Bibi-2011, comme l’IDF face au Hezbollah en 2006

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Les perspectives immédiates ne sont pas véritablement formidables. Les quelques lignes terminant un article de The Observer du 11 septembre 2011 décrivent quelques données de la situation pour Israël…

«“The situation with Turkey is not good, and the situation with Egypt is not good,” said the Israeli official. “We hope this is not a sign of things to come.”

»Both Turkey and Egypt are supporting the bid to have a Palestinian state recognised at the UN general assembly. Israel is braced for what its defence minister, Ehud Barak, described as a “diplomatic tsunami”. The US – which has pledged to veto Palestinian statehood – is frantically trying to find a way of averting a vote, fearing further alienation within the Arab world. The Palestinian president, Mahmoud Abbas, said US efforts to encourage the parties to return to negotiations had come “too late”.»

En fait de tsunami, Israël n’en est guère privé par les temps qui courent. Il y a eu l’incroyable attaque de l’ambassade israélienne au Caire, dans la nuit de vendredi, et la fuite précipitée et bien peu glorieuse de l’ambassadeur et de la plupart des membres de l’ambassade, embarquant à bord d'un avion militaire de transport, de nationalité israélienne, à 4H40, au matin du 10 septembre. Il a fallu l’intervention personnelle des dirigeants américanistes pour précipiter une intervention des forces égyptiennes pour sauver quelques employés encore coincés dans l’ambassade, on ne sait plus qui tant les “révélations” abondent : est-ce Obama, Hillary Clinton, Leon Panetta du Pentagone, ou bien est-ce tous les trois… On dit que Panetta essaya pendant deux heures d’avoir le maréchal Tantawi (président du Conseil Militaire Suprême) au bout du fil, avant d’y parvenir enfin au début de la nuit de vendredi. Cette tentative venait après plusieurs tentatives initiales avortées de Netanyahou et de Barack, à qui Tantawi avait refusé de parler au long de l'après-mlidi du vendredi.

Dans deux articles successifs, les 10 septembre et 11 septembre, DEBKAFiles met en évidence la mauvaise volonté des autorités égyptiennes pour intervenir, si l’on peut parler d’“autorités” suggère l’article ; la lenteur de l’intervention des commandos égyptiens, et ainsi de suite. Il attribue l’attaque à des groupes extrémistes, soutenus en sous-main par le groupe des Frères Musulmans. («In first new disclosures on the storming of Israel's Cairo embassy which started Friday night, Sept. 9, DEBKAfile's counter-terror sources reveal that the mob was led by the terrorist Jama'a al-Islamiya, the Egyptian founding branch of Al Qaeda, and two other radical Egyptian Islamist groups.») Cette interprétation du complot islamiste, présentée comme basée sur des “sources” crédibles, est loin, très loin de faire l’unanimité. DEBKAFiles fait un lien direct entre cette attaque de vendredi et la prochaine venue d’Erdogan, cette semaine (arrivée aujourd’hui), au Caire. Pour le site, la Turquie joue désormais à fond la carte de l’antagonisme contre Israël et Israël est ramenée 32 ans en arrières (ou 40 ans en arrière…), avant la signature du traité de paix de Camp David avec l’Egypte.

«Erdogan's campaign has derailed America's Middle East policy by placing its key allies Turkey and Israel on a course of military collision. Erdogan is putting Washington on notice that Turkey's friendship and support in the region is contingent on the US turning against Israel.

»Israel is taken back 32 years to the seventies when it stood out as the only pro-Western outpost of democracy in the Middle East beset by Arab enemies. The burning of the Israeli embassy in Cairo means that Ambassador Levanon will not return to his post in a hurry, the temperature of relations with Egypt will drop from cold to frigid and Israel can forget about the resupply of natural gas.

