de plusieurs compagnies pétrolières qui est invité à participer à un barbecue avec le président pour la modique somme de 300 mille $ qui ira alimenter les caisses du parti démocrate.


ROBERT BAER : « J `ai vu ce Libanais qui sortait ses liasses de billets. Ils lui ont montré la liste des services. Un tête à tête avec le président, une nuit dans la chambre Lincoln, un vol dans l'avion présidentiel Air Force One, même des boutons de manchette. Tout était à vendre, i1 y avait une liste avec les prix, un vrai catalogue, j'ai cru qu'ils mentaient. »

ROBERT STEELE : « Avant même la fin de son premier mandat, il a très vite compris quel était le poids du pétrole, et celui de Wall Street. »

ROBERT BAER : « La seule chose que je me reproche c'est d'avoir été assez stupide pour ne pas avoir compris plus tôt comment fonctionnait le système. J'ai commencé à envoyer des rapports sur le financement de la campagne. Comme il est interdit à la CIA d'espionner des Américains, alors imaginez lorsqu'il s'agit du président des États-Unis. Je transmettais des informations sur le président à mon directeur, ils étaient tout simplement horrifiés. Mais j'étais payé par la CIA pour dire la vérité et je n'allais pas arrêter. Je me fous complètement de la politique, ce que je racontais était vrai. J'ai franchi le Rubicon lorsque j'ai commencé à rédiger des rapports sur le président des États-Unis. Ça ne s'était jamais fait à la CIA ! Mais j'ai continué en en étant conscient. J'ai décidé d'aller devant le Congrès pour leur raconter ce qu'il se passait, sans savoir comment tout ça fonctionnait. Mais il fallait que j'en parle avant à quelqu'un, à un ami qui travaillait au Congrès et qui, entre parenthèses, a été retrouvé plus tard mort dans une chambre de motel, la tête explosée, un fusil à ses côtés. Mais on en parlera une autre fois. »


Voix-off : Baer décide de mettre les pieds dans le plat et d'aller témoigner devant le Congrès pour décrire le poids des lobbies dans la vie politique américaine et l'élection présidentielle et les méthodes assez peu orthodoxes employées par l'entourage de Bill Clinton.


ROBERT BAER : « Le jour même où je suis aller témoigner sur le financement de la campagne devant le Grand Jury, mon appartement a été visité par des cambrioleurs mais rien n'a été volé. Les membres du Grand Jury n'ont même pas voulu aborder la question du financement de la campagne. Rien, pas un mot. Et à chaque fois que j'essayais de dire quelque chose sur la manière dont fonctionnait le système, le procureur me coupait la parole en me menaçant d'un air condescendant. Il a demandé une interruption de séance et m'a fait venir pour me dire en tête à tête : « Si vous revenez encore une fois, une seule sur le financement de la campagne électorale, le tribunal va vous expulser et nous allons vous envoyer en prison. ». Le système était devenu fou, complètement dément. Dès qu'ils ont compris qu'ils n'arriveraient pas à me faire taire, ils ont déplacé l'enquête sur moi. C'était de la pure intimidation digne d'un état policier et dans les locaux même de la CIA. Ensuite, l'expert médical est arrivé et m'a dit :« Vous avez besoin d'un examen psychiatrique. » Je lui ai répondu: « Allez vous faire foutre, il n'en est pas question. Je ne passerai jamais l'examen psychiatrique. » On se serait cru sous Staline. Ils vous font passer un examen, vous confient à un psychiatre qui travaille sous leur contrôle et peuvent faire de vous tout ce qu'ils veulent. Ils peuvent vous interner à Sainte Elisabeth, l'asile psychiatrique de Washington, vous licencier, vous renvoyer chez vous, décider n'importe quoi. Je leur ai dit: « Ok, on laisse tomber. ». Je savais que je n'avais rien à me reprocher, j'avais découvert de l'extérieur comment tout le système fonctionnait et j'ai brusquement compris que le moment était venu de partir. »


Voix-off : Robert Baer démissionne et se voit décerner la prestigieuse médaille qui couronne une carrière exemplaire au service de la CIA.


