Afghanistan-II : les copains d’à-bord ne restent pas inactifs

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Il y a désormais une autre face dans l’affaire afghane que la seule scène de la vertu du bloc BAO et des ambitions électorales du prophète BHO (voir cet autre Bloc-Notes du 23 juin 2011). Il s’agit des divers autres acteurs, dont le casting ne dépend pas du bloc BAO, – Karzaï, l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), les talibans et autres, voire l’Iran et le Pakistan. Et tous ceux-là, il n’est pas sûr qu’ils dansent au son du swing washingtonien.

D’abord, notons que Pepe Éscobar, sur Aljazeera.net le 22 juin 2011, confirme largement la version que nous donnait M K Bhadrakumar sur les positions respectives et coordonnées de Karzaï et de l’OCS face au scénario hollywoodien de Washington pour la narrative mise en scène par Petraeus et co-produite par l’équipe Panetta-BHO. Nous avons largement fait place à cette analyse de M K Bhadrakumar, dans notre bloc-Notes d’hier 22 juin 2011 sur le dernier blockbuster de l’administration BHO, amplement confirmée aujourd’hui, ce même 23 juin 201.

Voici une citation du texte d’Escobar sur cet aspect des choses… A noter cet intéressant et inédit détail de la conviction des gens de l’OCS, Russes et Chinois en tête, selon laquelle un Afghanistan restant sur tutelle de Washington verrait très vite l’installation de bases du réseau anti-missiles (BMDE) dans ce pays, confirmant d’une façon éclatante son aspect antirusse et antichinois. Cela explique que le sommet de l’OCS au Kazakhstan s’est permis, dans son communiqué final, de mettre gravement en question les développements récents, et à nouveau déstabilisants, du susdit BMDE en Europe. Cela explique (suite) qu’aucune puissance du bloc BAO n’avait été invitée comme observatrice du sommet, comme cela avait été fait auparavant et épisodiquement.

«And then there's the Rosebud in this “Citizen Eurasia” movie – the endless quagmire at the Afghan crossroads. Washington is on a major PR offensive trying to convince world public opinion that because NATO is “winning”, talks with the Taliban are in order.

»What next? Mullah Omar as guest of a Kabuli rice state dinner at the White House? Reality is slightly more complex. Wily Afghan President Hamid Karzai was at the SCO summit, lobbying for his country's observer status. He knows that no realistic solution for Afghanistan will come from Washington. It will have to involve the SCO. Kazakh “snow léopard” Nazarbayev actually gave the game away, when he said, “It is possible that the SCO will assume responsibility for many issues in Afghanistan after the withdrawal of coalition forces in 2014.”

»The first part of the comment is correct; not the second, because for the Pentagon abandoning Afghanistan is simply unthinkable – according to the Full Spectrum Dominance doctrine.

» Yet ask anybody in the whole arc from Central to South Asia; nobody wants permanent US military bases in Afghanistan. Apart from public opinion, this also happens to mean all members of the SCO – plus the observers. One would never find a mention of it in a SCO declaration, of course; but Beijing and Moscow are convinced that if Washington has its way in the Hindu Kush it will deploy missile defense inside Afghanistan – pointed, of course, against both Russia and China.

»So fasten your seat belts; geopolitically, China and Russia will get closer and closer all across Eurasia – no matter the PR about a US-Russia “reset”. That's the “invisible” message carried by the SCO for the immediate future; paraphrasing Pink Floyd, we don't need no intervention, we don't need no thought control. That's how Russia/China plan their long march to break the Pentagon/NATO wall.»

De son côté, notre ami M K Bhadrakumar boit du petit lait, lui qui n’a jamais caché son peu de goût pour la politique-Système d’“idéal de puissance” du bloc BAO mené par le Pentagone. Il enchaîne donc un second texte sur Atimes.com, qui suit celui d’hier que nous citions le 22 juin 2011, comme déjà signalé plus haut. Il faut dire que la nouvelle vaut son pesant de narrative hollywoodienne : un sommet entre le Pakistan, l’Afghanistan et l’Iran. Un blockbuster, un vrai… Les circonstances sont assez claires, pour relever de la plus simple des logiques politiques, sans nécessairement verser dans la complexité des explications d’un “Grand Jeu” quelconque.

«Almost directly in proportion to the nosedive in Washington's ties with its allies in Kabul and Islamabad, Iran has stepped up its political and diplomatic activity over the Afghan problem and the regional situation. Tehran estimates that the United States' relations with the Afghan and Pakistani governments have suffered a serious setback and a swift recovery is unlikely. Thus, a window of opportunity has opened for Tehran to roll back the 10-year ascendancy of the US in the geopolitics of the region. Tehran is determined not to miss the opportunity...»

Ainsi, les 25-27 mai, un sommet réunit-il à Téhéran les dirigeants iraniens, l’Afghan Karzaï et le Pakistanais Zardani, sur la question du terrorisme. Une conférence sur le même sujet à lieu à Ryad, en même temps, et les Saoudiens auraient préféré que le Pakistanais choisissent l’Arabie. Peine perdue.

M K Bhadrakumar détaille ensuite les diverses manœuvres, coups fourrés, etc., que la diplomatie militariste des USA, avec l’habituel alignement des Britanniques incapables de se dégager de leurs illusions de grandeur par “relations spéciales” interposées, et avec l’aide des Allemands dans cette occurrence, distillent sans la moindre vergogne et sans la moindre attention pour ses “alliés” afghans et pakistanais… Lesquels le sont de moins en moins, placés devant les perspectives d’un éventuel projet d'un plan de partition de l’Afghanistan qui est prêté aux USA dans cette occurrence. La réaction du sommet Téhéran devient évidente, avec l’Iran qui comprend les opportunités qui s’offrent à lui. M K Bhadrakumar y ajoute diverses initiatives autour et à partir de l’Organisation de Coopération de Shanghai, avec peut-être la perspective d’une adhésion du Pakistan et de l’Inde à l’OCS, réduisant ainsi d’autant la tension entre ces deux pays qui travaillent à l’amélioration de leurs relations. M K Bhadrakumar estime qu’on assiste aux premières manifestations d’un formidable réalignement dans la région.

