Peur ou optimisme, quelle attitude face la crise?

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L’évolution de la crise économique aux USA suit une voie à la fois traditionnelle et pleine d’inconnus effrayants. Si les pressions financières et économiques pures ne cessent pas, le facteur psychologique est de plus en plus évident. Une analyse récente du milliardaire et investisseur US Warren Buffet confirme son image extrêmement juste de la crise comme un “Pearl Harbor économique” mais y ajoute de plus en plus expressément le facteur psychologique de la peur. Buffet estime que l’état des USA aujourd’hui n’est pas aussi mauvais économiquement que durant la Grande Dépression, mais il est néanmoins “extrêmement grave”. Buffet montre une très grande confiance dans les capacités d’Obama, dont il a été un conseiller économique durant la campagne électorale; d’une façon générale, il garde une grande confiance dans les capacités de relèvement des USA.

Cela est dit, notamment, dans une interview à la NBC, reprise le 18 janvier par le quotidien Star-Tribune de St Paul-Minneapolis, dans l’Etat du Minnesota.

«Buffett said Americans are in a cycle of fear, “which leads to people not wanting to spend and not wanting to make investments, and that leads to more fear. We'll break out of it. It takes time.”

»Buffett's interview centered on President-elect Barack Obama and the tough task he faces in fixing the U.S. economy. “You couldn't have anybody better in charge,” the Omaha resident said of Obama, who'll be sworn into office on Tuesday. As one of Obama's economic advisers, Buffett said the president-elect listens to what his advisers say, but ultimately comes up with better ideas. He predicted that Obama will be able to convey the severity of the economic situation to the American people and explain their part in alleviating it. As to how long the crisis would continue, Buffett said he didn't know.

»“It's never paid to bet against America,” he said. “We come through things, but its not always a smooth ride.”»

Les remarques de Buffet sont remarquables et remarquablement contrastées, avec certaines qui nous paraissent fondées et d’autres pas du tout. C’est bien sûr la remarque sur le facteur psychologique de la peur qui nous paraît la plus intéressante, dans la mesure où ce facteur relie à notre sens le plus directement la crise actuelle à la Grande Dépression. Le jugement vient d’un homme psychologiquement et économiquement bien placé pour juger de ce phénomène dans les milieux économiques US, notamment au niveau des investissements et des dépenses. Sa remarque est une confirmation de plus de l’extraordinaire rapidité de la transformation psychologique des USA, puisque ce climat s’est établi en l’espace de quatre mois, – beaucoup plus rapidement que durant la Grande Dépression.

D’une façon très caractéristique ce facteur de la peur ne semble pas affecter toute la perception psychologique. En même temps que Warren Buffet peut faire ce commentaire, celui de Ferguson reste effectivement valable («[T]hough this was the worst economic crisis in 70 years, many people remained in deep denial about it»). Il nous semble que les deux attitudes psychologiques cohabitent chez les mêmes individus, qu’on retrouve par exemple dans des résultats très contrastés de sondages (très pessimistes sur la situation, très optimistes sur Obama).

D’une part, sur un plan individuel, conformément à l’attitude d’individualisme que la système et sa philosophie poussée à l’extrême ont développée, la réaction est celle de la crainte, du repli sur soi et de l’abstention, – réaction qui s’est répandue comme une traînée de poudre depuis septembre 2008. Par contre, une perception psychologique plus collective des individus est conformée à la propagande du système, c’est-à-dire à sa création virtualiste permanente qui est fondée sur ce qu’on nommait dans les années 1920 “l’idéologie de l’optimisme”. De ce point de vue, il y a, comme dit Ferguson, “déni de crise”.

Il est à craindre (pour Obama, alors placé devant ce problème) que l’attitude de l’opinion publique vis-à-vis d’Obama se trouve marquée par cette diversité contradictoire. D’une part, il y a une addition d’angoisses et de désespoirs individuels, qui ne parviennent pour l’instant pas à “se fédérer” en une perception collective, intégrée si l’on veut, de la crise; d’autre part, il y a une perception collective enthousiaste, optimiste, avec l’élection d’un président africain-américain, la perception de sa jeunesse, de son intelligence, etc. Notre appréciation serait qu’Obama devrait tenter de créer un sentiment collectif de perception de la gravité de la crise, et non entretenir un sentiment fallacieux et trompeur d’optimisme. Le volontarisme nécessaire pour affronter la crise n’est nullement fondé sur l’optimisme, mais sur un pessimisme constructif (voir Jacques Bainville: «Le pessimisme, cause de découragement pour les uns, est un principe d’action pour les autres»). Il n’est pas assuré que le système permette cela parce que le pessimisme implique la reconnaissance de son échec; une seule fois, il autorisa cette attitude, en laissant Roosevelt développer sa campagne psychologique dès son élection de 1932-1933, mais dans les conditions catastrophiques qu’on sait, alors qu’il (le système) était aux abois… En un sens qui pousserait à l’extrême cette hypothèse, Obama ne pourrait choisir cette ligne qu’en rompant avec le système puisque son discours le condamnerait. C’est notre hypothèseAmerican Gorbatchev”.


Mis en ligne le 19 janvier 2009 à 15H32

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