La crise profonde de la démocratie élective

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La crise profonde de la démocratie élective

La fameuse phrase de Churchill (“la démocratie est le pire des régimes à l’exclusion de tous les autres”) est peut-être véridique, mais personne ne peut la certifier, pour la simple raison que la démocratie est un idéal qui n’a jamais été atteint. En effet, tous les individus qui composent le peuple ne peuvent avoir le pouvoir sans que règne une véritable anarchie. Donc, la démocratie est un concept démagogique qui désigne un système politique où les élections donnent l’impression à un grand nombre de personnes qu’ils possèdent une partie du pouvoir. Nous voyons un peu partout, des signes de l’enrayement de ce système électif.

Des juges électifs douteux

La confiance permet le bon fonctionnement de tout système politique, or dans une période de crise, elle s’accorde plus difficilement. Dans les démocraties électives, les citoyens confient leur pouvoir à des organismes chargés de comptabiliser leur voix. Lorsque le résultat n’est pas celui escompté, l’électeur égocentrique a la sensation d’avoir été floué.

L’année dernière en Côte d’Ivoire, les deux organismes chargés de valider les résultats de l’élection présidentielle (la Commission électorale et le Conseil Constitutionnel) ont déclaré un vainqueur différent. Chaque camp a octroyé sa confiance à l’organisme qui satisfaisait son désir. Les doutes sur l’intégrité des juges électifs ont fatalement conduit les irréconciliables à une guerre civile. Le victorieux a été celui qui avait bénéficié des plus puissants appuis intérieurs et extérieurs. Une telle situation peut se reproduire lorsqu’un “gentil” candidat est aux prises avec un “vaurien”, lors d’un second tour exacerbant les passions.

En Russie, les législatives de 2011 ont vu des résultats conformes aux sondages. Pour certains opposants, cela prouve que les instituts de sondages et la Commission électorale centrale sont complices du gouvernement. Les soupçons devenant certitudes, des manifestations ont eu lieu. Le scrutin n’étant qu’à un tour, les contestataires étaient trop divisés pour prétendre au pouvoir, mais se sont accordés pour tenter de déstabiliser la Russie Unie de Poutine (suivant le prototype des Guerres de 4ème Génération).

Dans la même zone géographique, le cas de l’Ossétie du Sud est particulièrement intéressant. Cette dernière n’étant reconnue que par six pays, la présidentielle de novembre 2011 revêtait une symbolique particulière. Au second tour, le candidat ouvertement soutenu par le gouvernement russe, Bibilov, a obtenu 39% des suffrages. La Cour Suprême a invalidé ces élections en considérant qu’il y avait eu des fraudes, provoquant l’ire des partisans de Djioïeva, la donnée-gagnante par la commission électorale. Contrairement aux cas précédents, les gouvernements des pays d’ordinaire si prompts à juger de la probité des résultats électoraux n’ont pas pris parti pour Djioïeva, car cela signifiait reconnaître de facto cette entité ! Cette élection a montré que les juges extérieurs (la dite “Communauté Internationale”) sont eux aussi soumis à des impératifs politiques et ne peuvent donc pas être considérés comme une source impartiale.

Une crise de l’autorité politique

Dans une élection, les candidats courtisent les votants, bien souvent en feignant d’être populaires, c’est-à-dire en faisant leurs des habitudes du Peuple, ou du moins celles de la population ciblée par leurs conseillers en communication. La plupart des candidats juge cette attitude payante, car ils considèrent que paraître au-dessus de la mêlée des citoyens risque de froisser l’électorat. Or, c’est justement cette qualité qui symbolise le gouvernant. Par principe, le dirigeant ne doit plus faire partie de ceux qu’il dirige, d’après l’antique traité d’Han Fei Zi (L’art de gouverner). Souvent, un candidat s’abaisse devant le peuple pour être élu, puis veut être au-dessus de celui-ci pour gouverner.

Le chef d’État se doit d’être un équilibriste, qui peut tomber dès son premier soir comme en France. Ce dernier a malgré tout conservé son poste nominal, mais pas celui de gouvernant qu’il n’a jamais eu. La comparaison entre De Villepin et Sarkozy est assez intéressante de ce point de vue, si le premier ne pourra pas être élu (sans perdre son ancien prestige – par ailleurs déjà bien entamé), le second est dans l’incapacité de gouverner (sa fonction ne l’ayant pas transcendé).

Aujourd’hui, la plupart des gens conserve l’idéal démocratique, bien que l’élection ne soit plus considérée comme fiable. Celle-ci peut être manipulée et donnée un semblant de pouvoir à un homme dépourvu d’autorité véritable. Dés lors, une des manières envisageables est l’arrivée au pouvoir sans compromis électoral. Par exemple, si un candidat paraît au-dessus d’une contestation populaire (remettant en cause le résultat de l’élection), suivant le modèle des révolutions colorées. Il conserve (ou augmente) ainsi son prestige – s’il en a – dans un troisième tour urbain et devient l’homme providentiel. Aussi surprenant soit-il, un tel scénario est loin d’être inenvisageable dans des pays comme la France ou les États-Unis pour 2012. Le désordre créé par les plus fervents des militants pousserait un des candidats à rompre avec le système qui prévaut actuellement…

Ismaël Malamati