ROBERT BAER : « Si la loi l'avait permis, la CIA aurait fait sauter ma maison avec moi à l'intérieur. »


Voix-off : La CIA a localisé Ben Laden qui s'est installé au Soudan. Mais Bill Clinton ne veut pas, en pleine campagne électorale abroger l'ordre présidentiel Gérald Ford qui, depuis 20 ans, interdit tout assassinat. En février 96, il finit par signer un ordre de mission top secret autorisant la CIA à utiliser tous les moyens nécessaires pour anéantir le réseau Al Qaïda et Ben Laden.


JOSEPH TRENTO : « Sincèrement, s'ils avaient pu assassiner Ben Laden, ils l'auraient fait. Clinton avait signé l'ordre: « Tuez-le ! ». Mais ils ne l'ont pas trouvé. Clinton voulait Oussama Ben Laden mort, mais la CIA ne l'a jamais trouvé. »


Voix-off : En mars 96, un mois plus tard, le gouvernement de Khartoum, sous la pression de l'ONU, décide d'expulser Oussama Ben Laden et son armée secrète forte de 10 000 hommes. Ils proposent aux Saoudiens de leur remettre Ben Laden mais la famille royale refuse. Les Soudanais se tournent alors vers Bill Clinton et lui font la même offre.


MILTON BEARDEN : « Les États-Unis et le gouvernement saoudien ont prévenu les Soudanais. Ils leur ont dit: « Ben Laden nous pose un problème ». Et les Soudanais qui tenaient beaucoup à améliorer leurs relations avec l'Arabie Saoudite et les États-Unis, ont demandé : « D'accord, qu'est ce que vous voulez, qu'on vous l'envoie ? » Et les Saoudiens ont répondu: « Nous ne voulons pas de lui. » Ils ne voulaient pas que Ben Laden revienne chez eux. Ils voulaient juste qu'il disparaisse. »

ROBERT BAER : « Les Soudanais ont proposé de remettre Ben Laden à L'Arabie Saoudite pour qu'ils le mettent en prison. Ils ne pouvaient l'expulser d'un pays musulman que vers un autre pays musulman. C'est-à-dire qu'il se serait retrouvé en prison en février 96. Les Soudanais essayaient désespérément de se racheter auprès des États-Unis. »

MILTON BEARDEN : « Les Soudanais ont alors dit au gouvernement américain: « On va vous le donner. » Mais les Américains ont répondu: « Surtout pas, on ne peut pas l'inculper, on ne peut l'accuser d'aucun crime, on ne peut pas le prendre. » Ça s'est passé exactement comme ça. »

DALE WATSON : « Il aurait fallu avoir des accusations précises, un motif d'inculpation, une plainte ou un mandat d'arrêt; et je me souviens qu'en 96 nous ne disposions d'aucune preuve pour pouvoir le ramener aux États-Unis afin de le poursuivre en justice. »

ROBERT BAER : « Et les États-Unis n'ont exercer aucune pression sur l'Arabie Saoudite pour qu'elle prenne Ben Laden. Je sais exactement où et quand les rencontres ont eu lieu. Ils ont même précisé : « Si prendre Ben Laden vous pose des problèmes, ne le faites pas. » Je suis parfaitement au courant de la correspondance échangée à ce moment-là. »

MILTON BEARDEN : « Et les Soudanais l'ont jeté dehors, il est parti en Afghanistan et on connaît tous la suite de l'histoire. »


Voix-off : Le gouvernement américain décide de renforcer la cellule de contre-terrorisme, de lui donner un nouvel élan en faisant fusionner des éléments du FBI et de la CIA, les deux agences ennemies, au sein d'un même service. On propose à Dale Watson, chargé du terrorisme au FBI, de rejoindre les rangs de la CIA.


