FIFA : Un “coup d’État” est un fusil à un coup

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FIFA : Un “coup d’État” est un fusil à un coup

Dire qu’un “coup d’État” est “un fusil à un coup” signifie qu’il faut qu’il réussisse quasi-simultanément, “en un coup”, deux opérations  : abattre la cible visée (un président, un dictateur, un général putschiste, un président de la FIFA ... une marionnette/ un corrompu contre vos intérêts) ; remplacer aussitôt cette cible par un nouveau pouvoir que vous avez préparé (un président, un dictateur, un général putschiste, un président de la FIFA ... une marionnette/ un corrompu en faveur de vos intérêts). Si l’on suit cette règle de l’art selon l’analyse que l’attaque contre le président Sepp Blatter était une attaque du Système/des USA pour prendre le contrôle de la FIFA et la retourner contre la Russie, – schéma à peu près acceptable selon nombre de signes et qui, seul, justifie notre intérêt pour cette affaire (voir le 29 mai 2015), – la réaction immédiate du site qui s’oppose à la guerre de communication contre la Russie Russia Insider le 2 juin 2015 est incomplète.

Cette réaction se résume à deux phrases entre lesquelles on trouve une citation d’un article décrivant la démission-surprise du Suisse Sepp Blatter, quatre jours après sa réélection. On a encore à l’esprit, bien entendu, combien cette réélection s’est faite dans des conditions houleuses d’une tension extrême, et accompagnée de promesses à peine feutrées que l’attaque contre Blatter ne s’interromprait certainement pas avec cette réélection, mais au contraire s’intensifierait ; et cela, toujours bien entendu, avec l’hypothèse fortement acceptable que l’attaque contre Blatter serait aussi et surtout une attaque déstabilisante contre la Russie, organisatrice de la Coupe du Monde en 2018...

«Il semble finalement que le “coup d’État” mené par les USA ait réussi après tout... [...] Normalement, nous devrions moins nous intéresser [à cette affaire.] Mais tout cela constitue une entreprise géopolitique majeure dont la cible est la Russie.»

Ce rebondissement du scandale de la FIFA/“coup d’État” US contre la FIFA, son président, la Russie, etc., est résumé sous forme de questions-réponses d’une façon acceptable par BFMTV, à partir des constats de son excellent service-sports (le 2 juin 2015). Le titre «Fifa: et maintenant?» nous indique qu’il s’agit d’un “état des lieux”, tandis que l’on peut être assuré que l’orientation du constat général tient compte d’aspects politiques généraux, mais très peu du cadre général d’un affrontement de communication entre le Système et la Russie. (En excusant l'empressement à faire d'un “prince jordanien” un “monarque du Golfe persique”, – vieux réflexe gaulois des admirateurs du Paris Saint-Germain...)

«Si Sepp Blatter a annoncé démissionner de son poste de président de la Fifa, il ne quittera pas pour autant la fédération internationale. D’ici à la tenue des prochaines élections, le Suisse s’efforcera de laisser une ultime trace dans l’histoire de l’institution tandis que les candidats à sa succession devraient se bousculer au portillon.

»Blatter quitte-t-il ses fonctions sur le champ ? Non. Jusqu’à la tenue du congrès extraordinaire de la Fifa qui permettra aux 209 membres d’élire un nouveau président (entre décembre 2015 et mars 2016), Sepp Blatter conservera toutes ses compétences. Pas d’intérim, donc, mais un maintien en l’état comme le permet l'article 24 des statuts de la Fifa. Toutefois, la procédure électorale sera supervisée par Domenico Scala, président de la commission d'audit de la Fifa.

