Bolton comme un voleur...

Faits et commentaires

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 842

Bolton comme un voleur...


2 août 2005 — Passant outre à l’éventuelle décision du Sénat des Etats-Unis (qu’il ne sollicite pas par un artifice de procédure) contre la nomination de John Bolton comme représentant des Etats-Unis à l’ONU, le président GW Bush a confirmé cette nomination. En quelque sorte, GW s'est confirmé lui-même.

Le président américain a employé la procédure dite de “recess appointment”, — sorte de “nomination par défaut” si l’on veut : constatant que le Sénat (le Congrès) est en vacances (depuis le 1er août, jour même de la nomination), Bush agit unilatéralement, comme s’il y était obligé par les circonstances. Pure et piètre hypocrisie, qui ne cherche même pas à simuler.

Selon le New York Times (International Herald Tribune): « In a brief announcement in the Roosevelt Room of the White House, Bush said he was forced to act because the United States had gone for six months without a chief envoy at the United Nations, which is to convene for its General Assembly next month. It was the first time since 1948 that a U.S. ambassador to the United Nations had been named by a procedure in the Constitution called a recess appointment. [...] Bolton would remain in the job until the end of the current Congress in late 2006... »

Selon le Washington Post: « The appointment constituted what is known as a recess appointment. [...] Bush has the power to fill vacancies without Senate approval while Congress is in recess. Under the Constitution, the recess appointment will last until after the Senate adjourns in the fall of next year. »

Dans l’esprit de la loi, la “recess appointment” est évidemment une procédure exceptionnelle, envisagée pour des situations exceptionnelles et dont l’application est décidée, selon ce qu’envisageait le législateur, par un homme (le président) supposé de bonne foi et cherchant à agir pour le bien commun. Il est manifeste que ce n’est pas le cas, qu'il n'y a ni bonne foi ni recherche d'un quelconque “bien commun”. Cette “confirmation” de la nomination éclaire encore plus crûment la situation de crise, non pas d’une politique, non pas d’une administration, mais d’un système as a whole.

Le coup de force (« strong Democratic objections that [the President is] abusing power ») n’en est pas un puisqu’il a le vernis de la constitutionnalité. C’est un acte sournois, commis par des idéologues extrémistes certes mais qui ne brillent pas par le courage ; des idéologues extrémistes plutôt soucieux de l’apparence constitutionnelle et du “qu’en dira-t-on” politique, c’est-à-dire, finalement, des hommes d’une médiocrité consternante. GW et ses hommes sont bien à l’image d’un système en complète décadence et qu’ils n’ont pas la moindre intention de faire sauter, mais dont ils entendent se servir jusqu’à plus soif. Ce ne sont pas des “fascistes” avec le couteau entre les dents, prêts à assassiner la vertueuse et innocente démocratie. Leur présence là où ils sont et leur “coup” de bandit du 1er août montrent à suffisance que la vertu et l’innocence de cette démocratie ne sont plus qu’un lointain et historique souvenir, à moins qu’elles n’aient été qu’illusions arrangeantes pour les consciences.

La première conséquence de l’acte, dont se foutent du tiers comme du quart Bush & compagnie, c’est que Bolton ira à l’ONU avec une légitimité nulle puisqu’il ne représentera qu’une administration partisane et nullement le système politique américain as a whole. Mais l’équipe GW se fout, également du tiers comme du quart, de la question de la légitimité. Elle entend bien que Bolton agisse à l’ONU d’une façon partisane, également sournoise et brutale, comme il l’a toujours fait, c’est-à-dire dans l’illégalité par rapport à l’esprit de la loi de son pays, et par conséquent dans la plus complète illégitimité. La forme de sa nomination confirme l’homme autant qu’elle confirme l’administration et ses méthodes, — autant qu’elle confirme, au reste, l’état des choses et des psychologies à Washington.

La seconde conséquence, qui sera tout de même plus préoccupante pour Bush & compagnie, c’est que l’acte du 1er août affaiblit encore plus une administration qui est dans une forme moribonde huit mois après le début de son second mandat, notamment à cause de la catastrophe irakienne. Sur le site de Steven C. Clemons, qui a mené la bataille contre la nomination de Bolton, le commentateur Charles Brown écrit: « President Bush's decision to appoint Bolton this morning only denies those fighting the nomination closure but not much else. We may won have lost the Bolton battle, but it sure looks like we won the war. The events of the past five months, taken together, represent a big victory for those promoting global solutions to and cooperative efforts on those problems that no nation can solve alone. » Disons que nous serions plus nuancés, nous contentant d’écrire en paraphrasant de Gaulle: “ils ont perdu une bataille (et encore...) mais pas la guerre”; avec ce “et encore...” parce que, répétons-le, la “victoire” de Bush, par sa médiocrité, nous paraît bien être de la sorte de celle qui affecta le pauvre Pyrrhus, et qu'elle pourrait se révéler à terme plus coûteuse qu’avantageuse.

Certes, depuis le 11 septembre 2001, l’“opposition” démocrate, autant que la capacité critique de “la presse la plus libre du monde” sont à mourir de rire. Les démocrates sont l’aile geignarde du parti unique et la presse réagit aux injonctions du pouvoir avec encore plus d’empressement et de rapidité, grâce à sa sophistication, que ne le faisait la Pravda aux consignes du Kremlin. Cela admis, il apparaît que, dans le cadre du système et du bien commun des politiciens du système, l’équipe GW accumule erreurs et sottises et conduit l’ensemble à une situation de catastrophe sans précédent. La nomination à l’ONU de cet homme détestable et catastrophique pour le statut du système qu’est John Bolton, — autant l’intention affichée que l’acte du 1er août, — constitue peut-être un pas de clerc de l’administration. Les démocrates ont cette fois sorti leurs longs couteaux (pas la presse par contre, qui est restée peureusement “neutre” pendant l’essentiel de la bataille, depuis février). Ils ont ferraillé durement. Ils vont encore le faire, parce qu’ils ne craindront pas trop d’être accusés de “mollesse”, — surtout si, comme c’est possible sinon probable, Bolton nous aligne quelques bonnes grosses maladresses brutales et grossières à l’ONU. Ils vont continuer à le faire parce qu'il y a d'ores et déjà l'échéance de janvier 2007, avec le nouveau Congrès qui sera appelé à confirmer ou non la présence de John Bolton à l'ONU comme représentant des États-Unis.

On ne leur fera aucune confiance. Les démocrates actuels sont autant des pleutres que les républicains bushistes (ils ne le sont plus tous, autre élément qui comptera) sont des extrémistes cyniques et aveugles. Mais en cette circonstance, leur guérilla va servir à affaiblir encore plus l’ensemble. C’est ce qui compte.

Quant à Bolton à l’ONU, avec l’affaire iranienne qui pointe à l’horizon, — que la fête commence.


Donations

Nous avons récolté 1620 € sur 3000 €

faites un don