Pour une alliance franco-russe

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Pour une alliance franco-russe

Ce texte, encore en discussion, a été rédigé pour le compte du comité de rédaction de Europe solidaire. Il est signé par Jean-Paul Baquiast et Jean-Claude Empereur (ordre alphabétique)

Introduction

Nous avons précédemment montré (voir « L'Europe, épicentre de conflits destructeurs ») que si l'Europe ne se dégage pas d'une domination de plus de soixante ans imposée par les Etats-Unis, elle restera indéfiniment un simple instrument par lesquels ceux-ci voudront poursuivre leur principal projet dans cette partie du monde, détruire la Russie. Mais, pour échapper à cette domination, l'Europe devrait se rapprocher d'un ensemble géopolitique encore en constitution, les BRICS. L'Europe et les BRICS représenteraient alors une force susceptible de faire contrepoids à la puissance américaine, laquelle demeurera longtemps supérieure aux moyens mobilisables par l'Europe ou par les BRICS agissant individuellement.

Ceci admis, force est de faire deux constatations:

* L'Europe est trop disparate et trop pénétrée de l'influence américaines pour qu'il soit raisonnable de penser qu'elle puisse s'engager rapidement, et avec l'intensité nécessaire, dans une alliance, ni même dans de simples coopérations stratégiques, avec les BRICS. Il faudrait que des Etats européens agissant à titre individuel, autrement dit s'affranchissant des contraintes imposées par la diplomatie de l'Union européenne, prennent l'initiative de négocier pour leur compte les rapprochements nécessaires.

* Les BRICS sont encore trop différents, et pour certains trop éloignés de l'Europe, pour que des négociations globales avec eux soient envisageables à court terme, sauf dans des cas particuliers. Là encore, les Européens doivent se donner des partenaires privilégiés, qui partagent avec eux le plus grand nombre d'objectifs communs.

Pour répondre à cette double exigence, nous proposons ici de considérer une alliance stratégique entre la France et la Russie comme le premier pas indispensable dans la constitution à terme d'une alliance plus large entre l'Europe et les BRICS. La France et la Russie, bien que ne disposant pas de frontières terrestres communes, ont partagé depuis l'époque de la Grande Catherine jusqu'à la seconde guerre mondiale des points communs et des intérêts très proches. Même du temps de la dictature stalinienne, les deux nations ne se sont pas véritablement opposées. De Gaulle fut le premier des chefs d'Etat européens à encourager le rapprochement avec la Russie.

Précisons d'emblée qu'un tel projet d'alliance avec la Russie pourrait dès maintenant être étendu à d'autres pays européens, notamment en premier lieu l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Mais dans chacun de ces cas, il faudrait développer les raisons pour lesquelles renforcer des liens avec la Russie les intéresse aujourd'hui et pourrait les intéresser davantage encore demain. Ceci dépasserait le cadre de cet article.

Pour en revenir à la France, rappelons pour la petite histoire que lorsque les troupes du czar Alexandre ont momentanément occupé Paris à la suite de la chute de Napoléon premier, elles se sont presque parfaitement comportées. Rappelons également que l'Alliance Franco-Russe négociée dans la perspective de la 1e guerre mondiale a été très populaire dans les deux pays. Le succès persistant en France de l'entremets du même nom, n'est pas simplement anecdotique. Il manifeste les connivences profondes entre les deux sociétés, connivences qui se sont manifestées depuis cette date dans des domaines plus spectaculaires, la littérature et les arts, la technologie, la science...

Mais sur quelles bases concevoir aujourd'hui une alliance franco-russe pouvant être un prototype pour une alliance euroBRICS?

Un projet géopolitique

Il devrait d'abord s'agir d'un projet géopolitique. Ce terme désigne un projet d'alliance ou de rapprochement politique entre Etats partageant un même espace géographique et les mêmes objectifs stratégiques. Ce partage, même à l'âge de la mondialisation des échanges, entraine nécessairement des intérêts communs. Concernant la France et la Russie, le partage de l'espace géographique n'est pas évident, au vue d'une carte. Mais en approfondissant ce concept, il s'impose de lui-même: les liaisons ferroviaires, maritimes et aériennes sont déjà nombreuses et pourraient être accrues à moindre frais. Les similitudes régnant d'un bout à l'autre de ce que de Gaulle avait appelé l'Europe de l'Atlantique à l'Oural, et au delà, sont certaines. Aujourd'hui, des Etats s'interposent géographiquement entre la France et la Russie, mais il n'y a pas de raisons obligeant à penser que ces Etats, ou du moins leurs populations, s'opposeraient aux rapprochements entre les deux ailes de cet ensemble, dont ils pourraient tous bénéficier. Ce ne serait d'ailleurs que la réactivation de ce qui fut l'Europe des Lumières avant la révolution française.

