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Article : Retour sur Katyn 2010: le geste de Vladimir Poutine

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Tusk et non Kaczyński! Mea maxima culpa

Christian Steiner

  25/12/2010

Le fond de mon billet était consacré au geste et à ce que racontait Eric Hoesli de celui de Poutine, et c’est ce qui m’intéressait. Et donc j’y ai fait une erreur, de taille ! (N’est effectivement pas journaliste qui veut (un point pour les huit journalistes en colère), et je n’ai pas cette prétention du tout, mais en commentant l’actualité, j’y ai commis une erreur qui, je l’espère, ne change rien au propos, même s’il peut sembler atténuer sa force.)

Voici l’erreur : quand Eric Hoesli raconte que Poutine, sur les lieux du crash, relève le premier ministre polonais, il ne spécifie pas le nom du premier ministre polonais, et c’est moi qui est assumé, sur la base de mauvais souvenirs, qu’il s’agissait de Jaroslaw Kaczyński (et l’ai ainsi rajouté entre crochet). Or il s’agissait de Donald Tusk, premier ministre en fonction, et non plus Jaroslaw Kaczyński, qui avait perdu cette fonction quelque temps auparavant (Jaroslaw fut premier ministre de juillet 2006 à novembre 2007, Donald Tusk est premier ministre depuis septembre 2007).

Pour me faire pardonner (et faire ce minimum de travail de vérification que j’aurais dû faire auparavant), voici le lien vers une vidéo de l’AFP montrant Poutine et Donald Tusk sur les lieux du crash, le soir du 10 avril 2010 (sans avoir la prétention ni les compétences pour dire si c’est celle qui a, comme le raconte M. Hoesli, tourné en boucle sur la télévision polonaise) : 
http://videos.leparisien.fr/video/iLyROoafv1Zc.html

Sur Euronews, on apprend que Jaroslaw Kaczyński était également bel et bien présent à ce moment décrit par Eric Hoesli, accompagnant Donald Tusk et Vladimir Poutine :
http://fr.euronews.net/2010/04/11/recueillement-et-enquete-a-smolensk/

Sur le site du Courrier international :
http://www.courrierinternational.com/article/2010/04/12/la-reconciliation-par-le-drame

(Vidéo de la cérémonie de commémoration officielle de Katyn, avec les deux premiers ministres, polonais et russe, le 7 avril 2010 (Gazeta.pl) :
http://de-la-vie-a-la-vie.over-blog.com/article-katyn-smolensk-7-avril-2010-10-avril-2010-48404014.html
La même cérémonie couverte par Libération
http://www.liberation.fr/monde/0101629021-poutine-et-tusk-a-katyn-70-ans-apres-le-massacre-des-officiers

L'information entre deux abîmes.

Ilker de Paris

  26/12/2010

@ Christian Steiner, bonjour

Concernant la presse ou plus généralement les médias d’information français (et occidentaux si on peut généraliser ?), je ne connais pas leur histoire, étaient-ils, comme aujourd’hui, aussi alignés sur les pouvoirs (économiques, politiques) dominants, en faisaient-ils la propagande ?

En tout cas, aujourd’hui c’est ce qui se passe et leur perte de crédit, de légitimité vient du fait que cet alignement passe de plus en plus mal dans la population, vivant des souffrances que ce système a engendrées (précarité, peur de l’avenir, sentiment de désappropriation de leur vie etc)

Des exemples parmi d’autres, de cette perte de légitimité,  lu dans le “monde diplomatique” à propos d’une gaffe de Bernard-Henri Lévy :

“Bernard-Henri Lévy préside le conseil de surveillance d’Arte, il est membre du conseil de surveillance du Monde, il est actionnaire de Libération, il dispose d’une chronique hebdomadaire dans Le Point. Et la célébration du vingtième anniversaire de sa revue, La Règle du Jeu, que presque personne ne lit, a néanmoins donné lieu à une réception extravagante à laquelle ont accouru la plupart des responsables des grands médias. La dégradation du crédit de la presse est-elle tout à fait étrangère à la surface médiatique qu’occupe, quoi qu’il advienne, quoi qu’elle fasse, une personnalité au crédit à ce point frelaté ?”

http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-12-24-Nouvelle-anerie-de-BHL?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+monde-diplomatique%2Frss+%28Le+Monde+diplomatique%29

Sur le blog de Bernard Maris, à propos de Wikileaks :

“Comme ça les agace, tous ces puissants, ces Védrine, ces Volfowitz et tous ces « experts » ou « intellos » dont la pseudo-science est simplement faite de mystère et de magie, de ne pouvoir parfaitement manipuler l’information, qu’elle ne puisse passer par eux ou leurs journalistes apointés.”

