L’Espagne sous le feu de la pensée autiste

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L’Espagne sous le feu de la pensée autiste


19 mars 2004 — On a déjà eu assez de signes pour nous convaincre de la rage pathologique, qu’on distinguerait presque écumante à certains effets de plume, dans les articles des néo-conservateurs américains devant “la trahison” de l’Espagne. Plusieurs articles d’analyse critique nous renseignent bien là-dessus  : que ce soit celui du Britannique Jonathan Freedland ou encore celui de l’Américain Jim Lobe (ce dernier, en plus, avec l’avantage de nous offrir une abondance de liens menant à ces divers textes anti-espagnols des néo-conservateurs). Bien entendu, nous avons un nouveau Chamberlain (Zapatero), tandis que Hitler, finalement, c’est Ben Laden à la place de Saddam. (Certains, se référant aux actuels événements du Kosovo, pourraient nous rappeler qu’il y a 5 ans, Hitler c’était Milosevic. C’est une bonne mesure du degré de leur pensée critique, qui est simplement au niveau du chromo automatique, la pensée prise comme un amas de quatre-cinq dessins caricaturaux, fonctionnant en mode pavlovien, déclenchant les mêmes invectives sur un sujet/un objet différent lorsque le sujet ou l’objet correspond aux dessins caricaturaux.)

C’est un événement intéressant, ce déferlement néo-conservateur : Chuckman a raison de rapprocher la position de Zapatero de celle de De Villepin, il y a un an. La haine des néo-conservateurs à l’encontre du futur Premier ministre espagnol vaut bien celle qu’ils déchaînèrent contre le ministre français des affaires étrangères. A cet égard, l’Espagne est en train de remplacer (ou de rejoindre, c’est selon) la France dans leur “bréviaire de la haine”.

[A nouveau, là aussi, événement intéressant. Pour les USA, prendre l’Espagne comme cible, ce n’est pas un événement politique sans conséquence. Il y a aux USA 20 millions de latinos, citoyens américains, qui parlent espagnol, qui sont de racine espagnole. Ce facteur-là, si l’Espagne s’affirme dans le camp oppositionnel et si cette position conduit à une vague anti-espagnole dans les milieux propagandistes US, est gros de conséquences politiques intérieures, aux USA, elles aussi intéressantes.]

Plus haut, nous avons découvert nos batteries en donnant une première approche de la pensée néo-conservatrice, qui se manifeste à nouveau sous sa forme habituelle : “au niveau du chromo automatique, la pensée prise comme un amas de quatre-cinq dessins caricaturaux, fonctionnant en mode pavlovien, déclenchant les mêmes invectives sur un sujet/un objet différent lorsque le sujet ou l’objet correspond aux dessins caricaturaux”. Il faut se garder d’expédier cette pensée par quelques invectives, non par politesse, — eux n’en ont point, — mais par recherche de la vérité du sujet.

La pensée néo-conservatrice est aujourd’hui, dans son activité courante, une “pensée autiste”. Elle est donc fermée à double tour, fonctionnant sans apport extérieur sinon les stimuli indispensables à sa manifestation invectivante. Elle n’a, au stade où elle en est, plus aucun intérêt sur le fond ; cela signifie a contrario qu’il n’y a pas que des choses détestables dans la pensée néo-conservatrice, notamment l’accent qui est mis sur les valeurs traditionnelles dans l’enseignement et la vie sociale, mais tout cela n’a plus ni effet ni intérêt ; tout cela disparut derrière l’invective hystérique qui constitue aujourd’hui le moteur de la pensée en question, après en avoir été l’aliment, — donc, invective hystérique devenue aliment et moteur de la pensée, c’est-à-dire remplaçant globalement et dans toutes ses fonctions la pensée. Il y a une décadence accélérée et fondamentale de la pensée néo-conservatrice (par exemple, par rapport à la pensée de Léo Strauss, qui n’est pas à condamner dans son entièreté), qui conduit cette pensée néo-conservatrice à être la caricature de ce qu’elle devrait être, et de ce qu’elle fut peut-être.

[Le destin de Richard Perle est exemplaire à cet égard : ce doctrinaire pur et dur, le Robespierre de la bande, se pourrissant à très grande vitesse dans les postes, les prébendes, les commissions, jusqu’à démissionner honteusement (nous voulons dire: sans gloire) de ses positions d’influence doctrinales sans jamais cesser d’invectiver, — en fait, le verbe incantatoire de Robespierre avec les pratiques corrompues de Danton, sans les vertus de l’un ni les vertus de l’autre, tous les défauts rassemblés de l’un et de l’autre, au point qu’on se demande si Perle n’est pas dès l’origine ce Robespierre-Danton.]

Ce qui est remarquable, enfin, c’est la rapidité de la perversion de la pensée néo-conservatrice, en même temps que sa subsistance comme porte-parole de la pensée politique US, portant beau et jactant encore plus, sans souci des incroyables erreurs commises et des catastrophes engendrées (mourir en Irak jusqu’au dernier Irakien), en fait s’en foutant complètement. Les néo-conservateurs sont mangés par leur virtualisme, leur puissance s’étant exprimée par les relations publiques, la presse, l’influence, etc ; parfaitement corrompus par tous les vices du système, les accélérant, les amplifiant.

Bref, la pensée néo-conservatrice n’est plus le reflet d’un courant de pensée, et ce, largement depuis l’arrivée de GW au pouvoir. Elle est l’expression nécessairement radicale d’un système en décomposition très rapide, dont la rapidité est une surprise renouvelée. Par conséquent, les néo-conservateurs tapent sur les Espagnols aujourd’hui, comme sur les Français hier, comme, sans doute, sur les Britanniques demain, parce que les Britanniques seront un jour ou l’autre accusés d’être des traîtres. L’attaque néo-conservatrice n’a donc, au travers de ses couinements divers, qu’un intérêt, — mais ce n’est pas rien : nous faire percevoir quand le système est touché. Le système est touché, et vilainement, par Zapatero, comme il le fut hier par de Villepin.


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