Shut up, les voix de la dissidence

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Shut up, les voix de la dissidence


4 avril 2003 — Nous présentons un texte que nous jugeons intéressant, — du groupe FAIR-L (Fairness & Accuracy In Reporting Media), que nos lecteurs connaissent bien. FAIR présente des cas récents de mesures prises contre des journalistes, ou des groupes d’information adversaires de la guerre, aux USA.

Bien entendu, le phénomène est présenté comme un phénomène de censure, ce qu’il est indubitablement. Il ne faut pourtant pas s’en tenir là. Les “attendus”, si l’on ose dire, de certaines explications de mise à pied ou de mesures restrictives par les autorités qui les prennent, c’est-à-dire les groupes de presse privés, sont en nombre de cas particulièrement intéressants. Ils sont révélateurs. Ils montrent que les forces dominantes de contrainte de la pensée, aux USA, ne sont pas de nature policière ni coercitive stricto sensu, que ce soit directement (bien sûr), ni même indirectement. Elles sont appuyées sur des traits psychologiques et des comportements sociaux qui ne sont pas habituellement convoqués comme explications fondamentales d’une dictature, ni de la censure : il s’agit essentiellement du conformisme, de l’hypocrisie, de la couardise, du mensonge conformiste, de l’utopie, de l’intérêt commercial, — bref, de toutes ces choses qui, de près ou de loin, ont en général partie liée avec la stupidité, et une stupidité non dans un cadre pathologique mais dans un cadre d’une pensée pauvre.

C’est-à-dire que nous ne croyons pas, malheureusement, que ces mesures marquent une perversion de la démocratie américaine, ou une attaque grave contre la démocratie américaine. Nous craignons au contraire que ces mesures ne font que révéler, dans une situation extrême, la réalité de la démocratie américaine. (Il faut rappeler que, dans toute l’époque du maccarthysme, jamais aucun acte illégal ne fut posé contre les victimes de ce phénomène, par ceux qui s’en faisaient les procureurs. Tout se passa dans le strict respect de la loi, plus que de la légalité.)

Ce qui est assez remarquable dans les “attendus” divers, c’est qu’à aucun moment la cause des mesures de contrainte ou de licenciement n’est dissimulée. Ce n’est pas là qu’il y a hypocrisie ou conformisme, pas par rapport à la victime. L’hypocrisie et le conformisme se manifestent par rapport à la société, ou par rapport au système si l’on veut, en s’en manifestant le fidèle soutien et en affirmant que ce système est une référence “objective”. On verra dans le texte le cas de Brent Flynn, ce journaliste texan, qui n’est pas viré mais à qui on retire sa chronique d’opinion parce qu’il est anti-guerre (on ne le lui dissimule pas), et parce qu’à cause de cette chronique il compromettait l’“objectivité” du journal (« Although Flynn was ostensibly sanctioned for compromising the paper's “objectivity,”... »). Le conformisme et l’alignement sur la pensée centrale sont présentés comme des vertus, la pensée du système, — la guerre dans ce cas — est désignée comme la référence démocratique de l’“objectivité”.

D’autres sont remarquables d’une autre façon, notamment l’argument de MSNBC pour la suppression du talk-show de Phil Donahue : « The report warned that the Donahue show could be “a home for the liberal anti-war agenda at the same time that our competitors are waving the flag at every opportunity.” » Dans ce cas, il y a une préoccupation commerciale : la concurrence va profiter des pitreries “libérales” de Donahue pour faire de la surenchère patriotique et, ainsi, emporter des parts de marché, — vous imaginez la honte ? On ne peut, en vérité, rêver censure plus démocratique, et cela plus démocratiquement dit.

Ces incidents nous confortent dans l’analyse que les USA ne vont pas vers une dictature parce que, en un sens, ils en sont incapables. Et “objectivement” considéré, le choix de ces termes que nous faisons indique bien que c’est, dans ce cas, une faiblesse mortelle. A la place nous aurons un mélange de libéralisme maintenu au travers du corpus des lois libérales et des moyens d’action dans ce sens, et d’actions de suppression de la liberté de parole, de coercition dans des domaines bien précis, sans la moindre retenue puisque la conscience reste sûre de son fait démocratique. Les USA n’ont guère de possibilités de passer à une vraie dictature (au contraire de ce que craint Norman Mailer, à notre sens) ; ils évolueront plutôt vers cet état intermédiaire, mi-bordel libéral, mi-autoritarisme tatillon, policier et légal, ce qui conduit effectivement au désordre, — une sorte d’évolution vers le gorbatchévisme en beaucoup plus médiocre, lorsque Gorbatchev commença à desserrer certaines contraintes en tentant d’en conserver d’autres. Les USA ne vont pas contraindre (leurs propres structures comme celles de ceux qu’ils pourront investir pour les convertir à la démocratie), ils vont détruire. Mais ce n’est pas nouveau, simplement cela accélère vers la perte de contrôle et d’équilibre.


