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Article : Ode au chaos-vrai...

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La danse du Khaos vers le Chaos

jc

  24/10/2022

Le titre m'a conduit à relire "Chronique du 19 courant … Chaos" où le Khaos-source est distingué du chaos-but (peut-être jusqu'à un certain point seulement (1)). Pour PhG comme pour mon gourou Thom, Ce dernier voit la création du monde comme une marche au chaos en partant de l'Être en soi ("Dieu" Khaos, pour moi sinon pour lui), sommet α de l'arbre de Porphyre, analogue de l'œuf quiescent en biologie :

"On se propose ici de décrire par quel processus vraisemblable la dynamique ponctuelle de l'œuf quiescent peut, par bifurcations successives, engendrer la dynamique de la BP [Blastula Physiologique]. Le mode de raisonnement est ici semblable à celui de la création de la "turbulence faible" dans la théorie de Ruelle-Takens ou de la marche au chaos étudiée par les spécialistes de mécanique des fluides en fonction du nombre de Reynolds." (ES, p.86).

J'ai longtemps trouvé choquante cette idée de chaos créateur (peut-être mon éducation judéo-chrétienne y est-elle pour quelque chose, ainsi que ma répulsion pour Schumpeter et Davos). Aussi ces considérations physico-mathématiques sont passées largement au-dessus de ma tête jusqu'à ce que Thom reparle de la marche au chaos dans l'article "La danse comme sémiurgie" (Apologie du logos) à propos du Boléro de Maurice Ravel où il considère cette marche comme un déblocage successif des degrés de liberté à partir du centre organisateur α. (actualisation de ce qui est en puissance).

L'interprétation par le danseur Octavio de la Roza sur une chorégraphie de Maurice Béjart (2) m'a éclairé beaucoup plus que toutes mes très maigres connaissances en théorie du chaos et en mécanique des fluides : j'y retrouve la lente mutation du Yin/Khaos (au début on ne distingue pas le danseur -mâle…-) jusqu'à l'acmé où le danseur étoile est entouré des autres danseurs (déblocage des degrés de liberté) immédiatement suivie de  l'extinction finale (Yang/Chaos) que l'on peut (doit?) voir comme une inversion instantanée et brutale (catastrophique?) du Yang/Chaos retournant en son centre organisateur Yin/Khaos (3).


1 :  https://www.dedefensa.org/article/chronique-du-19-courant-chaos  :  "Je ressens le mot “chaos” comme quelque chose qui, au bout du désordre qu’il a accepté de prendre en charge, se révèle comme la matrice d’une conception unificatrice, comme une sorte d’animation de ce qui pourrait être une représentation encore fracassée, mais tendant à la re-composition de l’unité originelle. J’ai l’audace héroïque de voir dans le mot “chaos” un de ces signes si rares qui vous font croire, un de ces ébranlements soudain qui renforcent votre foi. ".

2 : https://www.qwant.com/?q=bol%C3%A9ro+ravel+octavio+de+la+rosa&t=web

3 :Cf. le commentaire de (1) par munen.

La danse du Khaos vers le Chaos.1

jc

  24/10/2022

Mon .0 me laisse un goût d'inachevé, le centre organisateur ne pouvant être ni Yin/Khaos ni Yang/Chaos car devant être une "singularité" nécessairement à la fois et en même temps Yin/Khaos "en puissance" et Yang/Chaos "en acte" (je préfère Yang/Cosmos à Yang/Chaos), singularité que je rapproche de l'axe du monde de Guénon. Mais là encore le Boléro dansé par Octavio de la Roza couplé aux considérations biologiques de Thom à propos de la Blastula Physiologique (cf. ES p.103 et 143) suggère en effet avec un peu d'imagination de "voir" à 14'36 la singularité double cusp de potentiel V(x,y) = x⁴ + y⁴ (1) (singularité qui se déploie en dimension 7 -ce qui est énorme). En fait je "vois" à 14'36 le retour gammatogénétique au véritable centre organisateur, retour in extremis qui permet à une nouvelle civilisation de se déployer alors que l'ancienne va incessamment mourir (catastrophe pli) ou se suicider (catastrophe queue d'aronde). Et je "vois" ce retour sous forme étamine et pistil (l'effet aurait été plus fort si les danseurs autre qu'étoile avaient été des danseuses…).

Pour celles et ceux qui trouvent ces "visions" un peu -voire beaucoup- tirées par les cheveux, je n'ai à opposer que deux citations :

l'une de PhG : "La sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée",

et l'autre de Thom : "La voie de crête entre les deux gouffres de l'imbécillité d'une part et le délire d'autre part n'est certes ni facile ni sans danger, mais c'est par elle que passe tout progrès futur de l'humanité".