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/blog/b/blog.php?id=12

Les médias généralistes souffrent de n’avoir plus le monopole de la médiatisation de l’information, la concurrence introduit par Internet où le contenu répond plus à l’attente du public, se traduit par la perte de ce même public pour les premiers, et donc par des pertes financières, d’où la contrainte de changer de cap et développer une information plus proche de la réalité du public.

Mais la “réalité du public” ne signifie pas que la vérité s’y trouve, cette réalité peut-être conjoncturelle, si bien que les médias généralistes se trompent (et trompent) encore et font dans le populisme. Ainsi, soit ils sont des valets des gens, des structures de pouvoir, soit ils jouent les populistes.

Que les médias généralistes voient en leur discrédit, un “danger pour la démocratie”, est comique. En fait, en tant que relais des positions politiques officielles, ce sont eux qui, aujourd’hui, sont des dangers pour la démocratie, car ils soutiennent ce qui la délite (système financier oppressant, écologie menacée, guerres d’intérêts illégales etc).

Ainsi, le documentaire “main basse sur l’info” (déjà le titre renvoie à une interprétation de l’information comme monopole), est contradictoire, il dénonce par-ci ce qu’il pratique par-là.

Si les médias généralistes restent des lieux de propagande pour les puissants ou deviennent des machines populistes, ils sont condamnés par leur contradiction - ce que je crois.

Regard parfaitement subjectif

Christian Steiner

  27/12/2010

@ Ilker

« je ne connais par leur histoire… » (celle de la presse « classique »)

Moi non plus ! Ce n’est pas du tout mon domaine professionnel.

Si l’on peut très rapidement se mettre d’accord sur la situation présente, que vous me semblez saisir et analyser mieux que moi dans ces détails (perte de crédibilité du journalisme mainstream, perte d’autonomie et d’indépendance, copinage déontologiquement insupportable, ingérence de plus en plus grossière (et inefficace ?) de réseaux style néocons, décalage grandissant jusqu’à devenir complet avec la vérité vécue par la plupart des gens etc.), comment on est on arrivé là ?

Tout ce que je peux vous proposer, c’est une simple perception subjective de l’évolution de la chose, telle que je l’ai vécue en « citoyen lambada » depuis 20 à 25 ans (et ce de l’autre côté du Jura par rapport à vous)

J’aurais tendance à faire, en ce qui concerne les médias,  un changement d’époque autour de 1989 (chute du mur) et 1991 (première guerre du Golfe et chute de l’URSS) (j’avais 22 ans puis 24 ans). Autour de ces dates, on est passé d’une presse marquée par une pluralité d’opinion concurrentes, dont on savait pour qui elles roulaient (droite, gauche, gauche démocratique, gauche révolutionnaire, non alignés, etc.), avec des problèmes et enjeux assez clairement posés, avec un caractère et un sens de l’action collective assez clair lui aussi, et une action politique qui semblait correspondre à mesure (peu importe là le fond du problème ou dans quel sens l’action était dirigée, ce qui importe est l’existence d’un sens et d’un sentiment collectif, et de la perception d’une action politique possible),
à une presse de plus en plus monolithique, sans couleur, grise, fade, incapable de poser les enjeux à leur juste mesure ou de comprendre les événements du monde aussi bien que l’évolution dans nos pays, et avec le sentiment diffus et malsain de ne pas savoir où l’on allait. Ce sentiment de ne pas avoir d’interlocuteur valable en face (dans la presse, quel soit d’analyse politique, culturelle, économique, militante etc.) capable de parler d’autre chose que du triomphe de l’économie ultralibérale est devenu de plus en plus pénible, créant un sentiment de solitude, d’isolement, de désarroi ou alors de cynisme (au sens vulgaire) le plus total…

Je nuancerais en disant (toujours sur la base de souvenirs personnels), qu’il y a eut une espèce de période transitoire, entre 1990 et 1995 grosso modo, qui était une période d’hébétude ou d’euphorie infondée, mais où la presse (au sens large) avait encore une certaine qualité dans le sens où elle essayait encore de saisir les problèmes et de les analyser. Je me rappelle d’un livre, « Jihad versus McWorld. Mondialisation et intégrisme contre la démocratie » (Benjamin R. Barber, 1995, Times Book : New-York, 1996, Desclée de Brouwer), dont le sous-titre indique à lui seul que l’on renvoyait dos à dos une solide critique de la globalisation clintonienne et les réactions communautaristes à cette globalisation, pour essayer une « troisième voie », et un livre pareil faisait l’objet de recensions notables dans la presse française, et le sujet était traité par la presse. Mais tout ceci a ensuite rapidement disparu des écrans radars de la presse.

(Je citerai encore deux travaux journalistiques un peu plus tardifs, qui m’ont marqué. Ce sont deux reportages fait pour la télévision et effectivement diffusé sur la chaîne nationale suisse, entre 2001 et 2002, sur la première guerre du Golfe, 10 ans après les faits certes, mais qui me semble presque être les derniers de leur genre à ce jour pour leur travail correct. Il s’agit de « Images inconnues : Les marines dans la Guerre du Golfe » (Daniel Costelle et Isabelle Clarke, FR3/INA/Lobster films, 2000), et de « Les dessous de la guerre du Golfe » (Hidden wars of Desert Storm, de A. Brohy et G. Ungermann, Free-Will Productions, USA, 2001). Pour avoir revisionné hier une demi-heure du second de ces films, j’ai l’impression que ce sont des films qui ne passeraient plus aujourd’hui à la télévision : ces travaux objectifs et étayés, contextualités, « classiques » (on n’est pas du tout dans du Michael Moore) paraissent bizarrement dater d’une autre époque (ce, 8 ans seulement après…)

Mais les faits que ces films résumaient en 2000 étaient déjà connus du publique un tant soit peu attentif, parce que la presse classique en rendaient encore compte dans le milieu des années 90. Ainsi, sur ce sujet, on savait que les Etats-Unis avaient utilisé assez massivement, en Irak en 91, des munitions à l’uranium appauvri (manière de recycler les déchets nucléaires et le matériel issu du désarmement partiel des arsenaux nucléaire), on savait les dégâts immense à la population irakienne lors de l’embargo qui a suivit la guerre, l’hypocrisie insoutenable de cet embargo (dans un pays dont on avait ruiné toute l’infrastructure civile, une infrastructure qui était à la hauteur de celle de nos pays, dans un pays qu’on avait pollué à l’uranium avec toutes les conséquences là à nouveau sur la population civile etc.), on savait les maladies et séquelles des vétérans de guerre américains dus aux conséquences de ces mêmes destructions et usages de munitions DU (depleted uranium). Et voilà qu’au Kosovo, en 1998, on avait remis ça avec les munitions à l’uranium appauvri. Dans ma profession, des collègues travaillaient pour l’ONU afin de cartographier les zones polluées à l’uranium en ex-Yougoslavie suite aux bombardements de l’OTAN.

Pourquoi mon insistance, toute personnele, sur ces munitions à l’uranium ? Parce que je suis d’une génération qui était astreinte au service militaire, que je l’ai effectué avant la chute du mur de Berlin, alors que la guerre Iran Irak (1980-1988) et celle d’Afghanistan première du nom (1979-1989) était encore en cours, qu’on venait d’installer les Pershing II atomique en RFA, et surtout que nous-même étions drillé à résister à l’avancée des « hordes » de chars du Pacte de Varsovie qui devaient débouler dans les plaines de l’Europe de l’Ouest (tel était le scénario en vigueur), avec toutes les probabilités de bombardement chimique et d’usage possible d’armes nucléaires tactiques et stratégiques, et nous qui devions faire office de « chair à canon »… Cela peut sembler maintenant exagéré, mais c’est ce que nous vivions.

Alors quand, une fois l’URSS neutralisée puis disparue, les USA, en 1991 puis en 1998 (et je ne parle même pas d’après), firent un usage aussi « léger » et inconséquent d’une chose que nous avions appris à connaître comme la plus redoutable et que nous n’envisagions que dans le cas d’une guerre totale avec l’URSS (la chose atomique), quand nous apprenions que la guerre du Golfe avait largué un tonnage de bombe, en moyenne mensuelle, supérieure à celle de la seconde guerre mondiale (qui restait pour nous LA référence), contre un pays qui ne semblait pas représenter de danger particulier comparé à l’URSS ou l’Allemagne nazie et pour être suivi par un embargo de dix ans sur une population souffrante… nous ne comprenions plus grand-chose. Et la presse ne répondait pas à la question.

