Le jour même (9/11), Rumsfeld veut attaquer l'Irak

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Le jour même (9/11), Rumsfeld veut attaquer l'Irak

24 février 2006 — Aujourd’hui, le Guardian signale la présence, depuis le 16 février, sur le site “outmoderates.org” de documents (officiels) internes du département américain de la défense obtenus sous contrainte du Freedom of Information Act (FOIA). Ces documents regroupent des notes de Stephen Cambone, alors adjoint de Rumsfeld et depuis chargé du renseignement au DoD, reprenant des instructions de ce même Rumsfeld. Ils montrent que le jour même de l’attaque du 11 septembre 2001, Rumsfeld désignait Saddam Hussein autant que Ben Laden comme un des responsables probables de l’attaque, — et plutôt Saddam que Ben Laden. Il donnait instruction « to move swiftly » et « [to] go massive » pour trouver (dans le sens le plus large du mot, n’est-ce pas) une preuve de l’ implication de Saddam dans l’attaque alors que celle de Ben Laden était, elle, documentée par certains indices. Ces documents confirment une information de CBS.News publiée le 9 septembre 2002 sous le titre de : « Plans For Iraq Attack Began On 9/11 »

Thad Anderson, l’éditeur du site “outmoderates.org”, écrit le 16 février: «  On July 23, 2005, I submitted an electronic Freedom of Information Act request to the Department of Defense seeking DoD staffer Stephen Cambone's notes from meetings with Defense Secretary Donald Rumsfeld on the afternoon of September 11, 2001. Cambone's notes were cited heavily in the 9/11 Commission Report's reconstruction of the day's events. On February 10, 2006, I received a response from the DoD which includes partially-redacted copies of Cambone's notes. »

Le Guardian relate de cette façon les trouvailles du site “outmoderates.org”, dans son article du jour : « Hours after a commercial plane struck the Pentagon on September 11 2001 the US defence secretary, Donald Rumsfeld, was issuing rapid orders to his aides to look for evidence of Iraqi involvement, according to notes taken by one of them. “Hard to get good case. Need to move swiftly,” the notes say. “Near term target needs — go massive — sweep it all up, things related and not.” [...}

» The Pentagon confirmed the notes had been taken by Stephen Cambone, now undersecretary of defence for intelligence and then a senior policy official. “His notes were fulfilling his role as a plans guy,” said a spokesman, Greg Hicks. “He was responsible for crisis planning, and he was with the secretary in that role that afternoon.”

» The report said: “On the afternoon of 9/11, according to contemporaneous notes, Secretary Rumsfeld instructed General Myers [the chairman of the joint chiefs of staff] to obtain quickly as much information as possible.” The notes indicate that he also told Myers that he was not simply interested in striking empty training sites. He thought the US response should consider a wide range of options. “The secretary said his instinct was to hit Saddam Hussein at the same time, not only Bin Laden. Secretary Rumsfeld later explained that at the time he had been considering either one of them, or perhaps someone else, as the responsible party.”

» The actual notes suggest a focus on Saddam. “Best info fast. Judge whether good enough [to] hit SH at same time — not only UBL [Pentagon shorthand for Usama/Osama bin Laden],” the notes say. “Tasks. Jim Haynes [Pentagon lawyer] to talk with PW [probably Paul Wolfowitz, then Mr Rumsfeld's deputy] for additional support ... connection with UBL.” »

L’information diffusée par CBS.News en septembre 2002 s’avère remarquablement exacte. Les termes mêmes des notes de Rumsfeld sont citées exactement. Le texte de CBS.News montre encore plus clairement que Rumsfeld, mis en présence d’indications pouvant impliquer Ben Laden, était incliné à une certaine défiance tandis qu’il insistait pour impliquer Saddam, qu’aucune information n’impliquait dans l’attaque.

Ces informations diverses et qui se recoupent toutes permettent de confirmer de façon précise que Saddam Hussein était, dès le 11 septembre 2001, l’objectif privilégié de Rumsfeld (et du reste de la direction américaniste) alors qu’aucune indication ne justifiait cette orientation. (Comme l’on sait, rien n’est venu alimenter, depuis, un quelconque lien de Saddam avec l’attaque du 11 septembre 2001.)

Le cas d’une volonté arrêtée de l’administration d’attaquer l’Irak avant même l’attaque du 11 septembre est largement renforcé, sinon confirmé. Comme l’on sait, cette thèse est bien plus que spéculative puisqu’elle a été fortement illustrée par le témoignage du secrétaire au trésor O’Neill selon lequel il existait une volonté très forte d’attaquer l’Irak dès l’entrée en fonction de l’administration (O’Neill l’avait constaté lors des premières réunions du cabinet). Le problème pendant était le prétexte. 9/11 fit l’affaire. Répondant à son “instinct”, Rumsfeld désigna aussitôt Saddam le jour de l’attaque (« The secretary said his instinct was to hit Saddam Hussein at the same time, not only Bin Laden »).

