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Article : National-capitalisme contre global-capitalisme

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Souverainisme local contre souverainisme global

jc

  17/02/2024

C'est pour moi une opposition plus fondamentale que celle de capitalisme national contre capitalisme global.

Nous vivons (la fin d') une époque où dominent l'individualisme, le rationalisme et le progressisme (Maffesoli). Il y a pour moi un évident rééquilibrage à faire, et ce rééquilibrage commence par l'abandon du TINA thatchérien.

[ Une fois encore on se heurte au problème de l'harmonisation des contraires, avec en ligne de mire idéale leur coïncidence (l'harmonie suprême selon Héraclite). ]

Pour moi la grande bataille doit d'abord avoir lieu en chacun de nous, avec pour objectif :

- de rétablir entre nos deux hémisphères cérébraux une harmonie que la société moderne occidentale a largement détruite au détriment de l'hémisphère droit et se propose de détruire plus encore (je pense à l'IA, bien sûr) ;
- de rétablir une harmonie sociale homme/femme, harmonie qui a été brisée au profit des hommes il y a beaucoup plus longtemps.

Être sire de soi (comme disent les normands) en tant qu'individu contre être sire de soi en tant qu'espèce, penser à la survie de l'individu contre penser à la survie de l'espèce.

En mathématiques la topologie a d'abord été l'étude des lieux. Elle est maintenant l'étude du rapport entre le logos et le topos, le discret et le continu, le local et le global. J'ai mis longtemps à m'apercevoir que "Apologie du logos" était plutôt une apologie de ces trois rapports, avec un rééquilibrage en faveur du topos et du continu (ce grand absent de la science moderne), Thom restant curieusement localiste, la vision globale des choses étant sans guère de doute pour lui réservée à Dieu* :

"En ce qui me concerne, je préfère croire à un réel – non globalement accessible parce que de structure stratifiée – dont l'herméneutique de la théorie des catastrophes permettrait de dévoiler progressivement les « fibres » et les « strates ». Mais
tout progrès dans la détermination d'une telle ontologie stratifiée en « couches » d'être exigera :
i) L'emploi de mathématiques pures spécifiques – parfois bien difficiles – dans les théories jusqu'ici purement conceptuelles
des sciences de la signification ;
ii) La reprise d'une réflexion philosophique sur la nature de l'être que les divers positivismes et pragmatismes ont depuis bien longtemps occultée. "

* "Peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois Sa création achevée ? "
 

Local et global

jc

  18/02/2024

Les propos qui suivent peuvent sembler être confinés dans le domaine scientifique. Mais Thom prévient :

"Il existe au départ un obstacle à l'existence d'une philosophie de la nature : c'est celui que pose le problème de la « démarcation », à savoir l'établissement de critères permettant de distinguer la connaissance scientifique de celle qui ne l'est pas : un « Naturphilosoph » ne saurait être « démarcationniste ». Ce problème qui a eu pour l'épistémologie positive et néopositive une importance cruciale a aujourd'hui perdu beaucoup de son acuité."

[ Remarque qui prend son poids dans la réponse que fait Poutine à Carlson lorsqu'il oppose l'âme russe au pragmatisme occidental avec ses "golden billion to achieve good success in production, even in science and so on". ]

Dans la seconde partie de "Esquisse d'une Sémiophysique" (1988) Thom oppose démiurgie et herméneutique, opposition qui, pour moi, recoupe l'opposition global/local, opposition que l'on retrouve dans un tableau (p.224) qui propose une classification des grands modes d'explication du réel :

1. Étude globale de l'objet global (le monde) ; discipline : Physique fondamentale ; moyens techniques : Mathématiques (symétries, groupes, extrapolation par prolongement analytique) ; Philosophie sous-jacente : démiurgie.

2. Étude globale de l'objet local ; discipline : Théorie générale des systèmes, théorie des catastrophes ; moyens techniques : boîte noire, modélisations qualitatives ; philosophie sous-jacente : herméneutique ;

3. Étude locale de l'objet local ; discipline : biologie moléculaire ; moyens techniques : analyse microscopique ; philosophie sous-jacente : réductionnisme.

4. Étude locale de l'objet global (Terre, Monde) ; discipline : Physique macroscopique, sciences descriptives (Géologie, