La crise du BMDE rebondit, à condition que le BMDE existe encore…

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La crise du BMDE rebondit, à condition que le BMDE existe encore…

Après diverses vicissitudes ces deux dernières années entre l’OTAN, les USA et la Russie à propos du système anti-missiles, que nous avions baptisé en son temps BMDE (Ballistic Missile Defense Europe), – qui a du changer d’acronyme entretemps, – mais que nous importe dans ce chaos général et au cœur des susceptibilités bureaucratiques de l’OTAN ? Nous conservons donc BMDE… Pour noter que les Russes ont décidé de montrer que tout se passe comme s’ils se fâchaient tout rouge. Ainsi Medvedev a-t-il averti sévèrement que la Russie était prête à pointer ses missiles de frappe tactique contre des sites du réseau BMDE. Il s’agit notamment de missiles à courte portée Iskander dont il a déjà été beaucoup question ces dernières années comme arme de dissuasion contre le réseau BMDE.

Le 23 novembre 2011, Russia Today rapporte l’avertissement de Medvedev, qui marque la mauvaise humeur grandissante des Russes à l’encontre de l’attitude des Américains (et de l’OTAN). Medvedev parle certes, in fine, des Iskander, mais aussi d’autres mesures de riposte au niveau stratégique.

«Responding to Washington’s failure to bring Russia on board the European missile defense system, President Dmitry Medvedev announces sweeping plans to address what Moscow is calling a threat to national security. Medvedev said he will deploy strike systems in the west and south of the country and deploy Iskander missiles in the Kaliningrad region in order to counter the risk posed by the European missile defense system. “By my order the Defense Ministry will run in a warning system radar station in Kaliningrad without delay,” the Russian President said, commenting from his resident of Gorki on the outskirts of Moscow.

»Russia may also refuse to undertake additional steps toward disarmament in the event that its national security remains at risk. “In the event of unfavorable developments (in regards to European missile defense), Russia reserves the right to halt further steps in the disarmament sphere and, respectively, weapons control,” Medvedev said. “Besides, given the inseparable interconnection between the strategic offensive and defensive weapons, grounds may appear for our country’s withdrawal from the START treaty.”»

• A côté de cela, le 24 novembre 2011, Russia Today développe également une analyse sur cette question des BMDE et de la riposte russe. Rogozine, l’ambassadeur de la Russie à l’OTAN, y développe son discours fort peu accommodant, menaçant de vider de tout contenu la coopération entre la Russie et l’OTAN. Divers officiels et experts ont également la parole, développant le pour et le contre, exposant la crise et ce qui fait qu’il n’y a pas vraiment une crise, que la situation est grave mais qu’elle n’est pourtant pas si grave que cela… Tout cela marquant finalement beaucoup plus la confusion considérable de la querelle que sa gravité, ce qui est une évolution courante par les temps qui courent, le contenu et l'activité des situations de crise voyant la tension des menaces remplacée par le désordre de la confusion.

«…The [Russian] official noted that that despite disagreements, the two countries are not enemies. He observed that there have been differences in approaches when it comes to security issues “even between closest allies.”

»America says it is concerned with protecting its own homeland, yet it is deploying missiles along the Russian border. According to political analyst Igor Khokhlov, this policy of surrounding Russia and the former Soviet Union with missile bases actually dates back to the 50s and 60s. He added the United States has pulled the rug out from under its European allies by surrounding the Russian territory with missile bases.

»“Russia has adequate responses, especially with its new generation of missiles like Iskander, which can be put in Europe and will endanger the European allies of the US. The European allies of the US, who joined this program, are putting their own populations at risk because before these events there was no danger from Russia, and now Russia has a response to America putting its missile bases around its territory,” he said.

»Glyn Ford, a former Member of the European Parliament, told RT Europe has an obligation to moderate any US plans that fail to take account of Russia’s genuine security concerns over the ABM project… […]

»Despite the fact that the US calls for an anti-missile defense system, Moscow’s concern is that Russia will be totally encircled and that it has the potential be used as an offensive system. According to political analyst Aleksandar Pavic, verification is very hard in these things. “They can very easily and quickly be turned into offensive systems. We have to remember in 2002 US president George Bush unilaterally withdrew from the anti-ballistic missile treaty. This was the treaty that kept clear stability, not just in Europe but throughout the world for more than 30 years. Such threats actually increase the chances of a nuclear war or even accidental nuclear war. And the further way we get from that doctrine, which assured the peace, the more dangerous the whole international environment is becoming,” he stressed.

