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Article : Une cible sublime : le Progrès

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La science malgré tout

jc

  13/11/2022

Thom : "(...) si la science progresse, c'est en quelque sorte par définition. Alors que l'art et la philosophie ne progressent pas nécessairement, une discipline qui ne peut que progresser est dite scientifique. De là on conclura que le progrès scientifique, s'il est inévitable, ne peut être le plus souvent qu'illusoire. " (1968, La science malgré tout…)

En attendant Godot

jc

  13/11/2022

En attendant Godot on a ça :

Pozzo (alias ceux qui détiennent le bâton (1) et la carotte) :

"Pense! Porc!".

Lucky (alias l'armée de blouses blanches systématiquement médiatisés devant un dorénavant sacro-saint ordinateur, progrès oblige) : ... (2)

Asservissemment volontaire dans l'espoir de récupérer des miettes du bâton et de la carotte ?

1 : bâton désormais de feu (comme disaient, paraît-il les amérindiens), progrès oblige.

2 : file:///tmp/mozilla_jc0/Du%20Discours%20de%20la%20servitude%20volontaire%20%C3%A0%20la%20tirade%20de%20Lucky%20dans%20En%20attendant%20Godot.pdf

Progrès de la science moderne face à l'évolution naturelle

jc

  13/11/2022

J'aime bien cette idée que, comme nous, la métahistoire respire. Inspiration/expiration, tension/relâchement, progrès/régrès, etc., Cette idée -thomienne- me plait que quelque soit le substrat les dynamiques d'évolution sont fondamentalement les mêmes, où on retrouve partout ce balancement yin/yang cher à la médecine chinoise.

De ce point de vue analogique cher à mon gourou Thom, je vois le progressisme actuel comme étant à la sociologie ce que le priapisme est à la médecine : une urgence chirurgicale (au delà de quatre heures selon les médecins). Si on place le début du progrès moderne au moment du choix du feu au début du XIXème siècle, on a alors par analogie un priapisme social qui dure grosso modo depuis maintenant deux siècles (trois si on le débute aux "Lumières", quatre si on le débute à la coupure galiléenne (1).

Thom a écrit (autour de 1970) un article intitulé "Sur le problème de l'innovation", article qui figurait dans le thésaurus des versions papier de l'EU (on notera qu'il n'a pas utilisé le mot progrès -il s'en est très certainement bien gardé!-. J'ai souvent cité ici la fin de cet article (article pour moi difficile, comme tous les textes de Thom). Je le fais une fois encore, en commençant par la dernière phrase, resituée ensuite dans son contexte (2):

"Sinon, si nous continuons à priser par-dessus tout l'efficacité technologique, les inévitables corrections à l'équilibre entre l'homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophiques.".

Je rappelle à ce propos qu'il y a pour Thom une complète inversion entre le progrès technologique moderne et l'évolution naturelle, inversion illustrée par l'épigraphe suivant d'un chapitre de "Stabilité Structurelle et Morphogenèse", chapitre intitulé "Modèles globaux pour un être vivant" :

"Le mécanisme de n'importe quelle machine, telle une montre, est toujours construit d'une manière centripète, c'est-à-dire que toutes les parties de la montre -aiguilles, ressorts, roues- doivent être achevées pour être ensuite montées sur un support commun. Tout au contraire, la croissance d'un animal, comme le Triton, est toujours organisée de manière centrifuge à partir de son germe; d'abord gastrula, il s'enrichit ensuite de nouveaux bourgeons qui évoluent en organes différenciés. Dans les deux cas il existe un plan de construction; dans la montre, il régit un processus centripète, chez le triton un processus centrifuge. Selon le plan, les parties s'assemblent en vertu de principes entièrement opposés.". (J.V. Uexkull, Théorie de la signification)

Est-ce la technique qui nous asservit dangeureusement ou, comme le pense Jacques Ellul (3), seulement le sacré transféré de la Nature à la Technique ?


1 : Thom :  "(...) Les Philosophes ont abandonné aux savants la Phusis et se sont repliés dans la forteresse de la subjectivité. Il leur faut réapprendre la leçon des Présocratiques, rouvrir les yeux grands sur le monde, et ne pas se laisser impressionner par l'expertise souvent dérisoire d'insignifiance de l'expérimentateur. Inversement la science doit réapprendre à penser.".