»Already, the military junta instead of battling the terrorists at large in Sinai, including al Qaeda, has forged deals with them and left them in control of the inflammable Israeli border area…»

Le premier article insiste sur la position extrêmement “conciliante” de Netanyahou, qu’il qualifie de “politique de l’autruche”, en citant un porte-parole du gouvernement arguant du fait que la présence continue de l’ambassadeur d’Egypte à Tel Aviv montrait que les relations entre les deux pays restaient inchangées. Cet argument est assez étrange, alors qu’il n’est question, pour le cas, que d’un grave incident anti-israélien au Caire ; il montre effectivement la volonté systématique du gouvernement Netanyahou-Barak de tenter d’empêcher par tous les moyens, y compris quelques couleuvres de taille à avaler, une détérioration des relations ou, dans tous les cas, la manifestation publique des signes les plus gênants de la détérioration des relations. L’évidence se trouve dans tous les rapports des journaux, de la conférence de presse de samedi matin, du Premier ministre israélien. Aljazeera.net, par exemple, ce 10 septembre 2011 ; le Premier ministre parle du retour rapide de l’ambassadeur israélien et remercie les USA et l’Egypte (!) pour avoir permis de “désamorcer (?) la crise”…

«Binyamin Netanyahu, the Israeli prime minister, has reiterated his country's commitment to peace with Egypt, hours after a mob attacked Israel's embassy in Cairo. […] Netanyahu called Friday night's attack a “serious incident”, but said Israel will send its ambassador back to Egypt “as soon as possible”. Addressing a news conference on Saturday evening, Netanyahu also thanked the US president and Egyptian security forces for their help in defusing the embassy crisis.»

Il est vrai que le comportement habituel, ou historique, d’Israël ne semble guère servir de référence à celui de Netanyahou. Si l’on considère cette sorte de référence, en ayant soin d’écarter le jugement sur la politique israélienne elle-même, – qui était chargée des mêmes pesanteurs, suivait des orientations semblables et soulevait les mêmes critiques il y a 30 ou 40 ans et au-delà, – on observera des différences tactiques et de comportement considérables.

• Il y a 30 ans ou 40 ans, il eût été impensable qu’un incident de l’importance de celui du Caire, de vendredi, ne suscitât pas une riposte israélienne immédiate, non seulement diplomatique, mais souvent sous la forme de l’une ou l’autre action de commando, éventuellement contre une cible analogique. Quelque jugement politique ou moral qu’on porte sur cette sorte de pratiques, on observera que leur absence dans les circonstances actuelles implique effectivement de grandes différences des comportements, du point de vue des Israéliens, dans le sens qualitatif. L’on sait par ailleurs que cette différence de comportement n’empêche pas, bien au contraire, les actions d’une extrême brutalité ordonnées par les dirigeants israéliens actuels. Mais il semble qu’ils préfèrent s’en prendre aux Palestiniens, ce qui conduit justement Gédéon Lévy (le 11 septembre 2011, dans Haaretz) à observer que l’opération israélienne dite “Plomb fondu” contre Gaza, en décembre 2008-janvier 2009, est directement à l’origine des tensions actuelles : «During Hanukkah 2008, Israel attacked Gaza in Operation Cast Lead. Now it is eating the bitter fruit of that operation, which was the turning point in the attitude of the world and the region toward Israel and its belligerent and violent policies.»

• On a déjà rappelé qu’Israël a vécu pendant la moitié de son existence avec la possibilité, réalisée épisodiquement, de guerres conventionnelles majeures avec ses voisins, dont l’Egypte évidemment, – et souvent, l’ensemble probable Egypte-Jordanie-Syrie. Là encore, en écartant l’aspect politique, le fait est qu’Israël pouvait supporter ce poids psychologique sans trop de difficultés, sans parler du point de vue opérationnel. Il s’agit bien de capacités psychologiques puisque, comme l’on sait, les arguments politiques restent assez semblables entre les deux périodes, et tout autant entachés des mêmes pesanteurs et des mêmes pénalités. La différence est frappante avec la période actuelle, où le gouvernement Netanyahou semble de plus en plus faire dépendre la survie stratégique d’Israël du traité de paix avec l’Egypte (qui n’existait pas avant 1979, date jusqu’à laquelle Israël survécut sans trop de difficultés). Le comportement du gouvernement israélien le montre si ouvertement que la direction politique israélienne est en train de devenir la prisonnière paralysée et erratique de ce qu’elle tient pour la garantie suprême de sa survie. Etrange processus.