C’est ça que les journaux, la presse, les intellectuels ne parvenaient pas à expliquer : cette différence entre la réputation/l’image des USA (le modèle), et leur comportement sur le terrain (incompréhensible de brutalité inutile). Si les coups tordus semblaient « excusables » dans le cadre de la confrontation avec l’URSS, pourquoi ces coups tordus, manipulations, mensonges, tricheries, « raisons d’état » etc. continuaient-ils alors que l’URSS avait disparu ? Contre qui les USA se battaient-ils donc ?

(Quand on rajoute la crise asiatique de 1997-1998, déclenchée par une attaque spéculative de la part des meilleurs représentants de Wall Street contre les devises des Tigres asiatiques, on rajoute à cette interrogation une autre interrogation sur le comportement économique des USA, ce comportement économique qui était à l’époque triomphant et censé être le meilleure de la civilisation et l’exemple à suivre… Pourquoi donc ruiner ces pays qui étaient les exemples mêmes des pays (des seuls pays !) qui avaient réussi un développement économique qui les avait hissé au rang des pays occidentaux (exemple repris dans toutes les hautes écoles commerciales pour justifier du bien fondé du système) ?

Le monde marchait littéralement sur la tête, et peu de journalistes savaient quoi en faire… Par quelle grille de lecture remplacer celle de la guerre froide, de la géopolitique classique et du développement du tiers monde ?

Il fallait pour cela prendre beaucoup plus de recul, et entamer une critique radicale de notre civilisation entière (façon dedefensa, entre autres). Cela ne s’est pas fait dans la presse classique, cela été fait, parce que c’était une exigence de sens, là où cela était possible, en l’occurrence sur Internet.

Tout ceci n’est qu’un exemple, l’exemple de ce qui m’a touché personnellement, et chacun peut y aller de son histoire. Et quand ce genre de hiatus, de grand écart entre la réalité vécue des gens et l’incapacité à la dire et à en faire sens de la part des médias s’accumule, ces derniers (médias, intellectuels, politiques) finissent immanquablement par perdre leur crédibilité.

Ceci dit, j’ai aussi la furieuse impression que la presse « classique » a été attaquée et déstructurée par le néolibéralisme et la globalisation des années 90 (une des dynamique du « moderne »), les professionnels dévalorisés et précarisés, au même titre que le reste de la société, la paysannerie, l’éducation supérieure, la « culture » (devenue « industrie » culturelle comme l’investissement est devenu « industrie financière » bonne à spéculer uniquement), les services publiques etc. etc. En même tant qu’elle devait se reconstruire une grille de lecture propre à rendre compte de l’évolution incompréhensible des années 90 et 2000 (à moins de gober la légende dorée de l’américanisme et du capitalisme), les journalistes se sont donc trouvé fragilisé par le changement de modèle de financement des journaux, les convergence entre groupe de presse, l’arrivée des « journaux » gratuit, la rationalisation, la libéralisation, les opérations monopolistiques, l’arrivée des nouvelles technologies de l’information, les convergence technologiques (les journalistes shiva), la domination des images et leur influence émotionnelles, la rapidité de diffusion de « l’information » etc. etc.

(Il est encore un facteur dont je me rappelle, qui est symptomatique de l’évolution depuis les années 90, qui est celle de la disparition des correspondants étrangers. C’était étrange : en pleine mondialisation (donc augmentation des échanges de toute sorte à travers le globe), au moment où l’on était censé avoir le plus de contact avec des gens d’autre villes, d’autres pays, d’autres cultures, on a économisé sur les postes des journalistes qui connaissaient le mieux ces autres pays… (l’ineptie avancée pour « rationnaliser » ces postes étant que dans ce grand village mondial en paix et serein, tout le monde allait finir par se ressembler). En Suisse, le dernier des grands correspondants étrangers des chaînes nationales, Georges Baumgartner (qui est resté à son poste au Japon en se finançant lui-même, confinant parfois au bénévolat), est devenu une star locale…

J’ai donc l’impression que c’est moins la concurrence d’Internet et les éventuelles consécutives perte de financement de la presse traditionnelle, comme vous le dites, que l’ensemble des ces phénomènes (absence de grille de lecture adéquate suite à la fin de la guerre froide, incompréhension des dynamiques en cours, déstructuration par le néolibéralisme et consécutivement : rationalisation, resserrement des budgets et baisse de la qualité etc.) qui a causé la désaffectation de la presse traditionnelle et par suite aggravé leur situation financière… Internet n’a pas été là le facteur déclenchant de toute cette évolution. Il a été d’une part une arme de rationalisation de la presse par la logique néolibérale, d’autre part un espace où a pu s’exprimer ce que la presse classique ne pouvait plus exprimer.