DALE WATSON : « Quand j'ai demandé en quoi consistait le travail, il m'a dit: «Nous avons besoin de quelqu'un pour rejoindre la CIA. » J'ai alors répondu: « Je tiens à vous signaler que je ne connais pas ces gens-là, que je ne les aime pas et que je ne veux pas aller là-bas. » Mais il a insisté : « Vous irez quand même ». On m'a en quelque sorte forcer a y aller. Nous avons même plaisanté sur ce que nous avions qualifié plus tard de « programme d'échange d'otages ». Des agents du FBI étaient forcés d'aller à la CIA ; et, au même moment, deux types de la CIA avaient été convoqués et s'étaient entendus dire : « L'un de vous deux va partir au FBI. » Ils avaient répondu, et je sais que c'est vrai: « Nous n'aimons pas ces gens, nous ne les connaissons pas, nous ne voulons pas aller là-bas. »

ROBERT STEELE : « Parce que le FBI est nul en contre-espionnage. »

ROBERT BAER : « Sa mission la plus importante consistait à détruire la CIA. »

DUANE CLARRIDGE : « Ils prennent les agents et les officiers de la CIA pour des tire-au-flanc, pour des babouins ou je ne sais quoi. »

DALE WATSON : « Et c'est ainsi qu'a débuté la coopération entre la CIA, le FBI et le contre-terrorisme. »


Voix-off : En août 98, deux attentats contre les ambassades américaines de Tanzanie et du Kenya font 224 morts dont 12 américains et plusieurs centaines de blessés. Ben Laden est devenu l'ennemi public numéro 1 et sa tête est mise à prix. Malgré un budget annuel de plusieurs milliards de $, la CIA n'a su prévoir aucun de ces attentats et encore moins celui qui, en octobre 2000, un mois avant les élections présidentielles, a lieu au Yémen. 17 marins américains sont tués et 26 blessés dans l'attentat suicide contre l’USS Cole dans le port d' Aden.


ROBERT STEELE : « L'administration Clinton a choisi de considérer ça comme des attaques mineures qui ne nécessitaient pas de réactions majeures. »

PETER EARNEST : « Ces choses se passaient là-bas, à l'étranger, pas ici, pas dans notre pays. »

ROBERT STEELE : « Il y avait donc une politique lamentable qui consistait à dire : « D'accord, vous pouvez tuer des Américains, mais n'en tuez pas trop et faites-le à l'étranger. »

DUANE CLARRIDGE : « J'espère que l'histoire révélera un jour l'incapacité du gouvernement Clinton à vraiment s'attaquer aux problèmes du terrorisme et du contre-terrorisme. »


Voix-off : Aux élections présidentielles de 2000, George Bush Junior, gouverneur du Texas, va, contre toute attente, remporter de justesse la course à la Maison-Blanche. Huit ans après son père, il accède au pouvoir. Son rival, le vice-président Gore, s'est incliné devant le choix des urnes pour ne pas jeter le discrédit sur le système électoral américain.


WILLIAM QUANDT : « Bush rejette tout ce qui est complexe, toutes les nuances et il a fini par convaincre les gens d'ici et d'autres à l'étranger qu'il est mal renseigner. »

STANSFIELD TURNER : « Je ne crois pas qu'il ait assez l'expérience nécessaire en politique étrangère pour assumer cette charge tout seul ni qu'il en ait la capacité intellectuelle. »

WILLIAM QUANDT : « Son inexpérience, et je dirais son manque de sérieux face à la complexité de la politique étrangère le poussent à tout simplifier. »

ROBERT STEELE : « Quand vous avez pour président un étudiant médiocre et qui ne connaît pas grand chose aux problèmes de la planète, vous avez toutes les chances de courir au désastre. »

GEORGE W. BUSH (déclaration publique) : « Et j e voudrais remercier papa, l'homme le plus honnête que j'aie jamais rencontré. Tout au long de ma vie, j'ai eu du mal à croire qu'un homme si doux puisse être aussi fort. Papa, je suis fier d'être ton fils. »


Voix-off : George Bush père, avant de devenir directeur de la CIA puis président des États-Unis, avait créé en 1960, la Zapata Company, une société pétrolière minuscule mais qui avait obtenu le droit d'exploiter des zones de forage au Koweït. La fortune de George Bush père était faite. Son fils avait suivi ses conseils et fondé en 79 sa propre compagnie pétrolière au Texas, l'Arbusto Energy dont la gestion fut catastrophique et qui fut sauvée de la faillite par Selim Ben Laden, le demi-frère d'Oussama, qui racheta au prix fort une grande partie des actions. La famille Ben Laden était déjà propriétaire de l'aéroport de Houston au Texas. Avant d'être élu gouverneur, George Bush Junior recevait du groupe pétrolier Arken Energy 120 mille dollars par an au titre de consultant. Le quart de la compagnie appartenait à des Saoudiens et l'avocat de la société était le cabinet James Baker, l'ancien secrétaire d'État de Bush père.


