Officiel et télévisé: la guerre civile fait rage à Washington

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Après avoir comptabilisé les échange acrimonieux entre républicains et démocrates, au nième “sommet” ou autres rencontres “de la dernière chance” sur la question des soins de santé, – une réunion télévisée, à la Maison-Blanche, entre Obama avec son vice-président, une délégation démocrate et une républicaine, pour trouver un accord sur la nième proposition du président, – le Guardian (ce 26 février 2010) en vient à l’accessoire qui semblait être devenu l’essentiel tant cette bataille sans espoir de réconciliation a paru être réduite aux symboles de la division:

«But such is the divide between the two parties that they even argued beforehand about the shape of the table they would sit at, rejecting a U-shaped one for a rectangular formation. They also bickered throughout the summit about how much time each side was being given.»

Curieusement, ou bien symboliquement, ils donnent tous ce détails, en ajoutant d’autres comme le fait The Independent (le 26 février 2010): «“I'd like to hope this won't be political theatre, just playing to the cameras,” President Obama said as he opened proceedings in Blair House, the government guesthouse just across from the White House. Then he invoked the death of his mother from cancer and the childhood illnesses of his daughters in making his case. There had already been a spat over whether the table at which the participants sat should be in a U or an O shape. The exchanges thereafter turned into theatre, or, more precisely, a televised boxing match, in which both sides rolled out their most powerful punches.»

Bref, la rencontre a été une bataille, opposant deux partis antagonistes et irréconciliables. Alors que le Guardian laisse glisser une dernière lueur de tentative sans espoir sur ce théâtre épuisé («Barack Obama is planning a last-ditch effort to get his health reform bill through by the end of March after a tense and polarised summit yesterday of Democratic and Republican members of Congress»), The Independent résume la situation avec la menace de quelque chose qui roule déjà à pleine vapeur: la guerre civile washingtonienne («As hopes of compromise on reform fade at televised bipartisan summit, President hints at political war»)

Plus intéressante en cette circonstance de l’échec du “sommet de la dernière chance renouvelée”, la chronique d’Alexander Kaletsky, du Times, le 25 février 2009, écrite et publiée avant le sommet, en forme d’avertissement pour le monde as a whole: «If the President cannot break the deadlock on health reform, the whole world could suffer the economic conséquences». Kaletsky s’explique à propos de la nécessité, – quasi mort-née, une fois de plus, depuis hier soir, – “de réformer le système de santé US, coûteux jusqu’à la ruine”.

«…Medicine now absorbs 17 per cent of US national income, double the average in other advanced economies and half as much again as Switzerland, which has the next most expensive healthcare.

»If nothing is done to change the US healthcare system, it can be stated with mathematical certainty that the US Government and many leading US companies will be driven into bankruptcy, a fate that befell General Motors and Chrysler largely because of their inability to meet retired workers’ contractually guaranteed medical costs.

»Today’s summit represents Mr Obama’s last chance to find a way forward, either by shaming some Republicans into supporting him or by embarrassing his own perennially divided Democratic Party into uniting around a single plan. If he is unable to do this, he will have almost no chance of passing any significant legislation on any other issue—– not on energy, budgetary responsibility, macroeconomic management or even on such seemingly popular issues as bank regulation and jobs. In short, Mr Obama has staked his entire presidency on today’s summit.

»If you are not convinced, just listen to the President’s own radio broadcast last weekend: “What’s being tested in the healthcare summit is not just our ability to solve this one problem, but our ability to solve any problem.” Consider what three years without effective government in Washington could mean, not only for America but for the entire Western world…»

Notre commentaire

@PAYANT Qui faut-il maudire? Kaletsky voue aux gémonies cette espèce de “démocratie directe” qui règne aujourd’hui aux USA, avec les pressions du public, des groupes partisans, des groupes d’intérêt, des prochaines élections, – bref, pour nous il serait plus juste de dire : “les événements”, plus que la “démocratie directe”; encore s’agirait-il, selon nos conceptions, des “événements” voulus par l’Histoire avec la complicité des “scélérats” selon Joseph de Maistre, à leur place et dans leurs rôles. La “démocratie directe” en question, semblant figurer comme une calamité, n’est que l’effet chaotique de causes diverses, dont toutes sont à mettre au passif de ce système dont Kaletsky craint qu’il soit tant menacé par l’échec d’hier soir, et dont l’échec d’hier soir a montré sa condamnation par l’Histoire. Il se lamente, Kaletsky: le monde sans leadership US, quelle calamité! Etrange lamentation lorsqu’on observe où nous a conduits le leadership US.