«…If Afghan unity comes under serious threat, the consequences will be extremely serious for Pakistan. It will be a matter of time before the Pashtun residues spill over the Durand Line and destabilize Pakistan. Any accentuation of the ethnic fault lines or strengthening of ethnic identities in neighboring Afghanistan and Pakistan, in turn, would have serious negative repercussions for Iran (and Central Asian countries). Quite obviously, the US is overestimating its capacity to realize its “grand strategy”. The Pakistani army chief Parvez Kiani told a visiting German delegation in Rawalpindi on Monday rather bluntly that Pakistan's stability will be his first priority.

»In sum, Afghanistan, Pakistan and Iran have an existential interest to thwart the Anglo-American peace plan to directly negotiate with the Taliban behind their back. This is precisely why all three are strongly pitching for a genuinely indigenous “Afghan-led” peace process. Put differently, a realignment of the three-way relationship between Afghanistan, Pakistan and Iran will be in the interests of regional stability.

»The recent visits of the Pakistani leaders to Moscow and Beijing are being followed up with Zardari's talks this week in Tehran. Iran has shifted into a proactive mode vis-a-vis the Afghan situation, shedding its low-key, reticent approach. On his part, Karzai is also strategically defying the US by strengthening his ties with Tehran.

»How these nascent tendencies play out is worthy of a close look. They are to be seen against the broader regional backdrop which shows up many currents – the “thaw” in Russia-Pakistan relations; Russia's "return" to Afghanistan; the Shanghai Cooperation Organization's (SCO) aspirations to play a formative role in Afghanistan in the post-2014 scenario; the India-Pakistan dialogue process; India's pursuit of an independent Afghan policy with accent on equations with Karzai's government; China's growing interest in contributing to an Afghan settlement; and, finally the commencement of a process that could lead to SCO membership for India and Pakistan.

»Within hours of Obama's announcement on Wednesday regarding troop drawdown in Afghanistan, Zardari will be heading for Tehran to confabulate with Ahmadinejad; two days later Karzai also arrives in the Iranian capital. Nothing brings out more vividly the extraordinary tilt in regional politics.»

La question de la fin du conflit en Afghanistan est désormais clairement posée, même avec certains événements confirmés (discussions entre US et talibans). C’est donc une nouvelle phase qui s’ouvre dans la situation dans cette région, jusqu’ici considérée comme fixée dans une gigantesque glaciation par la présence des forces militaires US agissant essentiellement comme un facteur paralysant, et paralysant pour tenir de force une situation générale que leur présence déstructure. Le constat qui s’impose devant la perspective d’un mouvement vers la recherche de la fin du conflit est celui d’un formidable mouvement de recomposition dont le principal enjeu est la réduction de la présence et de l’influence US au mieux (pour les USA), et beaucoup plus dans ce sens si la dynamique nouvelle se développe. Les USA ont réussi ce prodige d’imposer à tous les pays de la région des conditions qui, par un biais ou par un autre, poussent ces pays à trouver leur avantage à une réduction de l’influence US. Dans ce simple constat, on trouve la sanction du formidable échec que constitue l’aventure afghane, proprement américaniste bien plus qu’occidentaliste, le rôle de l’OTAN étant réduit à celui de supplétif travaillant pour les intérêts US. Ces divers déséquilibres fonctionnent tous selon une dynamique générale que personne ne contrôle mais qui est fortement marquée d’une finalité anti-US.

L’autre aspect de la situation est la situation propre des USA, et notamment sa situation interne avec un formidable glissement du Congrès et de la population US vers une attitude de repli, sinon une attitude antiwar. Bien entendu, ce constat complète et renforce formidablement le précédent. Là aussi, une dynamique est à l’œuvre. Une puissance, jusqu’alors à prétention à une hégémonie globale, qui entame une manœuvre complexe de retrait selon une pression interne au repli et au désengagement, ne peut pas espérer des résultats renforçant ou simplement conservant l’influence qu’elle avait imposée par le seul poids de sa quincaillerie. Il ne s’agit pas là de géopolitique ni de stratégie comme on aimerait le croire pour permettre de brillants raisonnements, mais d’une simple évolution déterminée par le poids des choses, et notamment le poids réel de la force principale qui a jusqu’ici imposé la situation présente. Les USA espèrent jouer sur la division des autres, qu’ils favorisent par des manœuvres obscures et sans la moindre vergogne ; ils seraient plutôt en passe d’obtenir le résultat exactement inverse, la possibilité de parvenir à susciter une sorte d’unité générale, sinon d’“union sacrée” au moins temporaire, contre leur présence. En un mot, les autres s’arrangeraient parfaitement de faire sans eux.

...Au fait, pas un mot de l'Europe en tant que telle, pourtant bien présente par divers biais dans les péripéties d'une grotesque action militaire ? Qui s'en étonnerait, en vérité ? Ce modèle d'organisation et de gouvernance de demain (l'UE) est, aujourd'hui, un non-être de la vie des relations internationales ; ses membres nationaux, dans ce contexte, sont les zombies de l'illusion du suivisme de la narrative américaniste. Requiem In Pace, – si elle peut, l'Europe.


Mis en ligne le 23 juin 2011 à 08H29