JOSEPH TRENTO : « Écoutez, George Bush, Bush père, l'ancien président, a dit clairement que notre intérêt stratégique était de faire la guerre contre Saddam. Qu'est-ce que cela veut signifier ? Le seul intérêt stratégique que nous avons dans le Golfe est le pétrole. »

JAMES SCHLESINGER : « Le secrétaire d'État Baker l'a dit, ça tient en un seul mot : pétrole. »


Voix-off : George W. Bush a fini par faire fortune en vendant la totalité de ses actions pour 1 $milliard. Deux mois plus tard, l'Irak envahissait le Koweït. L'enquête ouverte pour rechercher s'il y avait eu délit d'initié de la part de son père, alors président des États-Unis s'était soldée par un non-lieu.


JOSEPH TRENTO : « Vous avez le président des États-Unis, son père, l'ancien président et le vice-président des États-Unis qui tous ont fait fortune en faisant des affaires dans le milieu du pétrole uniquement grâce à leurs relations avec la famille royale. »

ROBERT STEELE : « Les gens ne savent pas que le gouvernement auquel ils font confiance pour endiguer le crime est en fait étroitement associé aux criminels. »

JOSEPH TRENTO : « Je peux vous assurer qu'il n'y aurait jamais eu de négociations avec les Talibans si Enron ne l'avait pas exigé et s'ils n'avaient pas largement financé la campagne de Bush. »

ROBERT BAER : « En découvrant la façon dont ce gouvernement se comporte, je finis par regretter le période CLINTON. Ces gens sont fous. »

ROBERT STEELE : « La famille Bush entretient de solides relations avec des criminels. Dick Cheney aussi a des liens avec des criminels, c'est une véritable mafia. »


Voix-off : En 1989, George Bush Junior siégeait au conseil de direction du groupe Carlyle, poste qu'il conservera jusqu'en 94 sans jamais déclarer ses revenus. Cette gigantesque entreprise travaille surtout avec le secteur de la défense : missiles, avions, chars. 16 $milliards d'actifs. George Bush père est toujours un des piliers de Carlyle. Le conseil d'administration est constitué d'un réseau d'hommes de pouvoir de premier plan capables d'influer sur tous les décideurs politiques. Chacun des partenaires détient un capital de 200 $millions. Le groupe Carlyle est dirigé par Frank Carlucci, ancien directeur adjoint de la CIA et ministre de la défense de Reagan. Au lendemain de son élection, George Bush Junior signait avec le groupe Carlyle un contrat d'armement de 12 $milliards portant sur un nouveau système d'artillerie contre l'avis de tous les experts du Pentagone qui le jugeaient totalement inadapté.


ROBERT STEELE : « Le groupe Carlyle a probablement un accès directe à tout ce que la CIA sait sur le reste du monde. »

JOSEPH TRENTO : « Pas de comptes à rendre, pas d'actionnaires ; ça sert de couverture à un service de renseignement très efficace. Quand vous êtes en face de Carlucci, vous êtes au coeur du gouvernement américain. »

ROBERT STEELE : « Carlucci peut appeler qui il veut à la CIA et lui parler d'égal à égal. »

JOSEPH TRENTO : « Sa femme Marsha travaillait dans un grand cabinet de comptables. Son travail consistait à dissimuler le budget secret de la CIA à l'intérieur du budget du Département de la défense. Tout se passait en famille. »

FRANK CARLUCCI : « Il y a de nombreuses accusations concernant notre soi-disant entreprise politique mais personne ne peut citer le moindre exemple de pression politique dans lequel nous serions impliqués, ni une quelconque occasion où nous aurions tenter d'user de notre influence. Nous ne cherchons pas à exercer d'influence politique ; nous achetons et vendons des entreprises, c'est de cette façon que nous gagnons notre argent. »

