Kerry le “néo-iso”, contre le néo-isolationnisme

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Kerry le “néo-iso”, contre le néo-isolationnisme

Le gouvernement US travaille dur, en ce moment, pour faire croire qu’il n’est nulle part en retrait, qu’il ne refuse pas les conflits et les nouveaux engagements extérieurs, qu’il ne se contente pas de rhétorique en fait d’action extérieure, etc., – bref, qu’il n’est pas, selon la nouvelle expression en vogue, néo-isolationniste (‘néo-iso’)...

Diverses sources rapportent sa dernière sortie, plus d’une heure passée en conversation avec divers journalistes des plus grands médias, pour une conversation à bâtons rompus d’où ressort cette hantise d’être pris pour “néo-iso”. (Comme le rappelle John Glaser, dans Antiwar.com le 27 février 2014, Kerry avait déjà plaidé avec intensité pour le refus de cette perception d’un BHO “néo-iso”, le 1er février à la conférence Wehrkunde de Munich : «[Kerry] presented an emotional defense of the Obama administration’s engagement in international crises in the face of widespread European and Middle Eastern criticism that the United States was retreating from a leadership role.»). C’est le Guardian du 27 février 2014 qui nous rapporte les confidences anti “néo-iso” de Kerry...

«US secretary of state John Kerry decried what he called a “new isolationism” in the United States on Wednesday and suggested that the country was beginning to behave like a poor nation. Speaking to reporters, Kerry inveighed against what he sees as a tendency within the United States to retreat from the world even as he defended the Obama administration’s diplomatic efforts from Syria to the Israeli-Palestinian conflict.

»“There’s a new isolationism,” Kerry said during a nearly one-hour discussion with a small group of reporters. “We are beginning to behave like a poor nation,” he added, saying some Americans do not perceive the connection between US engagement abroad and the US economy, their own jobs and wider US interests.»

Ainsi Kerry plaide-t-il les circonstances atténuantes pour n’avoir pas encore attaqué l’Iran, parce que, nous explique-t-il, «[w]e took the initiative and led the effort to try to figure out if before we go to war there actually might be a peaceful solution», – car combien de remords l’habitent, de n’avoir pas encore attaqué, quelle héroïque stature il lui faut pour résister à cette si puissante obligation morale de lancer cette entreprise salubre et salouytaire ! L’argumentation est particulièrement chaotique... «These people who say that it’s failed or that it’s a waste of time ... Where is their sense of history? How many years did the Vietnam talks take? How many years did Dayton take in Bosnia-Herzegovina? These things don’t happen in one month. I mean it’s just asinine, frankly, to be making an argument that after three weeks it’s failed.» Les républicains-neocons s’en délecteraient s’ils étaient eux-mêmes dégagés de leur propre narrative, c’est-à-dire leur devoir de ne pas considérer le Vietnam comme une défaite US parce que les USA ne sont jamais tout à fait vaincus ; alors que Kerry justifiant les conversations avec l’Iran par l’exemple vietnamien, où les négociations durèrent plusieurs années (5 ans), ils pourraient lui rétorquer que ce fut finalement pour permettre la victoire complète du Nord communiste sur le Sud proaméricaniste. Mais aucun argument rationnel ne peut être échangé entre ces deux factions du maximalisme belliciste, qui s’écharpent alors que les moyens disponibles et l’état déliquescent de la direction politique washingtonienne rendent de plus en plus risqué de se lancer dans les aventures extérieures.

Kerry gémit sur les difficultés à obtenir un budget convenable, autant que sur le blocage indirect mais catégorique par le Congrès de l’attaque contre la Syrie. Les arguments, des deux côtés, sont ceux d’une direction washingtonienne aux abois qui n’a plus ni la volonté ni les moyens de la politique agressive et belliciste qui est la seule conception acceptable pour ces esprits. Tous ces gens deviennent honteusement “néo-iso” par la force des échecs rencontrés, simplement parce que les événements ne cessent de les culbuter dans leurs retranchements. Les gémissements de Kerry nous confirment que les USA sont engagés dans un déclinisme catastrophique, que rien dans leur psychologie ne leur permet d’accepter, qui s’effectue dans les pires conditions possibles.


Mis en ligne le 28 février 2014 à 16H17