Le laboratoire grec et l'infamie du Système

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Nous présentons deux nouvelles, toutes deux venues de PressTV.com, qui concernent deux évolutions politiques en Grèce, par rapport à l’Union Européenne, et bien entendu dans le cadre de la crise grecque et de la crise européenne, mais aussi dans le cadre de la crise iranienne telle qu’elle est traitée par l’Union Européenne. Ces deux nouvelles ont une importance politique mineure, dans leurs effets attendus probables, mais une importance majeure du point de vue du système de la communication.

• La première, du 28 janvier 2012, concerne la nouvelle selon laquelle l’Allemagne veut que la Grèce cède le contrôle de son budget national à l’Union Européenne (dans le chef d’un “commissaire” spécial, dont il serait bienvenu qu'il soit, par hasard et rien d'autre, de nationalité allemande), en échange bailout courant pour venir en aide à la susdite Grèce. La réaction du gouvernement grec est un refus au nom du principe de la souveraineté nationale. Peu importe ici que le concept de “souveraineté nationale” soit dans notre époque postmoderniste en lambeaux, en Grèce et ailleurs, et que l’actuel gouvernement grec ait été quasiment nommé par l’Union Européenne, sur l’insistante recommandation allemande dont nul n’ignore le poids manifesté sans la moindre vergogne ; seule compte la réaction à laquelle l’infamie de la situation contraint ce gouvernement. Pour le public grec, le “commissaire” de l’UE que l’Allemagne voudrait voir nommer en Grèce pour surveiller, voire conduire les mesures d’austérité, n’est pas autre chose qu’un Gauleiter allemand, rappelant directement la pratique nazie de l’occupation de la Grèce, – si vous voulez, Gauleiter postmoderniste enfanté par l’intermédiaire allemand du Système, le Système connaissant bien les capacités et les spécialités de chacun de ses serviteurs..

«Greece is going to reject a German plan that asks Athens to cede control of its budget to the European Union in return for a second bailout, government officials say. “Greece will not discuss such a possibility, it is out of the question that we would accept it, these are matters of national sovereignty,” a Greek government source told AFP.

»According to a Saturday report by Financial Times, Germany had submitted a proposal to have the eurozone assume control over the Greek budget before it receives a new bailout. Under the proposed plan a commissioner appointed by other eurozone finance ministers would have the power to veto budget decisions made by the Greek government. The report said the proposal was circulated to other eurozone officials by Germany on Friday. A European source in Germany has confirmed the report.»

• La seconde, du 28 janvier 2012, rapporte une prise de position des partis de gauche grecs contre l’embargo de pétrole contre l’Iran décidé le 23 janvier par l’UE. La prise de position élargit le propos à une condamnation de la politique du bloc BAO contre l’Iran, notamment du fait que cette politique oublie complètement le cas israélien dans la région (près de 300 têtes nucléaires d’ores et déjà opérationnelles) pour se concentrer sur le cas iranien (hypothétique développement d’une arme nucléaire). Puisque l’acte concerne l’UE, il s’agit alors de la mise en évidence de l’aveuglement bureaucratique et de l’absurdité idéologique d’une politique là encore sous inspiration du Système, sans la moindre considération pour les intérêts européens ni le moindre rapport avec la sagesse diplomatique à laquelle nombre de grands pays européens se targuent d’avoir si fortement contribué dans leur histoire.

«The coalition of left parties in Greece has denounced the European Union's decision to ban oil imports from Iran… […] In a statement released on Saturday, the alliance criticized the embargo, saying it follows the course of the US move to deploy aircraft carriers to the Strait of Hormuz and Israeli war threats against the Islamic Republic. The Greek parties protested that the new sanctions seek to pressure Iran to halt its nuclear program despite Tehran's emphasis that its program is not aimed at the production of nuclear weapons.

»The coalition also highlighted that it is against the possession of nuclear arms by any country, and that the recent action of the European Union serves as part of the bloc's dangerous anti-Iranian policies. The press release concluded that bringing up the issue of Iran's nuclear program is hypocritical since the countries which already wield atomic weapons have kept silent about Israel's nuclear arsenal.»

