La présentatrice TV qui ne voulait pas présenter

Cette anecdote, illustrée d’une séquence TV qui a grand succès aux USA sur la toile (vue 250.000 fois sur YouTube lorsque l’article cité ici a été rédigé), est très significative de l’état de la presse dite MSM (Mainstream Media), de l’information télévisée, du niveau culturel de notre civilisation et du nihilisme qui mène naturellement notre système. On voit qu’il y est peu question de propagande, de cause politique, d’influence idéologique, mais de tendance systémique à la crétinisation (des auditeurs mais aussi de soi-même, — les producteurs et présentateurs des news), à l’abêtissement et à la normalisation hébétée des pensées. Les moteurs de cette tendance sont aussi mécaniques et systémiques et se nomment indice d’audience, satisfaction des annonceurs, bénéfice des actionnaires et propriétaires anonymes ou pas des grands groupes médias, etc. Le mécanisme n’est pas celui d’un complot universel, sinon d’un complot inconscient répondant à une tendance absolument mécanique vers un totalitarisme réducteur de toute pensée critique et autonome dans quelque sens que ce soit. Le puissant conformisme du système américaniste (qui influe fortement sur les élites de la communication en Europe) a évidemment sa place dans ce processus parce qu’il formate les psychologies des élites avant d’essaimer vers le public.

La scène est intéressante et certains films critiques des MSM télévisés (tel Network) en ont déjà imaginé de semblables. On y voit une présentatrice du journal d’information de MSNBC, dans le cadre d’une émission type talkshow nommée Morning Joe, se révolter contre le programme de nouvelles qu’elle doit présenter, où l’épisode quotidien des aventures pénitentiaires de Paris Hilton tient la première place. (Une autre nouvelle, sur l’opposition de certains leaders républicains à la politique irakienne comme Richard Lugar, est reléguée derrière Hilton.) L’article du Guardian cité ici décrit les diverses péripéties de la séquence. La présentatrice annonce qu’elle refuse de suivre les instructions de son producteur, qu’elle va brûler le texte de la nouvelle sur Hilton qu’elle doit présenter, elle a un échange avec le présentateur du talkshow, etc. L’intérêt de cette séquence est évidemment rehaussé par le fait que la présentatrice se nomme Mira Brzezinski, qu’elle est la fille du fameux Zbigniew Brzezinski, une des vedettes de l’establishment stratégique de Washington. Cela renforce l’argument de l’automaticité nihiliste aveugle du système d’abêtissement en montrant que des personnes disposant directement ou indirectement d’un certain statut de notoriété à l’intérieur du système n’ont aucun pouvoir d’influer sur cette tendance dévastatrice.

«Did the release of Paris Hilton from a Los Angeles jail merit the media attention it received? That question reached a critical point for one US cable news presenter when she refused to read out the lead item on a popular morning breakfast show.

»“I have an apology,” presenter Mika Brzezinski told the host of MSNBC's Morning Joe programme, “and that is for the lead story. I hate this story. I don't think it should be the lead.”

»Taunted by her co-presenters, Brzezinski proceeded to tear up the script, attempting to set light to it before finally putting it through a shredder. “You have changed the world," mocked host Joe Scarborough.”Yes I have,” replied Brzezinski, “at least my world.”

»The exchanges, broadcast a few hours after the early morning release of the celebrity heiress, have become an internet hit, with an edited clip of the show viewed 250,000 times on YouTube.

»Throughout the exchanges Brzezinski appeared angry at the inclusion of the item as the lead in the morning's news and at the action she is taking. At times she held her head in her hands, at others she appeared close to tears, her face bearing an exasperated expression.

»Other news that morning included criticism of George Bush's Iraq policy from a senior Republican. But editors at MSNBC had other priorities.

»“My producer is not listening to me,” said Brzezinski, brandishing the script in her hands, “he's put it as the lead.”»

Mis en ligne le 29 juin 2007 à 05H19