Il est très possible qu’ils lui aient donné le coup de pouce décisif pour sa réélection...

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Il est très possible qu’ils lui aient donné le coup de pouce décisif pour sa réélection...


8 juin 2004 — On ne sait de quoi il faut s’étonner le plus, ou à propos de quoi il faut s’exclamer d’abord : l’ingénuité extraordinaire de la confrérie des journalistes transatlantiques, acclamant d’une façon globalisée la réconciliation occidentale ; la lassitude irrépressible des dirigeants occidentaux, tellement épuisés de devoir avoir une position ferme et originale, cédant enfin au vertige de la réconciliation, avec l’Amérique comme enjeu. Mais non, le véritable enjeu c’est la réélection de GW Bush. Si les Occidentaux (les Européens) continuent de cette façon, GW sera réélu, — et il semble bien qu’ils vont continuer, à l’ONU, au G8, etc. Ce sera d’ailleurs la meilleure chose du monde : nous verrons alors de quel bois GW se chauffe.

On est convié à admirer les évolutions de la manœuvre.

• Le 6 juin 2004, le débarquement réussit. La réconciliation a lieu, dans l’ambiance festive de la guerre enfin gagnée. Laquelle ? L’Irak ? De quoi parle-t-on, enfin ? On vous l’affirme, enfin : le débarquement a réussi (“Another D-Day success”, par Katrin Bennhold). L’atmosphère est considérée comme un succès, sorte de concrétisation d’une politique “à la Arletty” (« Atmosphère, atmosphère… »). Bennhold précise tout de même : «  And yet, despite an apparent willingness on both sides of the Atlantic to repair relations, fundamental differences remain and are not about to go away. » Donc, tout va bien.

• Accord à l’ONU pour la résolution sur l’Irak. Tout passait par la France, la France a donné son accord (“ France to back UN draft on Iraq”, nous annonce le Guardian). Les Américains ont lâché ce qu’il fallait, en un sens ils ont suffisamment capitulé pour remporter la victoire.


« The French foreign minister, Michel Barnier, said he was not fully satisfied with the draft but there was now enough in it for Paris to offer its support. “[We will give] a positive vote in New York to constructively help find a positive way out of this tragedy,” he told French radio. “For the first time in this matter there has been a real dialogue,” he said. “Our demands were listened to. A lot of our ideas are in the text.”

» Gunter Pleuger, Germany's ambassador to the UN, said: “This new paragraph meets, I would say, 90% of our concerns and I think we can live with that.” »


• Maintenant, le sommet du G8. La presse française, toujours aimable, sait employer les mots qu’il faut pour faire de ce sommet, par avance, une victoire de GW et une victoire pour la réconciliation que tout le monde souhaite. « Au G8, George Bush peut se prévaloir d'une réconciliation internationale », écrit Patrick Jarreau dans Le Monde du 9 juin. On aurait même un texte proclamant la future démocratisation du Moyen-Orient, ce dessein grandiose du président GW. Certes, comme il est dit ci-après, personne ne croit vraiment que cela servira à quelque chose (« Personne ne croit, réellement, que le développement de la démocratie peut être imposé de l'extérieur », dit la charmante Condoleeza Rice, dans une déclaration à couper le souffle après tout ce qui a été dit du but et de la nécessité de l’aventure US en Irak).


« Dans le sillage de sa nouvelle politique en Irak, le président américain aimerait faire adopter aussi, par ses principaux partenaires, son projet d'incitation à la réforme dans les pays arabes et musulmans. “Personne ne croit, réellement, que le développement de la démocratie peut être imposé de l'extérieur”, a déclaré Mme Rice, faisant droit aux objections de certains pays occidentaux, particulièrement de la France, à ce que le gouvernement américain a présenté sous le nom d'“Initiative pour le Grand Moyen-Orient”. “Mais, a-t-elle ajouté, que le Moyen-Orient soit une région qui a besoin de changement est une idée partagée par tous ceux qui viennent au sommet et, certainement, par les membres du G8 .” »


• Voilà où nous en sommes, avec cette chose extraordinaire, qui nous est désormais présentée comme acquise, sinon active, et d’ores et déjà couronnée de succès selon le communiqué du G8 : «  sa nouvelle politique en Irak » (celle de GW).

Bien, laissons là les choses accessoires. L’essentiel est que Karl Rove a désormais du grain à moudre pour relancer la campagne du petit GW, que John Kerry n’a plus aucun argument contre GW (Kerry apportait comme solution au drame actuel et clef de sa propre victoire : une réconciliation avec les alliés et le soutien de la communauté internationale!). En un sens, et le bon, voilà GW Bush relancé, sur la voie de la réélection.

Les Européens (et quelques autres, qui suivent) ont servi sur un plateau d’argent, voire d’or scintillant, sa réélection à GW. Après tout, pourquoi pas ? Quatre ans de plus, nous allons boire le calice jusqu’à la lie. La nouvelle orientation américaine, d’inéluctable va devenir irréversible. Cette fin de printemps de la réconciliation qui, évidemment, évite comme la peste toute conversation de substance pour s’en remettre à l’apparence, a ouvert la voie à la véritable rupture de l’ensemble occidental et transatlantique. C’est un événement important, qui mérite notre attention. Remercions les brillants dirigeants du monde libre.