Vous vous inquiétez du coût de la guerre ($500.000 par minute)?

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Encore une évaluation du coût de la guerre en Irak, à nouveau selon le Prix Nobel d’économie Joseph E. Stiglitz et la conférencière de Harvard Linda J. Bilmes (ils avaient déjà donné une évaluation générale de la guerre en janvier 2006). Leur trouvaille est que la guerre coûte $720 millions par jour ($500.000 par minute) somme qui permettrait d’acheter 6.500 maisons, ou d’assurer les soins de santé pour 423.529 enfants, ou d’équiper en électricité 1.27 million de maisons. Tout cela est détaillé dans un article du Washington Post publié ce jour.

(Il y a un an et demi, en février 2006, l’évaluation du coût de la guerre en Irak était de $100.000 par minute. Il est manifeste qu’on n’arrête pas le produit du progrès. Il est manifeste qu’il n’y a pas grand’chose à redire à la comptabilité impeccable du Prix Nobel et de sa co-équipière, au point qu’il ne reste plus qu’à mettre en cause l’art de la comptabilité lui-même. Pas de surprise, c’est ce qui va être fait.)

Détaillant ces nouvelles statistiques, le quotidien se juge obligé, selon le sens de l’objectivité qui le caractérise, de citer certains avis contraires, renvoyant aux intellectuels de l’administration GW Bush. Le journal note simplement, pour résumer leur pensée avant de les citer, que pour eux ce fait (la comptabilité Stiglitz-Bilmes) «est simplement immatériel» («But some supporters of the Bush administration's policy in Iraq say that even if the war is costly, that fact is essentially immaterial»). Citation du critique principal, un des nombreux Kagan qu’on trouve dans le milieu:

«“Either you think the war in Iraq supports America's national security, or not,” said Frederick W. Kagan, a resident scholar at the American Enterprise Institute. “If you think national security won't be harmed by withdrawing from Iraq, of course you would want to see that money spent elsewhere. I myself think that belief, on a certain level, is absurd, so the question of focusing on how much money we are spending there is irrelevant.”»

Voici donc le gros Kagan (cela semble être en effet celui-ci, le gros Kagan auteur de la fameuse théorie sur Mars [les USA] et Venus [l’Europe, — désormais sauf la France]). Sa logique est arrivée au terminus et décrète que la comptabilité budgétaire devient absurde dès lors qu’elle touche l’Irak, parce qu’il est «absurde, d’un certain point de vue» de s’intéresser à l’Irak en termes de comptabilité budgétaire; par conséquent, la confrontation de l’Irak avec la comptabilité budgétaire met en évidence que la comptabilité budgétaire est “irrelevant” (hors sujet, hors de la réalité en quatre mots). Comme la paix, la guerre en Irak est sans prix, dito le coût de la guerre en Irak. Si vous insistez, vous êtes irrelevant vous-même. Tchouc, tchouc, tchouc, nous sommes arrivés au stade suprême du virtualisme, tout le monde descend. Il ne s’agit plus d’affirmer que ce qu’on dit est la réalité, mais d’affirmer que ceux qui comptabilisent la réalité versent dans l’absurdité, “d’un certain point de vue”. Il est donc temps, “d’un certain point de vue”, que Stiglitz et Bilmes aillent consulter pour négocier, sans tenir compte de la moindre comptabilité budgétaire, un traitement psychiatrique vigoureux.


Mis en ligne le 22 septembre 2007 à 13H07