Il faut immédiatement préciser (à nouveau) nos principes d’analyse. D’une part, même si nous les mentionnons, les considérations tactiques expliquant telle ou telle prise de position ne nous intéressent pas en tant que telles, – même si elles démontrent la duplicité, l’absence de conviction, le seul esprit de manœuvre qui animent leurs auteurs. Seul compte ici le résultat de communication, dans cet instant où il est obtenu, et ce qu’il signifie, parce que la communication est aujourd’hui un facteur fondamental dans l’équation de la puissance. D’autre part, peu nous importe que telle ou telle revendication, ou telle ou telle exigence, ne conduise pas à son accomplissement. Là aussi, “seul compte le résultat de communication”, dans cet instant où il est obtenu, et ce qu’il signifie. Nous ne croyons pas une seule seconde qu’un parti, une coalition de partis, un gouvernement, ceci et cela d’un petit pays ou d’un grand pays, ou bien l’UE dans son ensemble, etc., puissent modifier par l'action politique l’ensemble des choses jusqu’à modifier le Système d'une manière si fondamentale qu'il nous en devienne bénéfique ; l’énoncé même de l’hypothèse la ridiculise complètement. Par conséquent, des effets politiques tangibles ne présentent pour nous aucun intérêt.

Ce qui nous intéresse, ce sont les tendances que reflètent ces prises de position, considérées du point de vue du système de la communication pour obtenir un effet de communication. Cela n’est nullement, ni indifférent, ni négligeable, – bien au contraire, justement à cause du poids de la communication comme facteur majeur de la puissance ; par conséquent, les tendances qui s’expriment au niveau de la communication constituent des évènements réels intervenant d’une façon concrète dans l’équation de la puissance. Pour toutes ces raisons, les deux nouvelles ci-dessus, même si et justement parce qu’elles n’ont aucune substance politique capable de provoquer des effets politiques, ont une importance objective réelle s’inscrivant dans l’équation de la puissance. Nous irons jusqu’à écrire, selon la logique développées ci-dessus, qu’il est même préférable que ces prises de position n’aient pas d’effets politiques au profit d’un effet de communication, dans la mesure où les effets politiques ne seraient que pur simulacre, que tromperie en faisant croire à une avancée antiSystème, alors que le Système en sortirait en vérité complètement indemne. Leurs effets accomplis se situeraient toujours à l’intérieur du Système et ils seraient prestement “récupérés” à l’avantage du Système tout en permettant la proclamation de leur vertu apparente, laquelle serait au bénéfice du Système. Le résultat serait politiquement nul et avantageux pour le Système du point de vue de la communication… Comme toujours, une seule chose nous intéresse, qui est le sort du Système ; et le Système est bien plus touché par une annonce de communication, alors qu’il ne l’est nullement par l’effet politique de telle ou telle exigence.

Ce qui est remarquable, c’est de voir les pouvoirs politiques, dont l’un (le gouvernement) est la chose de l’Union européenne sous directe inspiration allemande, se juger obligés d’intervenir dans un sens défavorable à l’UE. Il ne s’agit pas, répétons-le, d’obtenir un changement fondamental de statut et de position, – chose quasi impossible et, encore une fois, assez peu souhaitable de notre point de vue de l’efficacité de l’attaque contre le Système, – mais bien d’affirmer certaines obligations, certaines exigences, certaines protestations qui vont dans le sens des exigences implicites ou explicites de l’opinion générale, populaire et autre, et qui constituent de ce fait un acte de communication antiSystème. C’est une façon, ou à tout le moins une tentative, de réduire la colère de l’opinion publique contre la direction politique grecque, tentative dont l’efficacité est douteuse et dont l’effet ne peut être que très court devant l’absence de résultats ; c’est certainement une façon involontaire d’attiser cette colère en général, par détournement dans ce cas, dans le sens antiSystème en général. La Grèce est effectivement, dans la catastrophe qui la frappe, un laboratoire de l’évolution des effets d’une complète inversion de la communication, dans certaines circonstances, des relais du Système pour tenter de contrôler la situation de la fureur populaire. Le résultat net, de communication, est donc une complicité involontaire avec cette fureur populaire antiSystème.


Mis en ligne le 30 janvier 2012 à 10H56