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Article : Notes sur une Fin des Temps

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La grande conspiration

Roger Leduc

  30/01/2019

On ne peut pas être spécialistes dans tous les domaines. Les experts et les professionnels savent reconnaître les limites de ceux qui envahissent leur champ de connaissances. On ne passe pas trente ou quarante ans dans un domaine sans trouver ridicules ceux qui affirment n’importe quoi, sans connaître le B.A.-BA de la spécialité.
La géopolitique est un jeu d’échecs à deux niveaux. L’un officiel (le premier niveau) que personne ne comprend vraiment, même les spécialistes, car tout se passe au niveau inférieur, qui est caché. Là, par contre, tout prend un sens et tout s’explique (disons en grande partie).
Pour comprendre la guerre du bien contre le mal, il faut débusquer le mal, reconnaître l’ennemi. Chose impossible à faire sur le premier niveau du jeu d’échecs. Affirmer qu’il n’y a pas une grande, une très grande conspiration, vraiment humaine, contre l’humanité, est aussi infantile que d’affirmer que la terre est plate pour un spécialiste des sociétés secrètes.
Un peu d’ouverture M. Grasset.
Roger Leduc
 

Escape Velocity

Alex Kara

  30/01/2019

Juste pour le sport, voici une théorie peut-être un peu originale à propos du besoin de narrative, dans n'importe quelle civilisation complexe.

La classe dirigeante parvenant à créer une structure qu'elle seule peut maintenir, elle a besoin de donner sens à cette structure pour les éléments humains qui lui permettent de fonctionner, du plus humble paysan jusqu'à l'ingénieur. C'est un projet commun, fédérant l'ensemble et permettant à la structure de se maintenir.

On peut voir l'obsession d'une harmonie cosmique (Egypte Antique) ou au contraire la guerre pour achever toute guerre (nazisme, néocons des années 1990 et 2000), ou bien la consommation perpétuelle (Etats-Unis entre 1945 et 1962), ou bien la conquête spatiale, si besoin télévisée.

Pour l'essentiel nous sommes en phase de déclin total parce que la classe dirigeante est faite d'héritiers parfaitement déconnectés sinon idiots.
Mais on peut aussi imaginer que les progrès de l'I.A. et de la robotique permette l'avènement d'une société dans lequel on aurait besoin de bien moins d'humains. C'est alors un peu comme si toutes les civilisations précédentes auraient été comme autant d'étages de la fusée, et que la capsule a atteint sa vistesse de libération (escape velocity).

Le projet tenant les humains de cette techno-société serait alors d'être toujours meilleure que la société humano-basée, promise à devoir toujours échouer parce qu'il faut motiver des armées d'incapables à coup de slogans et de superstitions. Il n'est d'ailleurs pas dit que les deux sociétés communiquent (un peu la situation décrite dans le film Elysium…)

Processus de désacralisation

jc

  31/01/2019

Toutes les civilisations précédant la nôtre ont, d'une façon ou d'une autre, sacralisé la Nature. Notre civilisation occidentale a commencé à devenir contre-civilisation lorsqu'elle a désacralisé la Nature pour sacraliser ce qui L'a désacralisée, à savoir la Technique. Puis la Technique a à son tour été désacralisée pour sacraliser ce qui L'a désacralisée, à savoir la Monnaie fiduciaire*. Enfin la Monnaie fiduciaire a été désacralisée et est devenue simple monnaie en qui personne n'a plus confiance mais qui est en Occident quasi-imposée, dématérialisation oblige.

Parallèlement et précédemment il y a eu désacralisation du langage (passage du réalisme philosophique au nominalisme), désacralisation qui aboutit actuellement à la bouillie pour chats qu'est le communicationnisme**.

On peut suivre ainsi, à mon avis, l'évolution du colonialisme occidental, le colonialisme "classique" étant lié à la phase de sacralisation de la Technique, alors que ce que PhG désigne par l'occidentalisme est liée à la phase "monétaire".

(Bien entendu la querelle des universaux, la coupure galiléenne, les révolutions industrielle et numérique, jouent un rôle important si on cherche à dater les époques.)

En résumé "notre" civilisation passe de "Dieu est vivant" à "Dieu est mort" puis "Dieu est très mort" pour finir par "Il n'y a plus de Dieu"; on passe d'un vitalisme structurant à un mécanisme déstructurant, entropisant. Ce mécanisme est sans doute voulu par l'élite financière qui y voit un double contrôle des la population: contrôle par la dette sans fin, contrôle par l'obligation du "chacun pour soi" c'est-à-dire par le "diviser pour régner". Mais il arrive un moment où les peuples prennent conscience d'eux-mêmes, prennent conscience qu'il y a en eux un vitalisme structurant qui s'oppose frontalement au mécanisme déstructurant imposé jusque là par les élites…


*: Jusqu'en 1971 les monnaies des nations étaient fiduciarisées, sacralisées, par indexation à l'or, symbole d'inaltérabilité.

**: PhG cite de temps à autre George Steiner:
« [Maistre] fit valoir la congruence essentielle existant entre l’état du langage, d’un côté, la santé et les fortunes du corps politique de l’autre. En particulier, il découvrit une corrélation exacte entre la décomposition nationale ou individuelle et l’affaiblissement ou l’obscurcissement du langage : “En effet, toute dégradation individuelle ou nationale est sur-le-champ annoncée par une dégradation rigoureusement proportionnelle dans le langage”… »