»Alice Slater from the Nuclear Age Peace Foundation told RT it is unlikely the situation will lead to a new Cold War style arms race. “I hope somebody will have some good sense because basically the US is a crumbling empire – it is in debt, it cannot fund its roads, it has wasted its national treasure on the military, and it is almost like it has to have a total shift into the 21st century. War is not the answer anymore and there are many problems America has to deal with. Hopefully this is a wake-up call,” she said.»

• Pendant ce temps, ou, plutôt, avant même ce temps-là, le site iranien PressTV.com s’était empressé de noter, le 20 novembre 2011, que les possibles réductions budgétaires qui pourraient suivre un échec de la “super commission” du Congrès menaceraient, selon le secrétaire à la défense Panetta, le réseau BMDE, du moins dans la forme où il est actuellement, c’est-à-dire financé pour l’essentiel par les USA. (Comme l’on sait, l’échec de la “super commission” est, entretemps, avéré, authentifié, officialisé, etc.)

«“A missile defense system for NATO? It's going to be hard to keep people committed if they think the US is picking up the tab for Europe,” Associated Press quoted the former US ambassador to NATO, Kurt Volker as saying. […] While it is not known what military spending would be cut, an expensive program aimed primarily at defending Europe is unlikely to be spared.»

…Assez curieusement, il y a encore l’un ou l’autre pour se demander, à propos du “redémarrage” des bonnes relations USA-Russie, un des axes politiques élégants du début du mandat Obama, si cette politique ne serait pas compromise par cette affaire de BMDE. Curieux, parce que, non seulement l’affaire est cousue de fil de blanc depuis le début, mais parce qu’elle est aujourd’hui complètement pulvérisée par les conditions générales de la crise, également générale (la crise).

• Crise “cousue de fil blanc”, puisque le programme BMDE est en réalité une entreprise du seul complexe militaro-industriel (CMI), qui n’est appuyée sur aucune cohérence stratégique d’aucune sorte. Il s’agit de développer des systèmes avancés pour entretenir le développement industriel et technologique du CMI, avec le soutien de la bureaucratie du Pentagone, avec notamment l’argument de la menace de missiles quasiment balistiques et nucléaires de l’Iran contre l’Europe et les USA. (Cette menace, construction intégrale des services de la communication des divers services du bloc BAO impliqués.) Ce fait même de l’activité du CMI pour des raisons de développement de ses activités de production explique les variations parfois surprenantes entre les évolutions technologiques et les diverses initiatives “stratégiques” d’une part, et la recherche d’accords avec Moscou, essentiellement de la part des USA (surtout dans la période 2009-début 2010), pour tenter d’arriver à un équilibre avec la Russie et améliorer les relations USA-Russie. Depuis, il semble qu’Obama ait pratiquement abandonné tout espoir de ce côté, devant la puissance de la poussée du CMI et l’impuissance désormais avérée de sa propre politique éparpillée dans une complète confusion dans la prolifération des crises diverses.

• Mais il existe désormais un élément nouveau, qui est la panique du Pentagone, avec la catastrophe budgétaire qui suit l’échec de la “super commission” et le désordre extraordinaire où va être plongée la programmation du même Pentagone. La déclaration de Panetta n’est, d’une part, certainement pas à prendre au pied de la lettre mais il est, d’autre part, certainement assuré qu’il existe une menace contre le BMDE, effectivement parce que ce programme concerne des investissements qui ne concernent pas uniquement la sécurité des USA et qu’il coûte très cher (autour de $10 milliards par an). Il est à peu près assuré que Panetta va demander aux Européens de participer substantiellement plus qu’ils ne le font au financement du système BMDE, l’alternative étant sa complète restructuration vers une réduction notable et un repli sur la dimension continentale US, voire une possibilité d’abandon qui serait un gel en l'état et une réduction aux croiseurs anti-missiles AEGIS d'ores et déjà en service. De ce point de vue des dépenses militaires supplémentaires, surtout pour un tel projet dont tout le monde comprend bien l’aspect alimentaire au profit du CMI, on connaît la situation des Européens…

Ainsi a-t-on cette impression d’un décalage tout à fait remarquable entre la position des Russes, qui est bien entendu complètement compréhensible parce qu’ils ne peuvent ni ne veulent prendre aucun risque stratégique, et la vérité de la situation US quant à la capacité de continuer à produire de ces grands systèmes d’arme dont fait partie le BMDE. C’est désormais une situation classique, qu’on ne cessera plus de rencontrer de plus en plus, qui rend extrêmement délicat de pouvoir faire des analyses de prospectives sur les possibilités stratégiques et technologiques. Le désordre ne cesse de gagner, il bouleverse tout, il rend les situations politiques et stratégiques, sinon incompréhensibles, du moins totalement “illisibles”. Le BMDE n’échappe pas à la règle et il en sera même un des premiers affectés.


Mis en ligne le 25 novembre 2011 à 05H42

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