A la recherche d’un “miracle” britannique

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A la recherche d’un “miracle” britannique

Existe-t-il un espoir que le Royaume-Uni change sa politique de servilité absolue vis-à-vis des USA ? Le 3 novembre 2014, RT (Russia Today) donne une interview de Ken Livingstone, ancien maire de Londres et connu pour ses opinions à la fois flamboyantes et presque-gauchistes, dans tous les cas de la gauche extrême du parti travailliste (Labour) dont Livingstone fait partie.

(A noter que cette interview est l’une des premières interventions de RT-réseau UK, qui vient d’être lancé à partir de bureaux et studios nouvellement installés à Londres. [Voir le 31 octobre 2014.] RT élargit très rapidement son implantation dans différents pays, dans les langues nationales, et un réseau RT français, en France, serait envisagé, ce qui constituerait une nouvelle importante du point de vue de la communication...)

Livingstone semble fonder de très sérieux espoirs dans le chef du Labour, Ed Miliband. Il précise que Miliband a joué un rôle central, et un rôle idéologique anti-US spécifique, dans le vote historique du la fin août 2013 (voir le 30 août 2013), qui a véritablement cassé les reins à l’initiative en cours de développement d’une attaque anglo-saxonne (USA + UK) contre la Syrie, enclenchant le processus d’effondrement de ce projet les 10-11 septembre 2013. Autrement dit, pour Livingstone, Ed Miliband a fait ses preuves...

«It’s time for the UK to have an independent foreign policy and stop being a cheerleader for Washington, says former London mayor, Ken Livingstone. But politicians know that posing a threat to US interests may end badly for you, he told RT. [...]

»Livingstone says one of the reasons he supports Labour leader Edward Miliband is because he is a leader who is prepared to stand up to the Tories on foreign wars, as was proven when his stance was instrumental in Cameron’s parliamentary defeat on British involvement in Syria. “If we get a Labor government, and I think we will, it's not just going to be Washington's puppet.” Livingstone believes that if a UK Prime Minster stands up to represent Britain’s interests and “not just be a cheerleader for the United States,” there will be huge public support, as people are overwhelmingly opposed to any more involvement in America's wars in the Middle East... [...]

»The front bench of the Labor Party is calling for an international peace conference and Livingstone believes that there should be an alliance, which is not seen as another stooge to the West. “That means Russia must be a key player in it, Iran should be a key player... The real problem for America is that they've been having this campaign about Ukraine and what's been happening in Eastern Ukraine, and it's very difficult then to turn to Putin and say, ‘We need your help to deal with the real evil...’”»

Si l’on répète la question “Existe-t-il un espoir que le Royaume-Uni change sa politique de servilité absolue vis-à-vis des USA ?”, il faut la compléter par celle-ci : “Mais cela importe-t-il vraiment ?” Pour nous, la chose tendrait à être un problème dépassé, qui valait quand la politique-Système n’avait pas encore subverti tout le bloc BAO comme elle le fait maintenant, cette politique-Système étant d’ailleurs, finalement, la dynamique unificatrice au profit exclusif du Système de l’ensemble occidentaliste-américaniste de ce que nous nommons “bloc BAO”, réagissant d’une façon pavlovienne aux impulsions dévastatrices de cette politique et du Système. On sait que nous apprécions aujourd’hui la situation dans une grande confrontation entre le bloc BAO et un bloc BaS (“bloc antiSystème”) en formation, où les singularités nationales, sauf des cas extrêmes comme celui de la Russie, ont une importance opérationnelle mineure. Pour autant, cet affrontement a des spécificités et des singularités extrêmement importantes, qui le différencient radicalement d’un affrontement de type courant, –«C’est dire que le cri de guerre “Tuer les BRICS” (“Kill the BRICS”) annonce moins un affrontement selon les termes habituels jusqu’à des conflits d’où pourrait sortir un vainqueur, – idéalement les BRICS ou toute autre forme de rassemblement antiSystème, – qu’une séquence ultime, essentiellement de communication parce que la communication règle la perception et tout le reste, dont le seul effet raisonnablement souhaitable est l’accélération décisive du processus d’autodestruction du Système.»

