Lutter contre la NSA, soit, – mais et la libre concurrence ?

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Lutter contre la NSA, soit, – mais et la libre concurrence ?

Seuls les structures américanistes, soigneusement cloisonnées et imprégnées des tournures psychologiques de l’l’inculpabilité et de l’indéfectibilité, sans le moindre doute sur leur absence de culpabilité, sans la moindre interrogation sur leur irrésistible capacité de toujours l’emporter avec le bon droit et la morale, seules ces structures sont capables de conduire à des situations telle que celle qui se dessine avec le cas de la NSA, de l’espionnage en Europe (en Allemagne) par la NSA, de la volonté notamment allemande de se protéger contre cet espionnage, enfin des règles sacro-saintes de la liberté de concurrence. L’imbroglio vaut le détour.

• D’une part, les Allemands progressent lentement, précautionneusement, sur la voie d’envisager une procédure d’enquête sur les activités de la NSA, voire, dans un avenir hypothétique et lointain, d’entendre le témoignage de Snowden. Le Bundestag a ouvert l’enquête de la commission spéciale constituée pour ce cas, mais sans beaucoup d’espoir d’aboutir. Une autre possibilité consiste en l’ouverture d’une enquête criminelle officielle de la justice allemande contre la NSA, là aussi sans grand espoir. C’est ce que note Russia Today le 5 avril 2014 :

« Clemense Binninger, who is tasked with leading the eight-person investigative committee, does not expect the US to help much in clearing up the surveillance allegations, and believes attempts to formulate a Washington-Berlin no-spy agreement have come to a complete halt, Deustsche Welle reports. Questions the German government sent to the US government have likewise not received a reply – and the head of the committee doesn’t see this changing anytime soon...

»A top German prosecutor is also deciding whether to open a full-scale criminal investigation against the NSA – another way to go about the issue. Some, though, think that this is unlikely, because it would contribute to increasing German-US tensions at a time when both are trying to stir up a unified effort against Russia for its alleged actions in Ukraine.»

• D’un autre côté, et de l’autre côté de l’Atlantique, le département du commerce US (USTR) vient de publier son rapport annuel. Ce rapport consacre une place non négligeable aux intentions de certains pays, notamment l’Allemagne, de constituer des réseaux nationaux de communication pour empêcher la poursuite de l’espionnage de la NSA, qui se fait notamment avec l’aide des grands groupes privés US du domaine. Le USTR juge ces pratiques absolument déloyales du point de vue des bonnes règles de la libre concurrence, dans la mesure où de tels réseaux excluraient bien évidemment des contractants US, puisque c’est d’eux justement que l’on veut se garder... Ainsi les bonnes règles de la libre concurrence serviraient à protéger le monopole des grands groupes US et la poursuite de l'espionnage, notamment économique, de la NSA.(Voir RT, le 5 avril 2014.)

«US officials on Friday slammed plans to construct an EU-centric communication system, designed to prevent emails and phone calls from being swept up by the NSA, warning that such a move is a violation of trade laws. Calling Europe’s proposal to build its own integrated communication system “draconian,” the office of the US Trade Representative (USTR) said American tech companies, which are worth an estimated $8 trillion per year, would take a financial hit if Brussels gives the initiative the green light. “Recent proposals from countries within the European Union to create a Europe-only electronic network (dubbed a ‘Schengen cloud’ by advocates) or to create national-only electronic networks could potentially lead to effective exclusion or discrimination against foreign service suppliers that are directly offering network services, or dependent on them,” the USTR said in its annual report.»

• Les Allemands veulent absolument interrompre, ou dans tous les cas limiter les écoutes systématiques de la NSA dans les milieux politiques et surtout industriels et économiques. Ils comptent beaucoup plus sur la constitution de leur réseau national que sur le bon vouloir des USA. Mais que se passerait-il si les USA entament une action juridique, par exemple devant l’OMC, pour “protectionnisme” contre la constitution d’un réseau national qui exclurait dans tous les cas des contractants US et, probablement, n’emploieraient que des contractants nationaux ? «Pour cela, répond un expert européen, la plus sûre façon d’agir serait de démontrer la culpabilité US d'écoute illicite, ou, dans tous les cas, une forte présomption, ce qui rendrait irrésistible l’argument de la sécurité nationale» C’est-à-dire qu’il faudrait effectivement mener à son terme, soit l’enquête du Bundestag, soit l’enquête criminelle évoquées plus haut.

...Mais alors, on se mettrait à dos les USA ? Et le cercle vicieux des excellentes et très utiles relations transatlantiques de poursuivre sa ronde, assuré d’avoir inventé le mouvement perpétuel.


Mis en ligne le 5 avril 2014 à 16H52