2 :  "Décourager l'innovation

Les sociologues et les politologues modernes ont beaucoup insisté sur l'importance de l'innovation dans nos sociétés. On y voit l'indispensable moteur du progrès et -actuellement [années 1980]- le remède quasi-magique à la crise économique présente; les "élites novatrices" seraient le cœur même des nations, leur plus sûr garant d'efficacité dans le monde compétitif où nous vivons. Nous nous permettrons de soulever ici une question. Il est maintenant pratiquement admis que la croissance (de la population et de la production) ne peut être continuée car les ressources du globe terrestre approchent de la saturation. Une humanité consciente d'elle-même s'efforcerait d'atteindre au plus vite le régime stationnaire (croissance zéro) où la population maintenue constante en nombre trouverait, dans la production des biens issus des énergies renouvelables, exactement de quoi satisfaire ses besoins: l'humanité reviendrait ainsi, à l'échelle globale, au principe de maintes sociétés primitives qui ont pu -grâce, par exemple à un système matrimonial contraignant- vivre en équilibre avec les ressources écologiques de leur territoire (les sociétés froides de Lévi-Strauss). Or toute innovation, dans la mesure où elle a un impact social, est par essence déstabilisatrice; en pareil cas, progrès équivaut à déséquilibre. Dans une société en croissance, un tel déséquilibre peut facilement être compensé par une innovation meilleure qui supplante l'ancienne. On voit donc que notre société, si elle avait la lucidité qu'exige sa propre situation, devrait décourager l'innovation. Au lieu d'offrir aux innovateurs une "rente" que justifierait le progrès apporté par la découverte, notre économie devrait tendre à décourager l'innovation ou, en tout cas, ne la tolérer que si elle peut à long terme être sans impact sur la société (disons, par exemple, comme une création artistique qui n'apporterait qu'une satisfaction esthétique éphémère -à l'inverse des innovations technologiques, qui, elles, accroissent durablement l'emprise de l'homme sur l'environnement-). Peut-être une nouvelle forme de sensibilité apparaîtra-t-elle qui favorisera cette nouvelle direction? Sinon, si nous continuons à priser par-dessus tout l'efficacité technologique, les inévitables corrections à l'équilibre entre l'homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophiques." .

3 : " Ce n'est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique.".
 

états de service de la flotte d'avions US - rapport GAO

Nicolas

  14/11/2022

Je ne trouve pas d'article résent qui nous entretienne des déboires du F-35 qui aurait été approprié pour poster ce commentaire, alors un article sur le progrès fera l'affaire, et notamment sur le progrès technique de la flotte d'avions de guerre US.
Rapport éloquent du GAO sur les 10 dernières années, décrypté sur le site de Larry Johnson sonar21.com : 
https://www.gao.gov/products/gao-23-106217
accès direct au résumé de 2 pages sur ce lien : 
https://www.gao.gov/assets/gao-23-106217-highlights.pdf

Seuls 4 avions sur 49 ont atteint leur objectif de mission sur la majorité des années (c'est à dire 6 ou 7 années sur 11 de revue).
26 n'ont jamais atteint leur objectif, aucune année! (dont bien sur le F35, quelle surprise de le retrouver dans le peloton de tête, mais pardon, le F35C a réussi 2 années sur les 9 de revue). 
Et les problèmes sont en bonne voie de correction puisqu'en 2021, seuls 2 avions sur 49 ont atteint leur objectif. 

Je ne pense pas que les russes publient ce genre de document, sur l'état de leur flotte, ce serait stupide, mais c'est dommage, on ne peut pas comparer. 
Ou alors, c'est une superbe opération de désinformation (maskirovka?) US pour faire croire qu'ils sont dans un état pitoyable, alors que tout leur matériel est fin prêt, pour surgir comme un ninja stealth et fondre sur les armées russes et les déboulonner en 24h. 

Bref, j'arrête là l'ironie, je trouvais cela intéressant à partager avec les lecteurs de Dedefensa. 

Nicolas.

 

Progrès de la science moderne face à l'évolution naturelle.1

jc

  15/11/2022

Dans son article du 31 mai dernier, intitulé Poutine, civilisation et progrès (1), PhG citait encore une fois l’historien de la littérature Daniel Vouga "qui observait ceci qui nous surprendrait en temps courant, qui est l’emploi laudatif du concept de “progrès” chez Maistre et chez Baudelaire, qui semblerait une contradiction impossible pour ces deux penseurs antimodernes par excellence ; et il commentait, rétablissant ainsi le sens fondamental du concept, « le seul progrès possible » qui est celui de “progresser dans la hauteur”, essentiellement dans notre époque d’inversion en usant des leçons de la sagesse et de la transcendance du passé :

    «Progresser, pour eux, ce n’est pas avancer, ni conquérir, mais revenir et retrouver… [...] Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l’Unité perdue… » .

J'avais "évidemment" en tête cette citation lors de mes commentaires précédents mais je n'arrivais pas à la placer car le progrès y a plutôt le sens de regret et/ou de régrès. C'est encore une fois ma citation thomienne favorite qui me tire d'embarras :

"Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme [des espèces, c'est moi qui rajoute] et des sociétés.",

la Tradition primordiale étant à l'évolution des sociétés humaines ce que la lignée germinale est à l'évolution de notre espèce.

En sacralisant la Technique au lieu de la Nature (Ellul), notre civilisation a morphé " en  contre-civilisation, perdant en route sa lignée germinale…

1 :  https://www.dedefensa.org/article/poutine-civilisation-progres 5740 vues 31/05/2022  (5740 consultations à ce jour)

 

Progrès de la science moderne face à l'évolution naturelle.2

jc

  20/11/2022

J'ai terminé mon .1 par :

"En sacralisant la Technique au lieu de la Nature (Ellul), notre civilisation a morphé " en  contre-civilisation, perdant en route sa lignée germinale…".

L'ennui est que le néo-darwinisme est l'idéologie officielle de "notre" contre-civilisation, idéologie dont le dogme central est l'existence d'une barrière entre soma et germen (barrière de Weismann).

Donc, par analogie, l'ennui est qu'il y a une barrière entre peuple et élite, élite censée être issue de cette lignée germinale.

Jusqu'à quand cette barrière tiendra-t-elle ?