Some Critical Media Voices Face Censorship

By FAIR, April 3, 2003

Although the invasion of Iraq is being fought under the name “Operation Iraqi Freedom,” it has constricted the range of expression sanctioned by media outlets within the U.S. Starting before the war began, several national and local media figures have had their work jeopardized, either explicitly or implicitly because of the critical views they expressed on the war.

• MSNBC canceled Phil Donahue's talkshow after an internal memo (leaked to

the All Your TV website, 2/25/03) argued that he would be a “difficult public face for NBC in a time of war.... He seems to delight in presenting guests who are anti-war, anti-Bush and skeptical of the administration's motives.” The report warned that the Donahue show could be “a home for the liberal anti-war agenda at the same time that our competitors are waving the flag at every opportunity.”

• An email from a network executive, also leaked to All Your TV (3/5/03),

suggested that it would be “unlikely” that Donahue could be used by MSNBC to “reinvent itself” and “cross-pollinate our programming” with the “anticipated larger audience who will tune in during a time of war” by linking pundits to war coverage, “particularly given his public stance on the advisability of the war effort.”

• Brent Flynn, a reporter for the Lewisville (Texas) Leader, was told he

could no longer write a column for the paper in which he had expressed anti-war views. “I was told that because I had attended an anti-war rally, I had violated the newspaper's ethics policy that prohibits members of the editorial staff from participating in any political activity other than voting,” Flynn wrote in a note on his personal website. “I am convinced that if my column was supportive of the war and it was a pro-war rally that I attended, they would not have dared to cancel my column.... The fact that the column was cancelled just days before the start of the U.S. invasion of Iraq raises serious questions about the motives for the

cancellation.” Although Flynn was ostensibly sanctioned for compromising the paper's “objectivity,” he continues to serve as a news reporter for the paper, while losing the part of his job where he was expected to express opinions.

• Kurt Hauglie, a reporter and columnist for Michigan's Huron Daily Tribune, quit the paper after allegedly being told that an anti-war column he had written would not run because it might upset readers (WJRT-TV, 3/28/03).

• The website YellowTimes.org, which featured original anti-war reporting

and commentary, was shut down by its Web hosting company on March 24, after it posted images of U.S. POWs and Iraqi civilian victims of the war. Orlando-based Vortech Hosting told Yellow Times in an e-mail, “Your account has been suspended because [of] inappropriate graphic material.” Later, the company clarified: “As 'NO' TV station in the U.S. is allowing

any dead U.S. soldiers or POWs to be displayed and we will not either.” As of April 3, the site was still down.

• The Qatar-based Al-Jazeera news network's attempts to set up an English-language website were foiled by unidentified U.S.-based hackers who launched a denial-of-service attack. Al-Jazeera is expected to try to relaunch its site in mid-April. The station's reporters also had their press credentials revoked by the New York Stock Exchange, and were unable

to obtain alternative credentials at the NASDAQ exchange: “In light of Al-Jazeera's recent conduct during the war, in which they have broadcast footage of US POWs in alleged violation of the Geneva Convention, they are not welcome to broadcast from our facility at this time”, a NASDAQ spokesperson told the Los Angeles Times (3/26/03).

• Veteran war correspondent Peter Arnett was fired by NBC as a result of

an interview that he gave to Iraqi TV in which he said that war planners had “misjudged the determination of the Iraqi forces” and that there was “a growing challenge to President Bush about the conduct of the war.” After initially defending Arnett, NBC released a statement saying that “it was wrong for Mr. Arnett to grant an interview to state-controlled Iraqi TV— especially at a time of war — and it was wrong for him to discuss his personal observations and opinions in that interview.”


[Notre recommandation est que ce texte doit être lu avec la mention classique à l'esprit, — “Disclaimer: In accordance with 17 U.S.C. 107, this material is distributed without profit or payment to those who have expressed a prior interest in receiving this information for non-profit research and educational purposes only.”.]