La NSA et les USA aveugles, avec l’épée de Damoclès nucléaire

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La NSA et les USA aveugles, avec l’épée de Damoclès nucléaire

Qu’est-ce que Snowden a emporté avec lui (et qui est maintenant disséminé, sous la forme de copies, en plusieurs lieux et chez divers personnes de confiance, dont Greenwald-Poitras bien entendu) ? Une intervention à la NBC, relayée par Russia Today, signale qu’une source du renseignement US, qui a été informée de l’étendue de la fuite réalisée par Snowden, c’est-à-dire de l’étendue du fonds Snowden, conclut que la NSA est toujours incapable de la déterminer, deux mois et demi après les premières révélations. Cette situation, qui semble confirmée par d’autres sources, est la pire situation opérationnelle qu’on puisse imaginer. La NSA et, par voie de conséquence, le gouvernement des USA, sont complètement dans le noir par rapport à ce qui peut être révélé d’un jour à l’autre, et sont obligés de prendre en considération le pire, – que le fonds Snowden contient à peu près tout de ce qu’on pourrait appeler avec une certaine ironie “le fonds NSA”, quasiment l’ensemble des informations sensibles constituant les archives électroniques de l’Agence. Pire encore, puisqu’il semblerait, selon une autre source allant dans ce sens, que la NSA soit dans l’incapacité technique de parvenir à déterminer l’étendue et le contenu du fonds Snowden. (Cette incertitude est accentuée par le fait que Snowden est passé par des contractants extérieur à la NSA, dont Booz Allen Hamilton, dont il n’est nullement assuré que la NSA soit elle-même complètement informée de ce qu’ils possèdent de ses propres archives, et fortement suspicieuse à cet égard, dans l’atmosphère de paranoïa qu’on imagine, de ce que ces contractants lui disent à ce propos.) On peut envisager une situation apocalyptique, voir in fine eschatologique, où la NSA ne puisse jamais savoir ce que contient le fonds Snowden et qui est désormais quelque part et en plusieurs lieux et mains, éventuellement incontrôlé, dans le vaste monde globalisé.

Ce serait une épée de Damoclès de type nucléaire, quasiment de dimension métaphysique puis que la NSA semble affectionner ces références, suspendue et menaçante dans un mouvement de balancement au-dessus de la NSA tant qu’un élément radical et décisif n’intervient pas... Ce serait alors une confirmation de l’hypothèse développée sur ce site le 15 juillet 2013 concernant “l ‘énigme explosive” de Snowden-Greenwald. Russia Today le 21 août 2013 :

«The National Security Agency is still baffled by the extent of information Edward Snowden accessed, according to a new report. The National Security Agency is still unable to determine the breadth and scope of documents that Edward Snowden accessed and gave to news outlets, nearly two months after the first reports of their contents, anonymous US intelligence officials said.

»The sources, who have been briefed on the background of the current internal investigation at the NSA, told NBC News that despite public assurances by US officials that supposed damage from the leaks is understood by the NSA, the spy agency is not actually so confident behind the scenes. The sources said authorities at least believe that unreleased information includes details on data collection by English-speaking US allies, including the UK, Canada, Australia, and New Zealand.

»One source said the US government is “overwhelmed” by the possible depth of information Snowden had access to as a contractor for Booz Allen Hamilton. The other source highlighted the NSA’s lack of sound auditing capabilities as a source of frustration in understanding the full extent of data that Snowden – and media outlets he has leaked to – have in their possession.»

Certes, du point de vue opérationnel mais avec une extension directe et explosive dans le domaine politique fondamental pour la politique de sécurité nationale des USA et pour tous les domaines secrets de cette politique actuels et passés en possession de la NSA, il s’agit de la pire situation qu’on puisse imaginer. Il s’agit d’un véritable chantage globalisé et quasiment objectif et implicite qui pèse de facto sur toute la politique des USA. Les diverses déclarations de Greenwald, de l’interview qu’il donna à La Nacion le 13 juillet (voir encore le 15 juillet 2013) à ses récentes affirmations selon lesquelles le fonds Snowden, dont une trentaine-une quarantaine de documents ont été rendus publics, comprendrait entre 15.000 et 20.000 documents, vont dans ce sens. L’on sait également qu’il a été suggéré par Greenwald lui-même que nombre de ces documents ont une dimension politique sortant du seul dommage de l’espionnage électronique, qu’ils ont un potentiel de destruction du gouvernement US lui-même. C’est ce qui était rappelé par Russia Today en juillet dernier, à partir de l’interview de La Nacion, dans notre texte référencé :

«Former NSA contractor and whistleblower Edward Snowden possesses dangerous information which could potentially lead to America's “worst nightmare” if it is revealed, according to the journalist who first published Snowden's leaked documents. Snowden has enough information to cause more damage to the US government in a minute alone than anyone else has ever had in the history of the United States,” Glenn Greenwald, the Guardian journalist responsible for publishing some of Snowden’s first leaks, told Argentina-based newspaper La Nacion...» Et l’on comprend encore mieux l’avertissement et l’incompréhension de Greenwald devant l’acharnement du gouvernement US contre Snowden, puisque de la sécurité de Snowden dépendait et dépend la restriction ou la diffusion de ces informations “nucléaires“ : «[Greenwald] added that Washington should be exercising care in dealing with Snowden because he has the potential to do further damage to the US. “The US government should be on its knees every day begging that nothing happen to Snowden, because if something does happen to him, all the information will be revealed and it could be its worst nightmare...”»