P.S.
Vœux de prompt rétablissement à dedefensa.org

Par quoi sont "possédés" les médias?

Christian Steiner

  28/12/2010

@ Laurent Julliard :

Quand j’écrivais « la presse “classique” a été attaquée et déstructurée par le néolibéralisme et la globalisation des années 90 », je faisais bien référence au genre de choses sur lequel vous pointez (http://socio13.wordpress.com/2010/03/30/qui-possede-les-medias/ et http://www.acrimed.org/article2189.html).

Cela n’empêche pas, lorsque on se demande comment et pourquoi on en est arrivé à la situation présente (caractérisée par ce que vous dites : « [qui] ne répond plus qu’a une logique financiere » « technocrate obsede par la rentabilite a court terme »), de constater que cette « attaque » néolibérale des années 90 a été simultanée (hasard des choses) avec :

1) la nécessité de retrouver une interprétation « haute » de la situation du monde (et de nous pris dans ce monde) après la fin de la guerre froide (pourquoi cette « fuite vers l’avant » du système US et du système moderne, direction le gouffre ?) ; chose que la presse avait commencer à faire jusque dans le milieu des années 90, avant d’être passée à la moulinette néolibérale (concentration, précarisation etc.), ce qui a mis un terme définitif à cette tentative de recherche de sens ou d’adéquation avec ce que les gens vivent ;

2) avec l’arrivée d’Internet, qui a servit à la fois au Système d’arme pour rationnaliser et dominer encore plus les médias (concentrer dans les mêmes mains du pouvoir d’argent), et à la fois de lieu de refuge pour cette tentative d’interprétation de la réalité, ou de recherche de vérité – ce qui est une exigence de santé…

Enchaînement mécanique

Ilker de Paris

  30/12/2010

@Christian Steiner,

Oui, il n y a certainement pas préméditation ou complot (à utiliser les “droits de l’homme” comme instrument de domination) mais enchaînement mécanique (en passant d’un monde essentiellement bipolaire, à un monde multipolaire, on n’a pas abandonné les conceptions suprématistes c’est-à-dire hégémoniques des rapports avec les autres) c’est ce que je voulais dire.

Stéphane Hessel, la résistance et la poésie (de 1917 à 2011...)

Christian Steiner

  03/01/2011

Il est parfois bon d’écouter une voix, que cela soit par écrit ou par oral. Ici, c’est par oral. Il s’agit de Stéphane Hessel (mentionné par Ilker), qui s’exprime, à 93 ans, sur les ondes de la Radio Suisse Romande, le 4 juillet 2010 (LIEN : http://www.rsr.ch/#/la-1ere/programmes/haute-definition/?date=04-07-2010).

(Stéphane Hessel (http://fr.wikipedia.org/wiki/St%C3%A9phane_Hessel) : Né allemand en 1917, il choisira de Gaulle et la Résistance (formé comme navigateur sur bombardier, il sera agent de liaison dès 1942), sera déporté (juillet 44), participera à la rédaction de la Déclaration universelles des Droits de l’Homme (ONU, 1948), fera une carrière de diplomate pour la France de 1945 à 1985 (essentiellement l’Asie, au moments les plus cruciaux), puis nommé ambassadeur par François Mitterrand (1981). Il rédigera encore un rapport commandé par Michel Rocard : « Les Relations de la France avec les pays en développement » (1990) ; membre cofondateur du « Collegium international éthique, politique et scientifique » (2002), qui proposera à la prochaine session de l’ONU une Déclaration universelle d’interdépendance [http://www.collegium-international.net/?p=12&lang=fr] etc. etc., et, last but non least, grand amateur de poésie « devant l’Eternel » comme l’on dit. Il est aussi auteur, entre autres, de « Ô ma mémoire: la poésie, ma nécessité » (Seuil, 2006), une “autobiographie” par le biais de ses poèmes préférés ; « Danse avec le siècle », (Seuil 1997), « Dix pas dans le nouveau siècle » (Seuil, 2002), « Citoyen sans frontières », conversations avec Jean-Michel Helvig (Fayard 2010).