Qu’importe l’argument éculé, qui sent à plein nez son TINA des partisans du système (There Is No Alternative – “il n’y a pas d’alternative” à la noyade assurée dans laquelle nous nous débattons…). Le constat évident est que nous ne sommes pas loin du terme explosif, par l’échec sur toute la ligne, de la “méthode BHO”. De quoi s’agit-il, cette “méthode”, sinon de la recherche désespérée d’un consensus entre deux partis irréconciliables, pour des raisons diverses qui se résument à cette situation de guerre civile washingtonienne, avec effectivement le constat que “Washington is broken”. En situation de guerre civile, qui cela peut-il étonner? Rien de nouveau là-dedans, puisque nous suivons ce processus depuis quelques années dans cette phase active, avec accélération décisive depuis l’arrivée d’Obama à la présidence. Que l’intention soit bonne dans l’absolu des intentions de grande morale politique ne change rien à l’échec constant de la tentative générale, renouvelée et aggravée à chaque nouvelle tentative spécifique. Ainsi la situation s’aggrave-t-elle régulièrement à mesure qu’on veut l’améliorer et la rétablir. L’activité et les choix de BHO sont un exemple confondant d’une sorte de politique qu’on pourrait surnommer “le tonneau de Danaïdes des bonnes intentions”. Nous avons à de nombreuses reprises observé combien cette politique était fondamentalement mauvaise, absolument inadaptée à la circonstance, pêchant complètement par l’incompréhension considérable d’une situation; seule la catharsis d’une affirmation radicale “à la Gorbatchev”, avec la dynamique qui va avec, pourrait provoquer des effets assez déstabilisants pour rompre l’enfermement d’une guerre civile par montée aux extrêmes des adversaires, et cela impliquerait qu’Obama se conduisît en chef de guerre, furieux et entreprenant. Il semble bien qu’il ne le sera jamais et il sera donc cet étrange “Gorbatchev” par défaut, par inexistence, cette “marionnette de la crise” dont l’effet paradoxal sera de détruire encore plus complètement le système que s’il avait été consciemment un “American Gorbatchev”. Après tout, pourquoi pas…

Par conséquent, le sommet d’hier fut un pas de plus dans la descente vers le désordre politicien, un échelon de plus dans l’ascension vers le chaos politique, un signe de plus de la complète paralysie du pouvoir washingtonien. Il est possible sans doute, sinon probable après tout, que Kaletsky ait raison et que cet enchaînement conduise à la faillite d’un centre washingtonien qui est déjà failli dans l’esprit de la chose depuis belle lurette. Il agite cela comme une perspective catastrophique, nous verrions plutôt cela comme l’étape obligée de la destruction d’un “rogue state” devenu un “fallen state”, – quoique l’emploi du mot “state” est encore faire à cette chose beaucoup trop d’honneur, – puisque, de substance même d’un Etat, la chose est totalement privée. La direction américaniste du monde, dont Kaletsky déplore la mort prochaine, est un cancer qui dévore le monde. Pour une fois, selon nous qui nous méfions des miracles de la chirurgie postmoderniste, cette chirurgie-là s’impose absolument. Ce qui nous fait avancer ce souhait, c’est que la chirurgie en question ne sera pas celle de notre brillante civilisation mais celle de l’Histoire elle-même.

La guerre civile est en marche à Washington. Elle y fait rage, déjà. C’est un juste retour des choses, ou plutôt de l’Histoire, puisque c’est Washington qui, il y a près d’un siècle et demi, imposa aux Etats-Unis d’Amérique une première Guerre Civile dont on sait la vertu immense et les résultats historiques incontestables. C’est justice historique que, cette fois, ce soit Washington elle-même, la ville qui prétend être le centre du monde, qui en soit le théâtre et qui en subisse les affres.


Mis en ligne le 26 février 2010 à 07H20