Mourir d'une balle française, dans le dos

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Mourir d'une balle française, dans le dos

Dans l'histoire des Peuples, des Pays et des Nations, il est des moments d'infamie, de déshonneur et de forfaiture. Ces temps sont des époques où les nabots jouent aux Rois, où les plus petits figurants se déclament Empereurs, les petites ambitions se maquillent en grands desseins, les plus obscurs calculs se travestissent en vision magistrale. Les speakerines discourent comme des orateurs. Ce sont des époques de masques, de trucages, des temps de rabougris, de pleutres. Des temps de honte, des temps invivables. C'est notre temps, à nous, Français.

Nous devrions nous réjouir de la libération des deux journalistes de France Télévision, otages des Talibans pendant plus de 500 jours que je veux bien croire longs et pénibles. Certains, tous en fait, s'en réjouissent. Moi, c'est le plus grand sentiment de honte qui m'envahit, c'est la plus grande des lâchetés qui m'embrasse.

La libération de ces otages n'a pu être obtenue que par le paiement d'une rançon dont la rumeur nous dit qu'elle est considérable. Plusieurs dizaines de millions d'euros. Le montant exact sera un secret d'Etat. Disons plutôt qu'il n'est en fait qu'un secret de famille en pleine décadence. On cache la vérole du beau-père, on camoufle la syphilis de l'ainée. Avec cet argent, les Talibans s'achèteront des armes. Fidèles, eux, à leur combat, ils tueront avec ces armes des soldats français – ou d'autres – conformément aux vraies lois de la Guerre dont la noblesse apparaît tellement criante maintenant rapportée à nos combines et à nos audimats.

L'Histoire est tragique, elle est donc terriblement logique. Le prochain soldat français qui tombera en Afghanistan sera tué d'une balle dans le dos. Cette balle sera française parce que c'est nous, citoyens de ce pays qui l'auront payée. Nous en serons les acheteurs, le Gouvernement de la République, le trésorier. Curieusement, dans cette entreprise de trahison, le comptable, de fait et en droit, en est aussi le Président.

C'est bientôt le 14 juillet. Je croiserais, peut-être, dans les rues de Paris, des soldats de nos armées. Je ne les regarderais pas dans les yeux. Qu'ils sachent que ce mépris n'est pas pour eux mais pour nous, nous tous.

Je hais cette époque qui fait de moi un nain.

Pierre Robes-Roule