 
1: Cette singularité est 3-plate à l'origine (x=0 et y=0) car toutes les dérivées partielles d'ordre au plus 3 s'y annulent.

La danse du Khaos vers le Chaos.1.1

jc

  24/10/2022

J'ai interverti les rôles de l'étamine et du pistil ! C'est donc avec une danseuse étoile à la place du danseur que l'effet aurait été plus fort. Mais l'effet "naissance du Yang/Chaos à partir du Yin/Khaos"  aurait alors été à contre-sens.

En résumé j'aurais mieux fait de ne rien dire (sauf si une danseuse étoile prend la place du danseur étoile juste avant l'issue fatale…).
 

La danse du Khaos vers le Chaos.1.2

jc

  26/10/2022

Le tempo du Boléro dansé me hante. Et me hante aussi le rapport de la chorégraphie de Béjart avec la marche au chaos signalée par Thom. Je pense que ce rapprochement va bien au-delà de l'analogie purement biologique, mais qu'il se hisse au niveau métaphysique de la respiration de la métahistoire. C'est dans cet état d'esprit que je suggère la chorégraphie suivante.

Au commencement il y a un danseur étoile Y0 seul sur le plateau dans la pénombre, plateau autour duquel se trouvent des danseuses X effectuant une danse en harmonie avec celle du danseur. Progressivement la lumière se fait sur le danseur étoile pendant que, dans la pénombre, des danseurs Y se joignent aux danseuses X. À la fin du premier tiers temps la danseuse étoile X0 rejoint le danseur étoile Y0 sur le plateau, et tous exécutent dans le tempo une danse en harmonie -pas nécessairement identique- masculin/féminin. À la fin de ce deuxième tiers temps le danseur étoile Y0 descend du plateau et se "dégrade" en Y en prenant la place d'une danseuse X qui disparaît en coulisse, suivie une à une par toutes les autres X pendant le troisième tiers temps. Si bien qu'à la fin il ne reste que X0/pistil sur le plateau, entourée des Y/étamines, jusqu'à la catastrophe finale de la ruée/effondrement des Y sur X0.

La danse du Chaos vers le Khaos

jc

  27/10/2022

En gros la danse du Khaos vers le Chaos (dans ma version) recouvre la jeunesse, la plénitude et la vieillesse (ici dans le cadre de l'évolution des civilisations) : âge d'argent yin-yang, acmé, puis âge de bronze (yang-yin) pour finir par l'âge de fer (yang-yang). Il manque l'âge d'or pour pouvoir recommencer le boléro. Et ce recommencement exige -selon moi- de passer par le centre organisateur ("je suis l'alpha et l'oméga") qui doit  identifier Chaos et Khaos pour pouvoir les inverser.

L'âge d'or (yin-yin) est pour moi la phase où le temps s'arrête, chronos mutant en aïon -temps de l'éternité- et où l'énergie agissante (ἐνέργεια)-qui dégénère en énergie agitante en fin d'âge de fer- mute au profit de la seule énergie potentielle (δύναμις).

 

La danse du Chaos vers le Khaos.1

jc

  28/10/2022

Dans le cycle complet Khaos-Chaos-Khaos il y aurait donc :

- une catastrophe d'inversion du Khaos en Chaos, qui correspond, selon moi, à l'inversion Yin-Yang -> Yang-Yin, inversion qui a lieu à l'acmé de la civilisation, à savoir à la limite entre âge d'argent et âge de bronze, inversion douce qui correspond à la transition de l'autorité "céleste" au pouvoir "terrestre" (pouvoir qui prend alors toujours(?) soin de se recommander de l'autorité "céleste" qu'il va progressivement évincer) ;

- une catastrophe d'inversion du Chaos en Khaos qui correspond à l'inversion Yang-Yang -> Yin-Yin, inversion qui a lieu à l'effondrement de la civilisation, à savoir à la limite entre l'âge de fer et l'âge d'or, inverssion brutale qui correspond à la transition du pouvoir "terrestre" (en piteux état) à une nouvelle autorité "céleste".

Dans "L'homme sans gravité" le lacanien Charles Melman écrit :

"La barbarie consiste en une relation sociale organisée par un pouvoir non plus symbolique mais réel" .

Dans "Révolutions : catastrophes sociales ?" (AL) René Thom s'attache à montrer qu'aucune société stable ne peut se maintenir sans que s'exerce un pouvoir ymbolique, un pouvoir des signes.

Remarque : j'ai récemment cité Michel Maffesoli ("Tout lasse, tout passe, tout casse"). Héraclite y avait pensé longtemps avant lui :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Panta_rhei