Forum

Article : Quelle réalité objective voulez-vous ?

Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier

À propos de la réalité objective

jc

  27/07/2020

 


Typiquement le genre d'article qui fait que je suis devenu accro à ce site. Article que je commence par commenter en "scientiste" (mon formatage initial).

PhG: "Il est pour mon compte avéré que la “réalité objective” a été désintégrée sous la puissance des coups du technologisme…".

La coupure galiléenne a transformé l'antique phusis vitaliste¹ en physique mécaniste, la réalité a été décrétée réalité objective, l'art (teknè en grec ancien) est devenue technique et l'artiste technicien², l'objectivité est devenue une affaire de science dure, les sciences humaines et la philosophie étant contraintes de se réfugier dans la forteresse de la subjectivité. Mais l'irruption de la physique quantique a mis en doute cette réalité objective décrétée et, malgré l'opposition de grands esprits comme Einstein, il semble bel et bien, un siècle plus tard, que cette réalité objective décrétée soit effectivement en cours de désintégration, entraînant du même coup la désintégration de la vérité scientifique post-galiléenne.

PhG: "La constitution des univers parallèles répond à la logique de “la nature [qui] a horreur du vide”, et l’existence même de ces univers parallèles est le signe de la crise profonde de la “réalité objective” après la désintégration de ce qui était sa manifestation."

Si la nature a horreur du vide, les scientifiques l'ont également, et ils se sont empressés de phosphorer sur le sujet. Ont émergé selon moi H. Everett avec ses multivers côté réalité, et, côté vérité, P. Cohen et S. Kripke avec leurs modèles sémantiques qui "forcent" la vérité; la réalité et la vérité réelles -si ce qualitatif a un sens- est beaucoup plus compliquée que celles, incomplètes, (a)perçues sur le fond de notre étriquée caverne de Platon³. Mais selon moi, ces modèles permettent de différencier encore plus la réalité et s'écartent donc encore plus de l'unité. Ce n'est pas cette direction qui m'intéresse, et qui intéresse PhG si j'en juge par:

PhG: "Ils [ces univers parallèles] existent bel et bien, mais pour nous signaler la perte devenue insupportable de quelque chose d’unique, nommons-là “réalité objective” si l’on veut, – quoique je préférerais parler de Principe originel ou de Unicité principielle."

Quittant alors mon formatage scientiste pour ma propre formation de retraité autodidacte je cherche, au flair, des analogies biologiques à la situation sociologique actuelle, à partir de ma citation thomienne préférée⁴. Et, selon moi, le retour à l'unité principielle perdue est l'analogue biologique du retour au centre organisateur qu'est la gamétogénèse; il s'agit d'une catastrophe qui opère dans l'ombre d'une autre catastrophe, celle-là bien visible, qui est celle du vieillissement (de l'individu ou de la civilisation) qui se termine inéluctablement(?)⁶ par la mort. Cette catastrophe peu visible a pour finalité de reconstituer l'œuf totipotent, ici civilisation principielle qui contient en puissance toutes les civilisations passées et à venir qui n'ont été et ne seront que des actualisations successives de cette civilisation principielle et toute puissante, mère de toutes les autres. (En relation avec la note ⁵, la note ⁷ montre le point de vue de Thom, où l'on notera l'importance qu'il donne à la régulation biologique.)

¹: Étymologiquement « physique » (η φυσικη) signifie « connaissance de la nature ».
²: Clivage redécouvert, intact, à propos de la polémique née de la pandémie Covid19: l'art médical contre la techno-science.
³: Thom: "le monde des Idées excède infiniment nos possibilités opératoires, et c'est dans l'intuition que réside l'ultima ratio de notre foi en la vérité".
⁴: "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés.".
⁵: Cf. "Une théorie dynamique de la morphogénèse", MMM.
⁶: Thom: "il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel."
⁷: "L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur). Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer.
Aristote a dit du germe, à sa naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois Sa création achevée: Premier selon l'Être, dernier selon la génération." (ES, p.216)