Les paradoxes autour d'Obama, décidément énigmatique

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La gauche progressiste US («the official Left»), parfois soupçonnée d’être une “gauche caviar” du cru, qui commence à douter d’Obama à partir d’une analyse que partagent les néo-conservateurs et le War Party de la droite interventionniste; Obama défendu par des républicains traditionnels de la droite isolationniste, anti-guerre, voire des libertariens d’extrême droite comme Justin Raimundo. Barack Obama déchaine plus que jamais les hésitations, les interrogations, les interprétations, souvent excessives et abusives. Obama reste décidément une énigme, – par la faute des autres et de leurs interprétations quand ce n’est pas directement et naturellement par son comportement.

La polémique est née et s’est enflammée en quelques jours, à propos de la position d’Obama (ou le changement de position, c’est selon) sur plusieurs sujets sensibles : l’avortement, la loi de surveillance FISA et, surtout, l’éventuel retrait des forces US d’Irak. Les uns (la gauche et les neocons) affirment qu’Obama “dérive” vers le centre, – les premiers (la gauche) pour s’en lamenter, les seconds (les neocons) pour s’en réjouir. (On sait qu’aux USA, le concept de “centre” est élastique, ou bien disons costaud. Il s’agit du “centre” avec un marteau-pilon, qui n’hésite pas devant une bonne petite attaque aérienne de temps en temps. Après tout, les Clinton, Bill et Hillary, sont des centristes à la mode US, – les Serbes et le Kosovo s’en souviennent encore.)

L’avis de cette gauche progressiste qui peut être aussi une gauche appuyée sur des principes de fer, est bien résumé par l’éditorial de Mark Karlin, éditeur et directeur du site Buzzflash.com, ce 7 juillet. (Karlin commence son édito en rappelant solennellement ce qu’est Buzzflash: «As I've mentioned more than once, BuzzFlash is the oldest and largest progressive Internet news and commentary site between the two Coasts. We have the perspective of the Heartland – and we were founded on a premise that only when we hang tough for Constitutional values will we prevail.») Il est manifeste, avec un titre comme celui-ci, qu’on estime qu’Obaman sacrifie les principes à l’opportunité : “Tenir ferme Obama quand Obama ne tient plus ferme” («Hanging Tough with Obama When Obama is Not Hanging Tough»)

Tout en réaffirmant qu’il continue à croire que la candidature d’Obama est une “candidature progressiste”, Mark Karlin définit cette position catégorique:

«I want to make it emphatically clear that I and BuzzFlash oppose Obama's position on the latest House FISA bill; on “redefining” an Iraq pullout; on giving a green light to the unprecedented Supreme Court gift to the NRA; and on his “carve out” of exceptions to late term abortions that would exclude the mental health of a woman.

»These are not progressive perspectives (although the Iraq statement was consistent with his prior qualifications – and those of Hillary Clinton). We oppose his stances as stated above, and will continue to do so. As I have often stated, we are beholden to principles, not to an individual. As a grassroots organizer, Obama, we suspect, understands that.»

(Un autre aperçu intéressant des positions de la gauche progressiste US se trouve dans le texte de Bob Herbert, du New York Times, publié aujourd'hui. L'approche est encore plus critique que celle de Buzzflash et fait état d'un désarroi même chez les électeurs africains américains, qui forment le coeur même de l'électorat d'Obama.)

Justin Raimundo, de son côté, ne cesse de railler cette gauche progressiste qu’il tient pour une “gauche caviar” et qu’il n’aime guère. Et le voilà, lui le libertarien d’extrême droite, qui vole au secours du candidat “de gauche” en assurant que ce candidat est toujours “de gauche” et que lui-même, Raimundo, s’en réjouit, – sur Antiwar.com, ce même 7 juillet. Les étiquettes valsent.

«This sudden burst of chatter that is supposed to establish the “fact” that Obama has substantially altered his position on the war is coming from two places: the neocons and the official Left. Funny how that works. It's the first clue that the charge is a canard, pure and simple, spread by neocons of various colorations to somehow dress up a major defeat in the raiment of “victory.” The great issue of this campaign is the war. The collapsing economy merely provides a useful backdrop against which to illustrate the point that the spreading conflict is draining us economically, morally, and in every other conceivable way. Obama, to his credit, seems to realize this. His nomination and election will augur hard times for the War Party, for the very idea of “change” in the post-9/11 era means a major shift away from the politics of fear and perpetual war and toward a new politics that challenges the orthodoxies of ''Left'' and “Right.”

»Even if Obama doesn't fully deliver, the mere expression of that promise represents a threat to the Grand Consensus that “politics stops at the water's edge,” which has suffocated any real debate over U.S. foreign policy since the end of World War II. The decline and fall of that consensus is what the War Party rightly fears.

»I have been critical of Obama, specifically his foreign policy stances, and will continue to call him out when he's wrong. Yet in this crucial instance, he is so far walking the walk – and antiwar voters can only cheer him on. Like “Lifelong Nebraska Republican David Sayers,” cited by The Politico as exemplifying what they call the “Obamacan” phenomenon:

»“The Republican Party has lost its soul. It's no longer the party of Goldwater. For years, it was about small government, low taxes, fiscal responsibility. Foreign policy was always about, ‘Look after ourselves first and humanitarian outreach second,’ but it was never about having our own Roman Empire. … I see Obama as the Democratic Ronald Reagan — someone who can really bring us together and heal us as a nation. … In the long term, a catastrophic loss in November could be very good for the party.”»

Ainsi Obama devient-il un “Reagan démocrate” réunificateur de la nation, le champion de toute une partie des républicains (les “Obamacans”, pour “Obama republicans”), traditionnalistes, anti-guerres et anti-interventionnistes, éventuellement néo-isolationnistes, partisans et activistes au son du mot d’ordre “la République, pas l’Empire”. Ils n’ont de pires ennemis que ces autres républicains, les interventionnistes, les neocons qui rêvent de ligoter Obama dans des engagements bellicistes. Ainsi les républicains, non seulement se déchirent entre pro- et anti-Obama, mais entre deux interprétations diamétralement opposées du même Obama. Si l’on ajoute les querelles d’interprétation des positions d’Obama au sein du parti démocrate, et particulièrement sur sa gauche qui est en train de se renforcer à l’occasion de cette élection présidentielle, on finirait par croire qu’il n’y a qu’un seul “candidat” et que le problème est de savoir, ce qu’il pense, ce qu’il va faire et qui il est exactement. (Et John McCain, là-dedans? Qui s’occupe de lui?)

Obama plus que jamais une énigme? Bien évidemment. Mais, d’abord, le constat que le candidat démocrate semble rassembler sur lui toutes les tensions, toutes les contradictions héritées de la politique catastrophique et de l’Amérique déchirée de GW Bush. D’un côté, il y a la mesure, l’expérience, qui nous font penser qu’Obama ne pourra rien changer, qu’il fera, après tout, comme les autres devant le système. D’un autre côté, cette multitude, cette confusion, ces projections de chacun sur un candidat dont on se demande s’il saura encore qui il est lorsqu’il sera élu (car cela, son élection, ne semble faire le moindre problème dans la perception de chacun), – cet aspect de sa candidature continue à faire penser qu’il pourrait tout de même être, dans un moment d’inadvertance, une sorte de Gorbatchev “à l’américaine”

Plus que jamais une énigme, certes.


Mis en ligne le 8 juillet 2008 à 05H56

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