JOSEPH TRENTO : « Ils procèdent à des opérations secrètes, ils blanchissent de l'argent sale par l'intermédiaire du groupe Carlyle. George Bush est associé à l'affaire, même Colin Powell en fait partie. »

FRANK CARLUCCI : « James Baker, John Major, Arthur Lewit, oui, ce sont tous des personnalités connues de premier plan. Mais ces gens sont doués pour les affaires et ils font donc des affaires. »

ROBERT STEELE : « Et je trouve qu'il serait intéressant que le public regarde d'un peu plus près d'où vient leur argent. »

JEAN-CHARLES BRISARD : « Le groupe Carlyle est très implanté en Arabie Saoudite, bien sûr et on estime que la famille Ben Laden, par exemple, et les investisseurs dans les fonds Carlyle à Londres ont des liens très forts et ça a été l'une des courroies de transmission sans doute de cette relation privilégiée qui a pu se nouer entre les États-Unis et l'Arabie Saoudite, en particulier avec la famille Bush. »

FRANK CARLUCCI : « Il s'agissait d'un très modeste investissement, un ou deux $millions, je crois. Nous avons récupéré nos fonds et nous avons bien sûr cessé de faire des affaires avec Ben Laden, évidemment. »


Voix-off : Dès son entrée à la Maison-Blanche, George W. Bush est alerté par la CIA. Ben Laden menace maintenant directement les États-Unis. Deux mois plus tard, en mars 2001, une commission gouvernementale publie un rapport de 150 pages qui se termine par ces mots : « Un assaut direct contre les citoyens américains sur le sol américain causant la mort et la destruction parait vraisemblable. Face à cette menace, notre nation n'a aucune structure gouvernementale cohérente. »


ROBERT GATES : « Nous étions plusieurs à dire depuis le milieu des années 90 que des terroristes allaient très vraisemblablement utiliser des armes de destruction massive sur le sol des États-Unis et qu'il fallait nous y préparer. Plusieurs commissions avaient souligné qu'une attaque terroriste de grande envergure effroyable allait se produire. C'était pratiquement inévitable. »

STANSFIELD TURNER : « La CIA hurlait: « Les États-Unis vont être attaqués sur leur territoire. »

PETER EARNEST : « On recevait une énorme quantité d'informations sur les menaces terroristes, sur les plans des terroristes, sur le fait que quelque chose allait se passer, quelque chose de très important. »

ROBERT GATES : « Après tout, et sans parler de l'attentat contre le World Trade Center en 93, on pensait qu'il allait y avoir d'autres attaques à New York. Il y a eu ce complot qui consistait à faire tomber 12 avions de ligne en 95, un autre au même moment qui prévoyait de faire s'écraser un avion sur le siège de la CIA et l'attaque prévue contre l'aéroport de Los Angeles à la veille de l'an 2000. »

PETER EARNEST : « Il y avait eu ce plan qui consistait à s'attaquer au siège de la CIA à Langley et bien sûr toutes ces menaces lancées régulièrement contre la Maison-Blanche et le Capitole. Quelqu'un va arriver au volant d'un véhicule et tenter une action. »

DALE WATSON : « Nous étions absolument persuadés que l'Amérique allait être attaquée, nous mesurions la gravité de la situation et nous nous sommes préparés contre cela. »

ROBERT GATES : « Malheureusement, tous les politiciens qui nous approuvaient d'un air entendu, n'ont rien fait. »

JAMES WOOLSEY : « Tout le pays était en fait en léthargie. »


Voix-off : Malgré les menaces de plus en plus précises, le combat que se livrent la CIA et le FBI ne cesse pas. Les rivalités et la rétention d'informations continuent. Le chef du FBI prévient ses agents : « On ne partage aucune information avec la CIA. »


STANSFIELD TURNER : « Apparemment, plusieurs erreurs ont été commises, comme le manque d'échange d'informations entre les services et le reste. »

WILLIAM WEBSTER : « Il ne s'agissait pas de garder les informations secrètes, nous n'avions pas les moyens nécessaires pour les transmettre à la CIA. »

ROBERT STEELE : « Ils ne communiquent pas entre eux, leurs ordinateurs ne sont pas reliés les uns aux autres, leurs agents ne s'entraînent pas ensemble, ils refusent de travailler ensemble. »

