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Article : Poutine, un guénonien dans la tempête

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A propos des multiples manières de percevoir

laodan

  24/10/2021

Le président Poutine revient régulièrement sur quelque chose que l'humanité a observé depuis la nuit des temps : le fait que les sociétés et les individus ont des priorités divergentes :
—- Les individus, ou mieux une minorité d'innovateurs, sont poussés spontanément vers la nouveauté. Lorsque la nouveauté qu'ils proposent est mise en œuvre avec succès par leur société, cela ouvre la voie à l'émergence de plus de complexité. L'émergence de niveaux supérieurs de complexité est l'idéal de la minorité d'innovateurs mais c'est une voie sociétale pleine de risques à laquelle la majorité résiste. Remarquons cependant que ce chemin risqué est néanmoins la façon dont les espèces acquièrent des niveaux de complexité plus élevés ou des niveaux d'évolution plus avançés…
—- Les sociétés, ou mieux la majorité des individus, visent à assurer la continuité et prônent la conservation de leur présent sociétal. La route vers plus de complexité induit une fragilité et des risques élevés d'effondrement et d'extinction auxquels les sociétés résistent farouchement. Les sociétés privilégient en effet la continuité de l'état des choses (conservation) à tout risque de rupture de la continuité dans la « chaîne de reproduction des espèces ».

La modernité occidentale symbolise le triomphe de « la recherche de plus de complexité » par les individus qui s'étaient converti à « la raison qui est à l'œuvre dans la transformation de l'argent en capital ». Mais par le temps de la modernité tardive, ce triomphe a engagé une forme d'hyper-individualisme qui a abouti à « l'atomisation des sociétés occidentales ». Ces 2 dernières années ont offert une illustration judicieuse de ce que signifie l'atomisation sociétale en terme de comportement individuel et de la folie societale que ce genre de comportement engendre. La conclusion est maintenant évidente aux yeux de tous : les nations occidentales ont perdu la capacité d'agir comme des « entités cohérentes » ce qui se manifeste ‒ à  l'intérieur par une folie sociétale et des approches totalitaires  ‒ à l'extérieur comme des bagarres de brutes qui ont perdu leurs boules…

Au cours de ces derniers siècles, le reste du monde, soit 90% de la population mondiale, a été contraint à la soumission par les convertis à la modernité d'Europe occidentale. Cela a entraîné l'extinction de nombreuses civilisations, de nombreuses sociétés et la mort d'innombrables centaines de millions d'individus… L'atomisation sociétale occidentale d'aujourd'hui fissure les idéaux de la modernité comme l'individualisme, le libéralisme, le wokisme, « la raison qui est à l'œuvre dans la transformation de l'argent en capital », et plus généralement l'hégémonie de l'Occident. À la suite de cette fissuration de ses idéaux, l'Occident a été littéralement choqué dans un état de mort cérébrale et ...il est très en colère. Un Occident en état de mort cérébrale a en outre plongé la sphère géopolitique dans le tumulte ce qui résultera probablement dans le fait que l'humanité va faire face à une longue période d'équilibrage régional des intérêts nationaux dans laquelle l'Asie de l'Est, avec la Chine au centre, sera considérée par le reste du monde comme un phare sociétal.

A ce carrefour crucial sur le chemin de l'humanité, il est urgent de redécouvrir les fondamentaux que sont les « principes premiers de la vie ». Ce sont des fondamentaux dans le sens où ils assurent la reproduction continue dans le futur des espèces vivantes, de leurs sociétés, et des individus. Aller à contre-courant de ces fondamentaux est une condamnation à mort de nos sociétés. La perspective des « principes premiers  de la vie » est mieux abordée au travers du prisme de « l'histoire au long terme ». Toute autre approche est en effet forcément fragmentaire, ce qui implique être « de peu d'utilité » pour comprendre la situation difficile de l'humanité dans cette première partie du 21e siècle, qui est résumée dans le concept de "la grande convergence de la modernité tardive". Les discours du président Poutine ne commencent même pas à évoquer la contemporanéité de ce cadre contextuel incontournable ! La Chine, quant à elle, semble avoir une vision à long terme qu'elle tente actuellement de conceptualiser et de mettre en œuvre dans une nouvelle voie sociétale mieux alignée sur ce cadre contextuel incontournable. La réception occidentale de cette tentative chinoise est l'incrédulité :  « Putain de merde. Les Chinois commettent un suicide sociétal »  !   Il n'y a pas de meilleur témoignage que les Chinois portent leur attention sur quelque chose d'important pour l'avenir de l'humanité.  En tant qu'observateur lucide du théâtre Chinois je ne peux que deplorer le fait que la perception Occidentale de l'autremondisme Chinois continuera de lui occulter la nature profonde des adaptations sociétales que la Chine expérimente présentement…