Un projet reposant sur la mutualisation des complémentarités

La complémentarité est d'abord celle des ressources et de l'intérêt qu'il y aurait à les développer en commun. Au plan géographique la Russie pourrait accéder par l'intermédiaire de la France à des espaces maritimes qui lui sont encore très difficiles à atteindre: arc atlantique, méditerranée occidentale, mers entourant l'étendue considérable (en fait unique au monde) composant de ce l'on appelle l'outremer français . A l'inverse la France pourrait accéder aux régions polaires et sibériennes qui, convenablement gérées, prendront de plus en plus d'importance dans la perspective du changement climatique.

Au plan économique, la France relativement bien industrialisée, pourrait aider la Russie à se développer dans les domaines correspondants, tout en bénéficiant en retour des savoir-faire et des ressources russes, notamment technologiques, énergétiques et minières (terres rares). Dans le domaine essentiel de la recherche-développement, on mentionnera la possibilité de lancer en commun de grands programmes concernant notamment les énergies vertes, toutes les technologies NBIC (nano, bio, info et cognotechnologies), mais aussi l'espace et la défense.

Enfin, au plan politico-diplomatique, la complémentarité sera de plus en plus évidente. C'est déjà largement le cas en ce qui concerne la lutte contre les mouvements islamiques radicaux, aussi dangereux en Russie qu'en Europe et au Moyen Orient. Leur extension s'opère actuellement en Afrique sub-saharienne. Même si la France traite ce problème différemment de ce que fait la Russie, des coopérations s'imposeront. D'une façon plus constructive, si la France cessait de se considérer comme ayant le devoir de suivre docilement les méandres de la politique américaine, France et Russie unies pourraient peser d'une façon déterminante dans les grands négociations ou conflits se déroulant à leurs frontières; Iran, Irak, Syrie, question israélo-palestinienne, question kurde, etc.

La question des différences d'approche en matière de démocratie politique, de libertés publiques et de mœurs ne devrait pas être un obstacle aux coopérations envisagées. D'une part avec le temps ces différences s'atténueront. D'autre part, chacun des partenaires doit afficher sa volonté de laisser à l'autre la responsabilité de ses choix sociétaux, sans prétendre les changer.

Un processus progressif

Il ne faut pas dissimuler le fait que les divergences et procès d'intention sont encore très vifs, notamment en France, relativement à ce que pourrait être une alliance franco-russe. Aussi les mouvements et hommes politiques convaincus de son intérêt devront proposer une démarche progressive, s'inscrivant dans une durée longue. Mais qui dit progressivité ne signifie pas ne pas prendre de décisions immédiates, sur des points emblématiques.

Il a été fait valoir ainsi que si la France, cédant aux injonctions américaines, avait décidé de ne pas livrer à la Russie ce qui lui appartient, en l'espèce les deux bâtiments de projection et de combat de type Mistral conçus à Saint Nazaire, il en aurait été fait pour longtemps des espoirs de coopération entre les deux pays. A l'inverse, si la France et la Russie approfondissaient encore leurs coopérations, déjà très fertiles, dans le domaine de l'espace, elles pourraient mettre au point plus rapidement que seules les lanceurs, modules habités et stations terrestres nécessaires à des coopérations accrues en matière d'études cosmologiques, mais aussi en ce qui concerne l'exploration de la Lune, des satellites de Mars et de Mars elle-même. Dans des domaines d'applications plus immédiates, les besoins et possibilités de coopération sont nombreux. Citons la médecine, la robotique, la traduction automatique des langues, les sciences sociales et politiques...

Conclusion

Pour ce qui nous concerne, en tant qu'association(s) convaincue(s) de la nécessité d'une alliance franco-russe, nous développerons nos interventions en ce domaine et nous efforcerons d'établir avec les autres organismes jouant un rôle de même nature, tant en France et dans les pays européens qu'en Russie, un réseau virtuel utilisant les outils numériques susceptible de provoquer des changements en profondeur dans les opinions publiques.

Jean-Paul Baquiast et Jean-Claude Empereur

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