C’est dans ce contexte très spécifique que la possibilité d’un changement de la position politique UK vis-à-vis des USA pourrait tout de même avoir une certaine importance, voire une importance certaine. Il faut bien entendu que ce que nous dit Livingstone représente la réalité d’une politique travailliste anti-US possible, – et possible assez rapidement, en cas de victoire très probable du Labour aux élections du printemps 2015, en mai 2015 au plus tard. On sait que les arguments contre cette évolution sont innombrables, valables depuis des décennies, et que rien n’a jamais vraiment paru entamer. Il reste que, sur le versant positif, on notera au moins deux choses : Livingstone est un personnage un peu excentrique, mais il représente néanmoins une influence certaine dans le Labour, surtout si le Labour est dans les dispositions qu’il dit, et par conséquent ses déclarations doivent être prises au sérieux. On retiendra donc l’appréciation qu’il donne du climat régnant au sein du Labour, qui va dans le sens que lui-même, Livingstone, favorise. Le deuxième argument est bien plus concret, et prouvé : il s’agit du vote historique des Communes, absolument antiaméricaniste et anti-politique-Système, de la fin août 2013, qui a constitué un événement d’une réelle importance. Si Livingstone a raison lorsqu’il laisse entendre que Miliband l’a suscité notamment selon des convictions qui le conduisent à se dresser contre l’influence omniprésente des USA à Londres, alors il s’agit bien d’un signe convaincant qu’il existe une possibilité que le retour probable des travaillistes au pouvoir constitue effectivement la possibilité d’un changement conséquent.

Ce changement pourrait être accéléré si ce que dit Livingstone d’un projet de grande “conférence sur la paix” qui devrait comprendre la Russie et l’Iran constituait une part importante du programme d’un nouveau gouvernement travailliste. Il n’y a rien qui pourrait plus enrager la direction américaniste qu’une telle proposition, qui interfère sur plusieurs axes fondamentaux du bellicisme absolu, déstructurant et dissolvant, de la politique de l’américanisme dans le cadre défini précisément dans sa dynamique subversive de la politique-Système ; qui constitue une attaque inadmissible contre le fait même de ce bellicisme subversif, qui est l’essence même de cette politique.

Mais alors, – si l’on accepte l’hypothèse pour poursuivre la réflexion, – que vaudrait ce changement dans le contexte qu’on a vu plus haut, où nous considérons que les anciennes données politiques fondamentales (notamment la question de l’asservissement aux USA qui pourrait être mis en cause dans ce cas) n’ont plus du tout l’importance qu’elles avaient ? Il vaudrait effectivement selon la circonstance résumée par l’expression “discorde chez l’ennemi”. Une “dissidence” britannique constituerait pour Washington, selon les habitudes presque centenaires de la politique américaniste de l’asservissement britannique, une très forte déstabilisation psychologique autant que politique, tant l’axe Washington-Londres constitue la poutre centrale symbolique et de communication de la politique américaniste qui est le principal apport à la politique-Système. Il s’agit là d’une circonstance paradoxale. Il est vrai que, pour Washington, l’asservissement aveugle du Royaume-Uni est tenu pour acquis et souvent accompagné d’un grand mépris pour le Royaume-Uni du type qu’on a pour les serviteurs, y compris pour son apport matériel et notamment militaire ; on pourrait alors croire que l’asservissement-UK est tenu pour négligeable, et que sa perte ne serait pas une grande perte. Mais nous pensons que ce ne serait pas du tout le cas. Si cet asservissement venait à faillir, il s’agirait, surtout du point de vue psychologique, d’un coup terrible pour l’hybris de l’américanisme et sa croyance quasi-hystérique dans la toute-puissance de son influence, – et quel pays n’est plus l’illustration de cette influence que le Royaume-Uni ? Alors, effectivement, il s’agirait d’un cas aigu, sans doute le plus grave possible, de “discorde chez l’ennemi”, qui pourrait jouer un rôle majeur dans la déstabilisation du bloc BAO, dans les conditions qu’on a rappelée plus haut avec le “bloc BaS”, et dans la dynamique de transmutation du Système de la surpuissance en autodestruction.

Bien, il ne s’agit que d’une hypothèse, et venu d’un personnage qui est aussi un original dans le courant de la norme travailliste. Mais une hypothèse reste une hypothèse avec la possibilité d’être vérifiée et l’original peut aussi bien faire jaillir une vérité cachée que développer des thèses complètement irréalistes. Quoi qu’il en soit, l’hypothèse reste paradoxale : qu’on puisse envisager qu’une défection anti-US vienne en Europe du Royaume-Uni et non de la France, dont l’alignement sur le conformisme-Système et américaniste atteint aujourd’hui une intensité prodigieuse, voilà la marque d’une bien étrange époque.


Mis en ligne le 4 novembre 2014 à 07H19