WILLIAM QUANDT : « Lorsqu'ils recueillent des renseignements, chaque service a tendance à les garder pour soi. Ils ne se font jamais confiance. »

WILLIAM COHEN : « Il ne s'agit pas de se battre, chaque agence a une mission différente, une mentalité différente. »

DUANE CLARRIDGE : « C'était la guerre, mais une guerre qui s'est étendue à tout le domaine du contre-espionnage. »


Voix-off : En février 2001, Israël avertit la CIA : des terroristes vont pirater un ou des avions de ligne et s'en servir comme arme. Le roi Abdallah de Jordanie, le président Moubarak puis le chancelier Gerardt Schröder transmettent au Pentagone la même information : une attaque aura lieu prochainement sur le sol américain dans laquelle des avions seraient impliqués.


JAMES WOOLSEY : « Depuis des années les extrémistes islamiques s'entraînaient à détourner un avion de ligne sur un vieil appareil cloué au sol que nous pouvions observer sur nos photos satellites. Ils s'entraînaient par petits groupes de quatre ou cinq à prendre le contrôle de l'avion en utilisant de tous petits couteaux. »

ROBERT BAER : « En 98 j'ai envoyé à la CIA un e-mail sur Raledchek Mohamed à propos des détournements d'avions et des faux noms qu'il utilisait lorsqu'il voyageait en Europe. Je n'ai jamais eu de réponse. »

PETER EARNEST : « Plusieurs personnes originaires de pays arabes prenaient des cours de pilotage mais avouaient qu'apprendre à atterrir ne les intéressait pas. Des détails qui auraient mérité un supplément d'enquête. »

DUANE CLARRIDGE : « Vous pouvez imaginer un type censé apprendre à piloter un avion et disant à son instructeur : « Je voudrais juste savoir comment on fait pour tourner à gauche et à droite. » Franchement ! »

ROBERT STEELE : « On a reçu plusieurs indices qui n'ont pas été examinés sérieusement. Un jeune homme a débarqué dans le bureau du FBI à New Ark dans le New Jersey, un an avant le 11 septembre, et a prévenu le FBI. Il avait eu connaissance d'un projet, des avions allaient être utilisés pour percuter le World Trade Center. Le FBI n'a pu vérifier aucun élément de cette histoire mais au lieu de la prendre au sérieux, d'essayer de comprendre ce qu'ils ignoraient, de découvrir ce que la CIA ne voulait pas leur dire, ils n'en ont pas tenu compte. »

WILLIAM BLUM : « Ils ont dû penser que ces pirates de l'air envisageaient un banal détournement d'avions avec prise d'otages et revendications. Ils ne savaient probablement pas qu'ils prévoyaient d'utiliser l'avion comme une bombe, un missile. Ils ont donc préféré attendre et attendre encore jusqu'à ce qu'il soit trop tard. »

ROBERT BAER : « C'est exactement comme pour les informations sur Zaccaria Moussawi. »

JOSEPH TRENTO : « Le 24 août, les services secrets français, la DST, ont remis un document au représentant du FBI à Paris qui prouvait que Moussawi avait des liens avec A1 Qaïda. »

JEAN-CHARLES BRISARD : « Les informations transmises, on le sait aujourd'hui, étaient quand même relativement précises et notamment sur le fait que Moussawi s'était entraîné en Afghanistan, dans tel camp, contrôlé par Ben Laden. On savait également qu'il avait des relations en Europe avec des dirigeants ou des membres d'A1 Qaïda, qu'on avait nommés, qu'on avait désignés aux États-Unis. »

JOSEPH TRENTO : « Vous pouvez croire que ce document n'est jamais parvenu aux agents du FBI de Minneapolis où Moussawi se trouvait. Ils ont non seulement empêcher les informations recueillies de remonter à la direction du FBI, mais la direction elle-même refusait de leur transmettre leurs propres informations. »

DUANE CLARRIDGE : « Le responsable du FBI à Minneapolis est une sorte de prince, un petit roi, un baron. Il ne fait parvenir au siège de Washington que ce qu'il veut bien transmettre. »

JEAN-CHARLES BRISARD : « Le FBI a jugé à un moment ou un autre que les éléments transmis par les Français sur Moussawi étaient insuffisants pour diligenter des enquêtes supplémentaires et notamment les écoutes téléphoniques. »

ROBERT BAER : « Les Français ont fait passer l'information aux États-Unis mais les Américains ont répondu: « C'est sans intérêt. » Il n'ont pas mis son téléphone sur écoute ni fouiller dans son ordinateur. Ils n'écoutent jamais.»