Ces confirmations diverses font bien plus que confirmer un point d’histoire d’ores et déjà largement acquis malgré la forêt de mensonges édifiée par l’administration GW. Elles renforcent notablement, voire décisivement, la thèse d’une attaque liée à la décision de Saddam de passer du dollar à l’euro, thèse qui a toute son actualité puisqu’elle est reprise pour l’Iran, avec la création attendue de l’IOB le 20 mars. De même, et de façon encore plus significative, elle renforce cette thèse dans le cadre du discours de Ron Paul le 15 février, devant la Chambre des Représentants.

Pour rappel, le passage du discours de Ron Paul qui nous intéresse : « In November 2000 Saddam Hussein demanded Euros for his oil. His arrogance was a threat to the dollar; his lack of any military might was never a threat. At the first cabinet meeting with the new administration in 2001, as reported by Treasury Secretary Paul O’Neill, the major topic was how we would get rid of Saddam Hussein — though there was no evidence whatsoever he posed a threat to us. This deep concern for Saddam Hussein surprised and shocked O’Neill.

» It now is common knowledge that the immediate reaction of the administration after 9/11 revolved around how they could connect Saddam Hussein to the attacks, to justify an invasion and overthrow of his government. Even with no evidence of any connection to 9/11, or evidence of weapons of mass destruction, public and congressional support was generated through distortions and flat out misrepresentation of the facts to justify overthrowing Saddam Hussein.

» There was no public talk of removing Saddam Hussein because of his attack on the integrity of the dollar as a reserve currency by selling oil in Euros. Many believe this was the real reason for our obsession with Iraq. I doubt it was the only reason, but it may well have played a significant role in our motivation to wage war. Within a very short period after the military victory, all Iraqi oil sales were carried out in dollars. The Euro was abandoned.

» In 2001, Venezuela’s ambassador to Russia spoke of Venezuela switching to the Euro for all their oil sales. Within a year there was a coup attempt against Chavez, reportedly with assistance from our CIA.

» After these attempts to nudge the Euro toward replacing the dollar as the world’s reserve currency were met with resistance, the sharp fall of the dollar against the Euro was reversed. These events may well have played a significant role in maintaining dollar dominance.

» It’s become clear the U.S. administration was sympathetic to those who plotted the overthrow of Chavez, and was embarrassed by its failure. The fact that Chavez was democratically elected had little influence on which side we supported.

» Now, a new attempt is being made against the petrodollar system. Iran, another member of the “axis of evil,” has announced her plans to initiate an oil bourse in March of this year. Guess what, the oil sales will be priced Euros, not dollars. »

Notre conclusion de ce remarquable raccourci de communication et d’information sera de plusieurs ordres:

• La communication publique de documents aussi sensibles ne doit pas surprendre. La bureaucratie marche bien lorsqu’il s’agit de son fonctionnement structurel, c’est-à-dire sans exigence d’efficacité et de productivité. Elle archive tout et, quand elle le doit, répond aux lois de la Grande République, dont un certain nombre concernent la liberté d’accès aux documents officiels, — nullement par goût idéaliste de la liberté mais parce que le système doit veiller à un réseau de contrôle et de surveillance de ses différents composants pour qu’aucun n’acquiert de prééminence bureaucratique sur l’autre. Les USA ne sont pas en danger de devenir une dictature ; ils sont une sorte de pouvoir bureaucratique, en voie de devenir totalitaire, conduit par un système qui établit ses propres règles de fonctionnement et, bien entendu, les respects. Aucune vertu dans cette sorte de liberté codifiée mais la recherche d’une permanence de la structure machiniste en bon état de marche. Quant au résultat (est-ce préférable à une dictature ?), ce sera à l’Histoire d’en juger. Les effets sur la situation du monde sont déjà éloquents.

• Face à cette situation, Internet est définitivement installé comme un outil central de résistance. Dans le cas présent, c’est Internet qui a ressorti l’affaire au moment où il importait de le faire. L’information de CBS.News était enterrée et non confirmée. Le relais de la “grande presse” se fait maintenant sans coup férir. Le relais du Guardian s’est fait sans sollicitation de Thad Anderson, par simple exploitation d’une information dont l’existence avait été signalée au journal.

• Sur le fond de l’affaire, on peut conclure que ces révélations (ces confirmations) renforcent l’idée que la crise iranienne porterait aussi bien, sinon plus, sur la question du paiement du pétrole et, plus largement, sur la question stratégique centrale de l’hégémonie du dollar. De toutes les façons, la crise iranienne est beaucoup plus complexe et grave que l’image officielle (le développement nucléaire de l’Iran) qui en est offerte, et aussi que la crise irakienne qui a précédé et qui se poursuit.