L’interview dure 15 minutes. Ca commence très fort, et tout est dit en deux minutes :

Stéphane Hessel : « Il y a de bonnes raisons de continuer à résister à tout ce qui nous indigne dans la situation actuelle du monde » (1’00)

Journaliste (Manuela Salvi) : « comment jugez-vous notre société aujourd’hui ? »

Stéphane Hessel : « je suis très très exaspéré par le fait que nous disposons de moyens considérables, et nous avons probablement des moyens scientifiques, des moyens économiques plus forts qu’aucune génération qui nous a précédé. Au lieu de les utiliser pour faire face à des défis que nous allons définir ensemble, au lieu des les utiliser pour rendre la société plus conforme aux valeurs fondamentales qui sont les notre, nous gaspillons les ressources, nous utilisons la violence pour résoudre des problèmes que la violence ne peut pas résoudre. Bref, cette société marche mal, elle marche cul par-dessus tête, et il faut véritablement essayer d’observer tout ce qui ne va pas pour voir ce qu’on peut faire pour que ça aille mieux. » (1’22)

Puis sur la résistance (et pas celle de 40-45) : « Rien n’est plus grave que l’indifférence : “Oui, les choses vont mal, mais qu’est-ce que j’y peut ? Laissons faire, je me débrouillerais toujours”. Ça, c’est l’attitude de gens qui ne vivent pas leur humanité profonde. Cette humanité profonde n’existe pour chacun d’entre nous que lorsque nous nous engageons pour que les défis qui sont là devant nous puissent être confrontés » (2’30-3’00)

Il reste quelque chose à dire, sur la poésie (12’14-13’30) :

« Je pense que la poésie est l’une des fonctions de l’esprit qui dépasse le commandement. La parole est faite pour commander, pour organiser, pour diriger, et nous en avons besoin. Mais nous devons pouvoir nous évader un peu de ce qui apparaît comme un carcan étroit. C’est l’appel à cet imaginaire qui peut être une stimulation pour ne pas s’en tenir à ce qui paraît irréfutable, indépassable et aller vers quelque chose de plus élevé dans l’esprit. Je me réfère par exemple à quelque vers d’Apollinaire qui a dit :

“Nous voulons explorer la bonté, contrée énorme où tout se tait.
Il y a aussi le temps, qu’on peut chasser ou faire revenir.
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières de l’illimité et de l’avenir”.

Voilà des vers qui me touchent beaucoup, que j’essaye de retenir dans ma mémoire. »

P.S. Allez voir l’intégralité du poème d’Apollinaire, intitulé « La jolie rousse » (in : Calligramme, 1918). On y trouve aussi la voix de Jacques Duby qui le récite :
http://wheatoncollege.edu/academic/academicdept/French/ViveVoix/Resources/jolierousse.html

A-t-on le droit de ne pas s’indigner avec Stéphane Hessel ?

Francis Lambert

  05/01/2011

L’indignation en est le leitmotiv. Quand on pense que ceux qui l’achètent par dizaines pour l’offrir autour d’eux y voient un programme d’action, une philosophie morale, un bréviaire, on est consterné tant le contenu manque de contenu. Mais la démonstration est si faible et la plume si incertaine que l’appel n’a pas la puissance d’un pamphlet.

Le Monde a récemment publié deux pleines pages dans lesquelles des personnalités s’indignaient toutes de quelque chose, à l’exception du neuropsychiatre Boris Cyrulnik, et comme sa lumineuse réaction ouvrait le bal, elle eut pour effet d’anéantir toutes celles qui suivaient :

« J’ai beaucoup de tendresse, d’admiration, pour Stéphane Hessel avec qui j’ai beaucoup de concordances de vue mais je m’indigne qu’on nous demande de nous indigner parce que l’indignation est le premier temps de l’engagement aveugle. Il faut nous demander de raisonner et non de nous indigner. »

  On ne saurait mieux dire qu’il est bizarre de pousser ses contemporains à s’engager sous l’empire de l’émotion et non sous celui de la réflexion.

Extraits du blog de Pierre Assouline
http://passouline.blog.lemonde.fr/2011/01/04/a-t-on-le-droit-de-ne-pas-sindigner-avec-stephane-hessel/

Donc très bien mais surtout, ensuite ?