JOSEPH TRENTO : « Tout le monde se lamente, « C'est la faute du FBI, c'est la faute de la CIA ». Mais quand vous avez toute l'équipe du président qui vous dit : « Évitez de creuser un peu trop, on ne veut pas savoir ce qu'il y a en dessous, on ne veut pas d'ennuis, on ne veut pas en entendre parler, les Saoudiens sont nos amis. », qu'est ce que vous voulez que les agents des services de renseignement fassent ? »

DUANE CLARRIDGE : « L'erreur majeure, la vraie erreur a été de ne pas avoir autorisé la CIA à pouvoir aller enquêter à l'intérieur de l'Arabie Saoudite. »

ROBERT STEELE : « On nous a dit : « Les Saoudiens sont nos amis et on n'espionne pas ses amis. »

JOSEPH TRENTO : « Le roi avait fait passer le message : « Je ne veux pas savoir. » Je parle du roi George W. Bush ou du conseiller du roi, Dick Cheney. Mais en vérité ils n'ont pas laissé nos services de renseignement faire leur travail. »

ROBERT BAER : « Peut-être, je dis bien peut-être, que s'ils avaient laissé la CIA faire son boulot correctement, nous aurions pu empêcher le 11 septembre. »


Voix-off : « ROBERT BAER, 5 ans après avoir claqué la porte de la CIA, décide à titre personnel de reprendre contact avec les groupes qu'il infiltrait et recueillir des informations sur l'opération qui se prépare.


ROBERT BAER : « J'étais devenu proche d'un groupe de dissidents dans le Golfe qui était au courant de ces plans. Quand j'ai démissionné, et non pas pris ma retraite, -e suis parti à Beyrouth et une fois sur place, ces gens m'ont averti : « Raledchek Mohamed se prépare à détourner les avions. » C'était l'ancienne cellule de Ramsé Youcef qui avait déjà fait sauter le World Trade Center. »

STANSFIELD TURNER : « Dès le mois d'août 2001, il prévient le président : « Nous allons avoir une attaque terroriste à l'intérieur des États-Unis. »

ROBERT BAER : « Je savais que la CIA ne m'écouterait pas, ils avaient décidé que rien ne se passerait. C'est comme ça qu'ils fonctionnent, ce sont des bureaucrates, ils refusent d'écouter quelqu'un qui vient de l'extérieur. »

ROBERT STEELE : « Nous aurions dû examiner sérieusement tous ces documents et comprendre qu'ils recommenceraient mais cette fois avec un plan de plus grande envergure. »

RICHARD KERR : « Que ce soit la faute du FBI ou celle de la CIA, vous pouvez accuser qui vous voulez. Ce qui est sûr, c'est que rien n'a été fait correctement dans ce centre. »

ROBERT STEELE : « Vous savez, donner tous les moyens à des incapables, c'est comme verser de l'huile sur le feu. C'est ce qui s'est passé.»

DUANE CLARRIDGE : « Tout le monde en parle comme d'une opération extraordinaire : « Mon Dieu, ces gens sont des génies, une telle complexité ! » C'est complètement absurde. Ça a été fait par une poignée de fous. »

RICHARD HOLM : « Mais nous ne pouvions pas imaginer qu'ils en seraient capables, qu'autant de gens étaient prêts à se suicider, à mettre sur pieds une telle structure. »

DUANE CLARRIDGE : « Nous sommes complètement passés à côté. »

Voix-off : 11 septembre 2001, George W. Bush, qui vient de prendre 5 semaines de vacance dans son ranche au Texas, fait son jogging matinal en Floride. Son frère, gouverneur de l'État, l'a invité à commencer ici sa croisade pour l'éducation; le président plaisante avec les journalistes. Dans une heure, il va visiter une école à Sarasota. A 8h47, alors que le président plaisante avec les enfants, son conseiller reçoit un appel.


