La NSA a trouvé son “ennemi intérieur”

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La NSA a trouvé son “ennemi intérieur”

C’est le coup le plus vigoureux porté contre la NSA, – mise à part la défection de Snowden, certes, – et il vient directement de l’intérieur du gouvernement, du Privacy and Civil Liberties Oversight Board (PCLOB), un “conseil” indépendant créée en 2007 par le Congrès pour intervenir sur les questions des libertés civiques. Le PCLOB est complètement intégré dans l’administration mais ne dépend en principe d’aucune autorité de tutelle contraignante. Il n’est devenu opérationnel que très récemment après une mise en place complexe, chargée de polémiques et de chausse-trappes. Le New York Time et le Washington Post ont publié aujourd’hui les principaux constats d’un rapport de 238 pages qui leur est parvenu, disons, en “pré-publication”. Le NYT du 23 janvier 2014 écrit que le PCLOB juge le programme d’écoute généralisée et de stockage de données de la NSA complètement “illégal” et estime qu’il doit cesser :

«An independent federal privacy watchdog has concluded that the National Security Agency’s program to collect bulk phone call records has provided only “minimal” benefits in counterterrorism efforts, is illegal and should be shut down. […] The report is likely to inject a significant new voice into the debate over surveillance, underscoring that the issue was not settled by a high-profile speech President Obama gave last week. Mr. Obama consulted with the board, along with a separate review group that last month delivered its own report about surveillance policies. But while he said in his speech that he was tightening access to the data and declared his intention to find a way to end government collection of the bulk records, he said the program’s capabilities should be preserved.»

C’est la première manifestation publique du PCLOB. Son président David Medine, ancien haut fonctionnaire de l’administration Clinton, avait annoncé au Guardian, la semaine dernière, que le PCLOB allait remplir sa mission sans compromission («I believe we’ve risen to the task, and are demonstrating both in the United States and around the world that the United States has a vigorous oversight body that will take a close look at these programs, have full access to them, and will be able to advise whether the programs do strike the right balance»). Le rapport a été lu par Obama avant son discours sur la NSA (voir le 18 janvier 2014), ce qui place le président et le PCLOB dans des positions curieusement antagonistes, ou bien d'une façon logique si l'on considère le climat de division générale et de paralysie du pouvoir à Wahington.

Le Guardian du 23 janvier 2014 rapporte la satisfaction des parlementaires réformistes (en même temps que la fureur des pro-NSA, dont le président de la commission de la Chambre sur le renseignement, Mike Rogers). Il semble bien que le rapport du PCLOB doive être considéré comme un atout décisif pour les partisans du Freedom Act, le projet de loi anti-NSA en cours d’élaboration à la Chambre. (Le rapport du PCLOB va encore plus loin dans le sens des restrictions que le Freedom Act.)

«Senator Patrick Leahy, the Vermont Democrat who chairs the judiciary committee and co-authored the USA Freedom Act, said the report added to “the growing chorus” that wanted to end the phone metadata dragnet. “The report reaffirms the conclusion of many that the Section 215 bulk phone records program has not been critical to our national security, is not worth the intrusion on Americans’ privacy, and should be shut down immediately,” Leahy said. Representative Adam Schiff, a California Democrat on the intelligence committee, predicted the report would spell “the final end of the government's bulk collection of telephone metadata”…»

Le PCLOB doit publier un autre rapport la semaine prochaine, complétant celui que le NYT et le Post ont fait connaître, sur les pratiques de la NSA dans le domaine extérieur du point de vue de ses retombées au niveau US. Une assertion gravissime du rapport du PCLOB est que l’activité gargantuesque de la NSA depuis 9/11 n’a eu que très peu d’effets du point de vue de la lutte antiterroriste. Le rapport a été approuvé par trois des cinq membres du PCLOB (les deux dissidents étant des juges nommés par l’administration GW Bush), ce qui pourrait provoquer des remous du côté des pro-NSA cherchant des arguments pour contrer le rapport.

Dans tous les cas, cette intervention du PCLOB accroît l’intensité du débat aux USA, les divisions à l’intérieur des institutions washingtoniennes, et la vigueur de la bataille autour de la NSA par conséquent. Le débat est d’ampleur nationale et affecte désormais tous les centres du pouvoir washingtonien. Avec ce rapport, il a indiscutablement la potentialité de devenir plus conséquent, et avec des effets déstructurants infiniment plus graves, que celui des années 1974-1975 principalement sur la CIA (commission Church du Sénat).


Mis en ligne le 23 janvier 2014 à 19H32