»Que fera Blatter durant ce laps de temps ? Le Suisse ne se contentera pas d’accompagner la procédure électorale. Orgueilleux jusqu’à l’ongle, on peut compter sur Blatter pour quitter le navire par la grande porte. Et laisser une ultime empreinte dans l’institution. “Je vais me concentrer pour engager des réformes ambitieuses”, a-t-il d’ores et déjà annoncé, lors de l’annonce inattendue de sa démission. A moins que la justice ne le rattrape et ne l’empêche d’exercer ses fonctions jusqu’au bout…

»Quels candidats à la présidence ? Les candidats à la présidence de la Fifa devront officiellement se déclarer dans les quatre mois qui précédent l’élection. Mais dans les minutes qui ont suivi l’annonce de la démission de Blatter, deux hommes n’ont pas tardé à se manifester. Et à faire officiellement acte de candidature. A savoir le prince jordanien Ali bin Al Hussein, qui a poussé vendredi dernier le président sortant au 2e tour, avant de se désister. Et David Ginola, qui remet ça après avoir fait rire tout son monde lors de sa candidature initiale, finalement avortée. De toute évidence, c’est le monarque du Golfe persique qui est à cette heure le candidat le plus crédible. Mais d’autres ne devraient pas tarder à se manifester comme Michael van Praag (président de la Fédération néerlandaise), Luis Figo, Wolfgang Niersbach (président de la fédé allemande), Sunil Gulati (président de la fédé américaine) et bien d’autres encore. Comme Michel Platini, par exemple ?»

• Dernier élément factuel (?) : la démission de Blatter a été aussitôt accompagnée d’indications de “sources” proches de l’affaire (proches du FBI) selon lesquelles une enquête avait été/était/allait être ouverte contre Blatter pour corruption... C’est la nouvelle la moins surprenante de cet aspect de l’affaire, connaissant les méthodes US dans cette sorte de circonstances, quand ce sont les USA qui mènent le coup d’État et quand le résultat de ce coup d’État n’ait pas complètement satisfaisant, – tant s’en faut... Sputnik.News reprend l’annonce faite par ABC.News (le 3 juin 2015

«Following his sudden resignation as President of FIFA Tuesday, Sepp Blatter finds himself the subject of investigation by US prosecutors and the Federal Bureau of Investigation. His decision to quit came just days after he was re-elected for a fifth term to the post he has held since 1998. The week prior to stepping down, the FBI arrested seven FIFA officials as part of an investigation into fraud and corruption in soccer's governing body. The news of the possible investigation comes from ABC news citing sources familiar with the case...»

L’élément opérationnel fondamental de cette “opération” dont nous jugeons qu’elle est loin, très loin d’être une réussite US, et qui pourrait se retourner contre les USA, c’est le facteur chronologique avec ses conséquences : un délai de quatre mois pour le dépôt des candidatures, un nouveau congrès extraordinaire, déjà deux candidatures et certainement beaucoup d’autres, avec les yeux rivés sur Platini, actuel président de l’UEFA (fédération européenne de football). C’est là qu’on voit que le “coup d’État” est très loin d’être réussi ; il eût été réussi si Blatter avait été éliminé directement (démission immédiate, retrait de sa candidature à la réélection, etc.), impliquant l’élection automatique du prince jordanien Ali bin Al Hussein, l’“homme de Washington” parfaitement plié. Mais même avec la réélection de Blatter, comme nous l’avons noté plus haut, rien n’était assuré en ce sens que les attaquants restaient idéalement placés pour poursuivre leur attaque (essentiellement/exclusivement contre la Russie et sa Coupe du Monde 2018). Nous notions ainsi dans le texte déjà référencé du 29 mai 2015, en acceptant l’hypothèse qui s’est aisément vérifiée de la réélection de Blatter :

«En ce qui concerne la perspective évidente des prochaines années, on peut être sûr que la campagne pour le boycott, ou pour le contre-boycott dans le deuxième cas très hypothétique, va démarrer à très grande vitesse. Cela concernera Moscou-2018 bien entendu, avec un zeste du Qatar-2022, qui trouverait peut-être le sel supplémentaire d'y faire participer, disons en démonstration, l’équipe nationale de l’État Islamique. La Crise Générale aura donc, un moyen de plus de s’exprimer. Le football est entré dans une phase intense d' antagonisme politique, en plein cœur de la guerre totale.»