Post-scriptum

ROBERT STEELE : « On a jamais réussi à retrouver Ben Laden. Toutes ces déclarations ridicules du président du genre : « Amenez-le moi mort ou vif », c'était digne d'un cow-boy du Texas. Nos militaires n'en avaient pas les moyens, en particulier à cause de la nullité des services secrets américains. Nous n'avons jamais été efficaces sur le terrain. Saddam Hussein va donc payer parce que Ben Laden nous a échappé. On ne s'en serait jamais pris à lui si tout n'avait pas raté. »

WILLIAM QUANDT : « Il n'y a aucun lien entre les deux et le gouvernement le sait. »

GEORGE W. BUSH (déclaration publique) : « Le il septembre 2001, le peuple américain a vu ce que des terroristes pouvaient faire en utilisant quatre avions comme armes de combat. Nous n'allons pas attendre, et voir si des terroristes, ou des états terroristes, sont capables d'utiliser des armes chimiques, biologiques ou nucléaires. Saddam Hussein va essayer de jouer une dernière manche, se lancer dans une nouvelle série de mensonges, de démentis, tenter un jeu de dupe de dernière heure, mais la partie est terminée. »

WILLIAM QUANDT : « Bush parle de guerre contre le terrorisme, de l'axe du mal ou de Saddam Hussein comme d'un nouvel Hitler. »

JOSEPH TRENTO : « Bush répète partout : « Il est l'incarnation du mal, c'est le mal, il faut nous débarrasser de lui. » Et pourtant dans les années 80, il était l'un de nos meilleurs amis. Le président Reagan lui envoyait même son médecin personnel à Bagdad pour le soigner de ses maux de dos. Et d'un seul coup il n'est plus notre ami. Qui allons nous mettre à sa place ? »

WILLIAM QUANDT : « Nous découvrons un autre visage de George Bush où son inexpérience devient plus évidente. Cette précipitation à s'engager dans une guerre avec l'Irak n'a rien de rationnel. Le président change sans arrêt d'explication. Un jour il invoque la menace des armes nucléaires, le lendemain il parie de menace terroriste, le jour suivant il s'agit de défendre les Nations-Unies, et le jour d'après il affirme que l'Irak va nous attaquer si nous n'agissons pas. Je pense qu'il est, je dirais, manipulé par certains de ses conseillers. »

ROBERT STEELE : « Il est aux mains d'un groupe d'extrême droite. Ce groupe est d'ailleurs si extrémiste qu'il met désormais en avant ses propres analyses et les substitue à celles de la CIA. Ces gens le nourrissent au sens propre du terme ; ils lui font avaler ce qu'ils veulent au lieu de lui fournir les informations dont il a besoin en tant que président. »

WILLIAM QUANDT : « Il pense que si les États-Unis renversent le régime de Saddam pour le remplacer par un régime ami, et s'installent plus ou moins officiellement en Irak où les réserves de pétrole sont gigantesques, les Américains disposeront alors d'un deuxième allié puissant. Il y aura Israël d'un côté, et l'Irak de l'autre. Un Irak placé sous contrôle américain permettrait de surveiller l'Iran et surtout de faire perdre de son importance à l'Arabie Saoudite. Vous pourriez aussi ajouter la Turquie à la liste des pays amis. Israël, la Turquie et l'Irak, devenus proaméricains. Et une fois cet objectif accompli, ils diront : « Qui a encore besoin du reste du Moyen-Orient, qui a encore besoin des Saoudiens ? Ils n'ont plus aucune importance. » »

MILTON BEARDEN : « Est-ce que nous allons occuper l'Irak pendant 30 ans; est-ce que nous allons devenir un pays du Moyen-Orient, peut-être un nouveau membre de l’OPEP »

WILLIAM QUANDT : « Je pense qu'il y a un risque pour qu'il nous entraîne sur un terrain terriblement dangereux sans avoir pris la peine d'expliquer en quoi il est nécessaire pour les États-Unis d'entrer en guerre aujourd'hui. Qui va nous arrêter, qui peut nous arrêter ? »