Le contraste est radical, entre la politique de force, sans le moindre scrupule ni le moindre souci de la légalité internationale et de la compassion humanitaire, qui a prévalu dans la stratégie israélienne dans la période présente (au moins, depuis 9/11), et la soudaine attitude de conciliation, voire d’“apaisement” sinon de capitulation face à la question égyptienne élargie. Cette politique est d’ailleurs complètement improvisée et sans aucune perspective, puisqu’elle doit subir des interférences du fait de ces mêmes dirigeants israéliens qui la privent des rares avantages qu’on pourrait en attendre. C'est le cas lorsque le gouvernement Netanyahou refuse les excuses et les dédommagements qui lui sont demandés, qui lui auraient permis de désamorcer l’hostilité de la Turquie ; ce comportement achève de placer Israël dans une “pince furieuse”, en raison de l’influence grandissante et galopante de la Turquie, y compris en Egypte. Les stratèges israéliens regardent-ils une carte lorsqu’ils prennent leurs décisions politiques, ne serait-ce que pour évaluer les positions respectives de la Turquie et de l’Egypte vis-à-vis de leur propre pays ? Sans doute pas, et il semblerait que la seule carte qu’ils aient regardé ces dernières années, d’ailleurs à l’imitation de leurs amis néo-conservateurs et du Lobby AIPAC de Washington, était celle de l’Iran. Qui s’intéresse à l’Iran ces temps-ci ?

L’épisode actuel ressemble, au niveau politique et de la stratégie diplomatique, à celui de juillet-août 2006, lors de la “deuxième guerre du Liban” contre le Hezbollah. A l’écroulement du mythe de l’invincibilité de Tsahal, en 2006, correspond l’actuel écroulement du mythe d’une politique israélienne inflexible et poursuivant par des moyens brutaux le but d’une sécurité israélienne offensive, voire d’une influence disproportionnée de la puissance israélienne. Dans les deux cas, l’illusion de cette puissance est en train de se dissiper à la lumière de la fragilité psychologique suscitée par une évolution corruptrice qui suit effectivement le modèle américaniste. En juillet 2006 (le 17 juillet 2006), nous avions rappelé notre thèse selon laquelle Israël était devenu, du point de vue technologique et militaire, une “annexe du Pentagone”, et qu’il en souffrait de tous les défauts. Cela ne fut pas démenti, nous semble-t-il, par la remarquable et catastrophique “contre-performance” de Tsahal, – entretemps (depuis les années 1980) rebaptisée IDF (Israel Defense Forces), – face au Hezbollah. On admettra l’hypothèse selon laquelle le même processus a eu lieu pour les forces politiques (la “politique” d’Israël durant ces années paraissant une copie conforme de la “politique de l’idéologie et de l’instinct” du système de l’américanisme) ; on est en train d’en mesurer la pénalisation en termes d'absence de courage, d’habileté, de souplesse, de solidité psychologique, toutes ces choses dont est totalement dépourvue la direction israélienne. Le gouvernement Netanyahou n’est pas plus brillant aujourd’hui face à l’Egypte affaibli et à un Erdogan malin comme un renard, que l’IDF face au Hezbollah en 2006. Tout cela duplique remarquablement les divers comportements du grand allié américaniste, dans les domaines respectivement considérés. Il y a, dans les événements actuels, une implacable logique de rangement des situations, qui prend en compte l’effondrement, sous le leadership inspiré des USA, d'un Système qui ne semble plus être efficace que dans l’organisation de la commémoration de 9/11.


Mis en ligne le 12 septembre 2011 à 05H25