La dernière phrase est plus que jamais d’actualité, mais désormais dans un sens complètement différent, où les apparents vainqueurs du “coup d’État” à deux coups sont en bien plus mauvaise posture, justement parce qu’un coup d’État est un fusil à un coup, qui doit être réussi en un coup. Plusieurs éléments permettent de substantiver cette analyse que nous proposons.

• Désormais, et pour ce qui nous préoccupe nous, le destin de Bretter devient secondaire. Est-il ou non un corrompu, comme nombre d’officiels de la FIFA ? (Car, bien entend, le fait de la corruption de la FIFA est évident, – au même titre que les banques anglo-saxonnes, les parlementaires du Congrès US, les dirigeants de l’Ukraine-Kiev, nombre de neocons, et ainsi de suite, liste sans fin si l’on dépend du Système et si l’on travaille à l’intérieur du Système. Le fait de la corruption n’est plus aujourd’hui un indicateur de quelque intérêt que ce soit dans la seule lutte qui nous intéresse, Système versus antiSystème. C’est un outil tactique, rien d’autre.) Que Bretter soit ou non corrompu n’a donc pour nous aucun intérêt du point de vue fondamental et la question est hors-sujet. Du point de vue tactique, par contre, la question peut jouer : s’il n’est pas corrompu, Bretter se battra dans les mois qui lui restent, notamment contre ceux qui ont voulu le faire tomber (le FBI et le reste) ; s’il est corrompu, le seul point intéressant serait dans le fait qu’il ne se battrait pas dans le sens qu’on a vu, ce qui signifierait qu’il a reçu une promesse d’immunité contre sa neutralité, – c’est ce que tout le monde conclurait, et alors les pseudo-épurateurs (le FBI et le reste) deviendraient encore plus suspects d’arrière-pensées politiques... (D'un certain point de vue, il n'est pas interdit de penser que Blatter, sachant dès que le scandale eût éclaté qu'il ne pourrait pas gouverner, ait songé à toutes les circonstances qu'on va détailler en poussant sa réélection à son terme pour éviter l'élection du prince-marionnette, pour ensuite démissionner et laisser le champ libre à la campagne électorale.)

• La lutte contre la corruption n’est plus, dans ces nouvelles circonstances, une arme antirusse mais devient une arme anti-à peu près tout le monde (et par exemple précisément, une arme anti-Qatar, vu les conditions du choix de la Coupe du Monde 2022, et alors l’on entre dans les contradictions internes au Système car le Qatar est l’ami du Système-USA, comme nombre de pays européens antirusses, dont la vertueuse France). L’arme de la lutte contre la corruption devenant “anti-à peu près tout le monde” n’est plus très loin d’être antiSystème, puisque “tout le monde” cela forme le Système dans le monde du football ; alors, le FBI devient-il antiSystème ?

