Une loi sur la transparence bien opaque

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Une loi sur la transparence bien opaque

L’épisode Cahuzac date de quelques semaines, il est quasiment oublié c’est pourquoi il devient opportun de le considérer.

Ce ne sera pas à la manière subtile et gramscienne de Razmig Keucheyan quand il analyse la ‘subversivisme’ de l ‘énonce journalistique qui aboutit à une impasse politique.

Il s’agit donc d’un personnage public, en charge d’une fonction ministérielle.

Il dissimule des revenus qu’il place dans un havre fiscal.

Il y a là déjà une double atteinte à l’intérêt public. Il prive la collectivité d’une contribution et fait fructifier cette somme non déclarée par des fonds helvétiques. Les banques suisses emploient une bonne part de ce que l’on confie dans des prêts qu’ils accordent aux États auxquels manquent ces sommes à leurs revenus fiscaux. Le contribuable français paie alors par l’ impôt les intérêts sur ce dont la collectivité a été privée.

L’entorse à la morale que constitue la dénégation du personnage confortée par la passivité ou la connivence de ses collègues si elle a été le motif majeur de l’indignation publique serait presque anecdotique si elle ne venait pas recouvrir un fait majeur.

Ce pécule provient de rémunérations par des laboratoires pharmaceutiques pour services rendus par un ancien membre de cabinet d’un Ministre de la santé. Cette activité de conseil a généré des honoraires suffisamment conséquents au point qu’un excédent échappe au fisc.

Un chirurgien qui se consacre ensuite à des implants capillaires n’est pas un pharmacologue. Son assistance technique ne peut que relever de la facilitation des AMM, autorisations de mise sur le marché, et d’aide à obtenir l’agrément du bon prix de vente de la molécule ou du dispositif médical.

L’intérêt public s’en trouve lésé une troisième fois, un arrangement sur le prix implique bien des débours plus importants pour les systèmes de sécurité sociale, voire une quatrième fois si l’autorisation de mise sur le marché est abusive.

En 2009, à l’occasion d’une épidémie de la grippe A H1N1, un Ministre de la Santé s’est laissé berner. Des fabricants de vaccins avaient assuré, appuyés dans leurs prédictions par une présidente de l’OMS nullement indépendante, qu’elle décimerait l’humanité. Le système de santé français a dépensé quelques 400 millions d’euros pour un vaccin dont ni l’efficacité ni l’inocuité n’avait été prouvée. Le public avait alors perçu même imparfaitement la légèreté des décideurs en matière de santé face à la puissance des firmes pharmaceutiques. Quand elles ne corrompent pas, elles ont des moyens très puissants de persuasion.

Le communiqué de l’Académie de médecine de septembre 2004 qui concluait à l’absence de preuves validant l’intérêt thérapeutique des médicaments homéopathiques, il recommandait leur déremboursement.

Le Ministre d’alors a refusé de mettre en application cet avis fondé. Le syndicat des médecins homéopathes et le laboratoire d’importance mondiale spécialisé dans cette branche avaient obtenu gain de cause. Face à la vérité certes relative de la science, les intérêts d’une corporation et d’une industrie qui vend de au mieux de l’amidon et de l’eau l’ont emporté. Le principe de la prise en charge des patients par cette technique repose sur l’hypothèse qu’une substance diluée un nombre très important de fois est active. Les tenants de cette pratique se fondent encore sur une expérience publiée par Nature en 1988 décrite par une équipe d’immunologistes français. Des cellules immunitaires qui répondent normalement à des signaux délivrés par des anticorps en solution réagissent à des concentrations indétectables de ces anticorps. Était née la théorie magique de la mémoire de l’eau. Aucune équipe n’a pu la reproduire, ce qui laisse penser à un artefact dans la procédure expérimentale.

L’enseignement payant de la pratique homéopathique, doctrine érigée en spécialité est assuré, par cet important laboratoire.

L’exigence de la science qui devrait se baser sur des preuves est affaiblie, ramenée au rang d’une croyance. Un principe qui ne dit pas son mécanisme d’action et qui n’administre pas la preuve de son action n’est pas un médicament, il peut au mieux être considéré comme un produit avec des vertus alléguées et ne devrait pas être vendu en pharmacie.(selon la loi)

On pouvait espérer un effet secondaire salvateur d’abord du scandale en 2005 de l’anti-inflammatoire Vioxx® du laboratoire Merk vendu comme non gastro-toxique et qui a été responsable de plus de 100 000 décès par atteinte des coronaires. Étaient en cause l’effacement frauduleux des effets secondaires lors de la présentation des études cliniques devant la commission de la FDA et surtout une absence de rigueur dans le contrôle des tests cliniques par des médecins qui sont souvent consultants de ces firmes.

Une discipline accrue pouvait aussi être exigée de la part des pouvoirs publics aux laboratoires dans l’élaboration de leurs protocoles après la mise au jour en 2010 des effets de cette amphétamine (le benfluorex) donnée comme médicament amaigrissant des régimes antidiabétiques.

Il prévaut une opacité totale dans les relations entre les firmes et les professionnels de santé qui de par leur rang universitaire et hospitalier influencent leurs confrères dans leurs prescriptions.

Le décret relatif à la loi sur la « sécurité du médicament » transparence en santé vient d’être publié le 22 mai 2013.

Il ne permet pas de rendre publics les contrats passés entre les laboratoires et les acteurs de santé prestataires de service. Les conventions de ce type continuent d’être protégées par le secret industriel et commercial. Leur existence n’a pas à être signalée par la firme qui rémunère un acteur de santé qui facture ses services.

Il est devenu banal de lire sur la première page powerpoint d’un exposé scientifique la liste des liens d’intérêt entre le conférencier et ceux qui le paient sans que les auditeurs s’en offusquent ou émettent des réserves sur l’objectivité du travail présenté. Tous les grands et parfois plus petits communicateurs, les ‘experts’ dans n’importe quel congrès médical reçoivent des appointements des firmes.

En revanche, et c’est un bon acquis, les cadeaux faits aux médecins et aux étudiants dont il est démontré qu’ils influencent le porteur de stylo sont rendus publics dès le premier euro.

Une manière simple d’exprimer le manque de substance de cette loi, c’est de dire le cadeau est interdit mais pas l’emploi fictif.

Pourquoi s’insurger contre cette ambiance de corruption passive et active qui semble imprégner tout le système et devenue notre milieu ambiant ?

Le centre du contrôle et de prévention des maladies d’Atlanta vient de publier une enquête menée sur la santé mentale des enfants entre 2005 et 2011. Un enfant sur cinq serait atteint de troubles des fonctions cognitives, sociales ou émotionnelles. C’est une perturbation de l’attention qui saurait été le plus souvent découverte, devant l’anxiété, la dépression ou l’autisme.

Cette difficulté de maintenir son attention est justiciable de traitement psychotrope, une amphétamine-like, qui sera administré à vie, selon le code de bonnes pratiques en psychiatrie le fameux DSM, Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders.

Quelle spécificité ont les enfants des US(a) pour que se soit produite une telle épidémie ?

Est-ce généralisable à la planète ?

Quelle est validité des évaluations psychologiques eu égard à l’énormité du marché potentiel et cette promesse d’une camisole chimique pour tous?

Tant que n’est pas assurée de façon au moins relative une indépendance entre les prescripteurs et les fabricants des médicaments, le soupçon et la vigilance sont permis.

Badia Benjelloun