@ francis Lambert

geo

  06/01/2011

Cioran, en bon moraliste, frappait plus court et plus sec:

“Quand le ressens un mouvement d’indignation, je vais voir un psychiatre.”

Position qui fait problème, certes , mais dont le souvenir fait du bien.

@francis lambert: les comptes et les contes, regardez les choses en face.

georges dubuis

  12/01/2011

Non, l’argent n’est pas un outil d’échange. C’est l’entremetteur de choses pré-échangés: les besoins, les signes.
Non, l’argent n’a pas n’a pas d’existence sociale, elle est la communication entre des choses. L’humanisme est ce qui reste quand on a fait les comptes,  un conte à usage très privée accouplée, justifié par des religions qui se positionnent étique ment dans leurs relations à l’argent et ses intérêts qui sont doubles comment circuler et s’accroître par elle même.
Comme le dit justement Attali, pour mieux cacher le reste comme d’hab, les juifs sont les seuls à avoir assumer l’argent et son 2eme intérêt, l’usure, à laquelle les chrétiens hypocrites et conquérants les ont condamnés par défaut. Être maître de l’usure ce n’est pas rien c’est tout simplement être maître du temps et des spéculations sur les besoins et leurs créations relayés par un état qui emprunte pour ses guerres d’expansions où de défense des autres, acheté LE politique. Quand JP Morgan à la création de la FED déclare “quand j’écris un chèque, j’écris la loi” et que récemment le CEO de G.Sachs déclare “sa mission divine” bcp de gens dont Jorion prétendent qu’ils plaisantent, que voulez vous c’est bien l’esprit de Munich qui règne, un monde chosifié, réifié, stupéfait et stupéfiant.
Mais nous ne sommes plus dans les années 30, le seul “ennemi” aujourd’hui n’est pas un état totalitaire et expan sioniste (je ne peux résister à la césure du mot) mais un état qui se défend de NOS histoires de souffrances délirantes: l’Iran et ses ressources d’énergie dont nous avons grand BESOIN grâce a nos productions infinis de choses mortifères où quand l’inutile devient indis..pensable.Le spectacle de la société.
“Il n’y a de bonne monnaies que pensées”
“Les spéculateurs sont plus forts que le diable car ils vendent une chose qu’ils ne possèdent pas”
“Le capitalisme est à la propriété ce que Caïn est à Abel” ACHTUNG ! ! c’est du Drumont comme dirait le puritain Jorion.
Je vous invite à apprécier Attila sur le site AKADEM, site de la pensée numérique juive, sic, dans la conférence “comment moraliser le capitalisme” au temps 51.24mn, tout est dit “la double ingratitude du monde envers les juifs qui ont inventé dieu et l’argent” plus haut tu meurs comme dirait Dieudonné qui LUI est un véritable comique.

@georges dubuis. Mais je vous regarde en face.

Francis Lambert

  13/01/2011

Votre haine du peuple juif est très claire.
Pourtant, ils sont sémites comme les arabes.

Pour le reste c’est moins clair, mais il y a des jeux de mots assez poétiques.

Il me semble qu’il n’y ait pas que Dieudonné qui soit un “vrai comique”.

Reponse a Morbihan

laurent juillard

  21/01/2011

@ Morbihan.

Il y a effectivement un complexe de superiorite occidental qui nous pousse a nous sentir le droit de choisir pour les autres, sous pretexte que ” les pauvres malheureux ont besoin de notre aide”. Derriere s’y ajoute, pour beaucoup de “traditionnalistes occidentaux” un peur panique de l’islam qui les fait reagir de maniere irrationnel face aux musulmans.

Si, par exemple, les femmes tunisiennes ne veulent pas rentrer au bercail, c’est a elles seules de le dire et de lutter pour leur choix de vie. Mais surement pas aux hommes occidentaux de le faire a leur place.

Que ceux qui choisissent la tradition y aillent et que ceux qui choisissent la modernite y aillent, en respectant le choix du voisin.
Si les islamistes s’installent dans un pays, ce n’est pas aux occidentaux de les en chasser. Si Le Pen est elu en France, accepterions nous que des arabes viennent le chasser jusqu’en France ?

Pour ma part je choisirais la voie mediane d’une integration, a pas compte, de la modernite sur une base solide de tradition culturelle.