Surprise, surprise… L’USAF prête pour une version export du F-22

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Depuis maintenant plusieurs mois, il est acquis que l’USAF, sous le férule exigeante de Robert Gates, a abandonné le F-22 aux 187 exemplaires fixés par le secrétaire à la défense US. La narrative nous dit par conséquent: le programme F-22 est mort, RIP. D’autre part, et au contraire, il y a ces bruits récents, qui sont même plus que des bruits, sur la possibilité d’exporter le F-22 vers le Japon; cela signifierait que le programme n’est pas mort et que, selon la fortune du sort bien incertain du domaine aujourd’hui (on pense sans s'en dissimuler aux difficultés du F-35/JSF), une sorte de “revenez-y” de l’USAF vers le F-22 resterait possible. Mais ces bruits-là d'exportation du F-22, jusqu’alors, ne venaient que de centres de pouvoir hors du Pentagone, principalement du Congrès.

Une audition récente au Congrès (le 9 juin) d’un officier général de l’USAF nous apporte une surprise de bonne taille. Il s’agit du lieutenant général Mark Shackelford, conseiller militaire pour les acquisitions au cabinet de l’assistant au secrétaire de l’Air Force. Air Force Times fait un rapport de cette intervention le 15 juin 2009.

«The Air Force is prepared to create a version of the F-22 Raptor that the U.S. could sell to foreign countries if it gets the go-ahead from Congress and the State Department, according to one of the service’s top acquisition officers. Lt. Gen. Mark Shackelford told the Senate Armed Services air and land forces subcommittee that the Air Force would follow established practices to ensure the export model did not jeopardize U.S. military secrets.

»“We would go into the process dealing with the State Department policy crowd and using normal foreign military sales processes,” Shackelford, military deputy in the Office of the Assistant Secretary of the Air Force for acquisition, said June 9 in response to remarks by Sen. John Thune, R-S.D. […] Shackelford told Thune a foreign nation interested in acquiring the fighter would have to foot the bill to convert it. “The F-22 that the United States flies would not be the same F-22 country ‘X’ flies,” Shackelford said.»

Dans le cours de l’audition, les parlementaires inquiets de l’orientation exclusive de l’USAF vers le F-35 ont insisté, sans être démentis par Shackelford, sur le rôle que tiendrait, cette fois vis-à-vis de l’USAF, c’est-à-dire dans le cas où le F-35/JSF connaîtrait de graves problèmes de délai, le fait de garder la production du F-22 ouverte (grâce aux commandes à l’exportation). L’idée est bien entendu que, dans un tel cas, de nouvelles commandes de F-22 par l’USAF, serviraient à combler le vide des effectifs de l’USAF, autant qu'à conserver la capacité de disposer d’un avion de combat de la soi disant “5ème génération” en production.

«“Keeping the F-22 line hot” with a foreign sales market could mitigate problems with bringing the F-35 online, Thune said. The South Dakota senator and other observers say they worry that Gates is committing to the F-35 too early in its test program and that the U.S. will be left with a fighter gap if the Joint Strike Fighter fails to live up to expectations. The F-35s are replacing more than 800 of the Air Force’s oldest F-15s and F-16s, slated for decommissioning by 2024.»

Surprise, surprise, effectivement, parce que les observations de Shackelford, même si elles répondent à une certaine logique lorsqu'on les considère du seul point de vue technique et commercial, contredisent dans l’esprit la politique de Gates, fidèlement suivi par le général Schwartz. (Dans le climat extrême de politisation du problème, même une présentation technique de cette position d'être prêt à l'exportation a évidemment une signification politique.) Gates ne veut pas exporter le F-22, justement pour tuer effectivement le programme et être quitte du débat F-22 versus F-35 au sein de l’USAF. Pour cette raison, il a déjà recommandé au Japon de choisir le F-35 et d’abandonner toute idée d’acquérir le F-22 (sans guère de succès, semble-t-il). Si l’USAF se tient prête à développer une version export du F-22, c’est qu’elle ne suit pas entièrement la politique du secrétaire à la défense (mais, par contre, elle satisfait au désir de nombre de parlementaires, autant ceux qui se méfient du F-35 que ceux qui veulent exporter le F-22 au Japon).

L’USAF? Quelle USAF? Shackelford, s’il contredit l’esprit de la politique Gates, contredit aussi celle du fidèle de Gates, le général Schwartz, son propre chef d’état-major. De là à proposer l’hypothèse que l’USAF dans sa totalité est loin d’être au garde-à-vous devant son ministre et son propre chef d’état-major, il n’y a qu’un pas, qui est vite fait. Cela signifierait que l’USAF est divisée, bien plus qu’en état d’esprit, sur cette crise, et que des factions restent agissantes au sein de la bureaucratie pour garder l’option de développer la flotte de F-22 au sein de l’USAF, – y compris et, bien entendu, au détriment du F-35… Dans cette affaire, comme au Pentagone en général d’ailleurs, l’ordre du jour est bien le désordre.


Mis en ligne le 16 juin 2009 à 09H42