En effet, le désir de Snowden est (était ?) que ces informations-là ne soient pas publiées parce qu’elles porteraient un dommage irréparable, voire décisif, aux USA et à son gouvernement. C’était dans tous les cas sa politique au départ, mais l’on sait que depuis, de nombreux événements sont survenus, qui ont notablement accru la tension avec l’extension de la crise dans toutes les directions, avec cette récente agression contre le “partner” de Greenwald, avec la révélation que l’appareil sécuritaire du Royaume-Uni est intervenu auprès du directeur de la rédaction du Guardian pour obtenir la destruction de ce qu’il disposait du fonds Snowden. (La décision de Rusbridger d’obtempérer et de détruire le matériel dont il disposait a été critiquée. Mais Rusbridger donne une explication évidente et qu’on ne peut réfuter d’un point de vue réaliste et opérationnel, dans le Guardian du 20 août 2013 : il valait mieux détruire une version, sans doute tronquée, du fonds Snowden, alors que des copies complètes sont à l’abri hors d’atteinte des autorités UK, plutôt que risquer un ordre du juge de suspendre toute publication venant du fonds Snowden [«Rusbridger took the decision that if the government was determined to stop UK-based reporting on the Snowden files, the best option was destroy the London copy and to continue to edit and report from America and Brazil.»])...

Tout cela a considérablement tendu le climat et l’ampleur extraordinaire de la crise et peut avoir modifié, ou être en train de modifier, l’état d’esprit de l’un ou l’autre, de Snowden ou de Greenwald, vis-à-vis de cette politique de garder off limits de publication certains documents parmi les plus explosifs. Et cette fois, l’on ne parle plus des programmes de la NSA, de l’action sur l’internet, des “collabos” type Microsoft ou Google, mais d’affaires telles que l’attaque du 11 septembre 2001, de l’élimination suspecte de telle ou telle personne, d’opérations secrètes de déstabilisation de grande envergure, etc., – et bien d’autres choses, plus effrayantes encore pour le gouvernement US, que nous ignorons évidemment. Or, l’ampleur de communication colossale qu’a prise cette crise induit nécessairement que toute révélation venant du fonds Snowden est instantanément répercutée et prise sans discussion pour du comptant, ce qui implique des coups terribles sinon un coup décisif possibles à tout instant et contre lesquels le gouvernement US ne peut opposer aucune défense efficace, ni même préparer une telle défense, – parce qu’il ne peut écarter l’option du “pire est toujours possible”. On comprend qu’une source décrive ce gouvernement US comme “accablé”, “écrasé” par cette affaire (“overwhelmed”). On comprend qu’Obama, selon sa philosophie du “autant jouer au golf quand on ne peut rien faire“, continue à jouer au golf.

Il n’y a rien de pire que l’inconnu de la menace quand on sait, ou qu’on croit dans tous les cas, que cette menace dispose de tout ce qui peut vous détruire. C’est aujourd’hui la situation, non seulement de la NSA, mais du gouvernement des USA lui-même, et par conséquent du Système. Cela vaut, bien sûr, si les indications données par les sources sont justes. Mais il y a tout lieu de penser qu’elle le sont car on voit mal comment la NSA pourrait disposer d’un compte précis du fonds Snowden, ce fonds ayant été rassemblé au cours de plusieurs opérations qui n’ont laissé aucune trace, à partir de plusieurs sources qui sont elles-mêmes impossibles à évaluer précisément. Dans ce contexte, la NSA ne saura jamais le contenu des fonds Snowden, car le doute subsistera toujours, et cela même si Snowden était capturé, même si plusieurs des copies voire théoriquement toutes les copies du fonds Snowden disséminées étaient récupérées, – puisque resterait le doute que ce “toutes les copies“ est trompeur, qu’une copie “de plus” est encore dans la nature, alors que l’on aurait créé une telle tension que le dernier possesseur hypothétique de cette ultime copie déciderait de diffuser la cœur nucléaire du fonds Snowden.

L’hypothèse évoquée, dont on ne cesse de se convaincre à mesure de la réflexion qu’elle est plus que plausible, qu’elle n’est pas loin de la vérité de la situation, donne un raccourci saisissant de la situation du Système et de la civilisation (“contre-civilisation”) qu’il a engendrée. Le moyen renvoie à l’avancée la plus surpuissante du technologisme, avec les facteurs extrêmes antagonistes où les capacités automatiques les plus micro-réduites disposent du stockage des réalités historiques les plus énormes en informations et en signification quasi-nucléaire de ces informations. La surpuissance du Système, passant par le développement exponentiel du technologisme, tout cela infiniment du domaine de la Matière déchaînée, aboutissant à une menace hors de toute atteinte possible puisqu’elle s’est transformée en un doute existentiel planté dans la psychologie des figurants-Système, conduisant au-delà à la perspective de son autodestruction radicale qui embrasse évidemment le domaine de la métahistoire. Mais c’est la règle du jeu imposée par la NSA elle-même, après tout : le sceau de la NSA figure aussi bien les clefs de Saint Pierre contrôlant le Royaume de Dieu que son domaine d’action qui est l’éternité. C’est nécessairement dans ce domaine métahistorique que les forces antiSystème se développent avec une potentialité supra-humaine évidente.


Mis en ligne le 21 août 2013 à 06H39