• Surtout, il y a l’affaire des candidatures, où là aussi les paramètres évoluent ... Nous allons prendre le cas de Michel Platini, très puissant président de l’UEFA, très populaire et avec des réseaux et une notoriété considérables, et dont chacun sait que son ambition est la présidence de la FIFA (il a envisagé un moment de se présenter contre Blatter, il en avait parlé, d’ailleurs un peu vite et maladroitement en attaquant déjà Blatter, en marge de la Coupe du Monde du Brésil). Nous avions été sévère en un mot vis-à-vis de Platini lors de la réélection de Blatter, parce qu’en attaquant le président de la FIFA à un jour du vote, ils se plaçait automatiquement du côté du prince-Jordanie, marionnette attitré du Système. («C’est fait. Le “scandale-FIFA” est parmi nous, non plus comme artefact de corruption et d’ambitions antagonistes où le Français Platini, avec sa hargne anti-Blatter, ne brille pas une intelligence extrême, – puisque complice du Système en soutenant le prince-dribbleur, prince-général actionné de Washington.») Dans ce cas, Platini, pour nous, manquait d’intelligence en faisant de sa position un atout pour le Système (inconsciemment, tout cela, car c’est ainsi que fonctionnent les acteurs de notre Grande Crise Générale). Mais si Platini devient maintenant candidat, alors notre position à son égard change de 180°, du tout au tout, parce qu’il devient l’adversaire n°1 du prince-marionnette et lui-même antiSystème. Platini a une forte personnalité, des idées bien arrêtées, aucune animosité spéciale contre les Russes, aucun besoin des USA bien sûr, qui comptent peu dans le football. (Sa collusion de facto avec le candidat des USA n’a tenu qu’aux seules circonstances de la réélection de Blatter.) ... S’il est candidat, il devient, du point de vue du Système, un nouveau Blatter, un Blatter blanchi puisque sans le handicap de la responsabilité de la corruption du système-UEFA. (D’ailleurs, lui qui était extraordinairement violent contre Blatter en cours de réélection, est devenu extrêmement laudateur, presque tendre pour le président-démissionnaire après la décision de démission du susdit, où il salue “la bonne décision” du président Blatter devenant soudainement un vieux sage aux vertus romaines.)

• Les candidats, – Platini en tête si c’est le cas et le prince-marionnette dans tous les cas avec un sacré handicap, – vont devoir maintenant se rallier tous les pays qui ont voté Blatter il y a quatre jours, notamment les Asiatiques, les Africains et les Sud-Américains, tous avec plus ou moins de hargne contre l’intervention US/FBI. La campagne électorale pourrait devenir une course à la surenchère anti-USA, c’est-à-dire une course parfaitement antiSystème. On enterrera Blatter avec les honneurs et on devra reprendre sa politique qui était de favoriser les blocs anti-occidentaux, voire même les blocs anti-US tout en se demandant de quoi se sont donc mêlés les USA, nation mineure du point de vue du football. (Sur ces points, il y a déjà eu des accusations précises de Blatter, qui a ainsi rendu publique la question délicate de l’interférence US dans les affaires de la FIFA.) Comme les USA n’abandonnent jamais une fois qu’ils mettent leurs énormes sabots quelque part, ils devraient continuer à interférer dans les affaires de la FIFA au nom de la lutte anti-corruption, et pour l’objectif à peine dissimulé d’y prendre le pouvoir dans un but abntirusse, ce qui devrait encore plus exacerber la hargne des candidats dans le sens qu’on décrit.

• L’énorme “coup d’État”-Système de la FIFA pourrait ainsi devenir une énorme aventure antiSystème au sein du football mondial, dans une communauté où les USA sont des acteurs mineurs. (Horreur ! D’ailleurs, la pratique assez bonne et l’amour de John Kerry pour le football, – soccer non-américain et non American Football, – est un des thèmes des critiques des neocons contre lui, comme on le voit dans Free Bacon, le 20 juin 2014, – le football-soccer étant alors considéré comme “antiaméricain” puisque les USA ne le dominent pas.) Pour les Russes, l’intérêt de la démission de Blatter est de “dé-singulaiser” leur cas. Désormais, il y a la question de la corruption de la FIFA, qui concerne tout le monde, – éventuellement la Russie ou pas, c’est selon, mais certainement pas plus la Russie que le Qatar et, si l’on remonte dans le temps, bien d’autres cas ; et il y a la question de l’hostilité antirusse qui ne relève pas du football puisqu’entièrement politique : si elle apparaît, elle sera traitée politiquement dans une enceinte que les USA sont loin de dominer, – et alors, certes, il y aura du sport !


Mis en ligne le 3 juin 2015 à 10H49

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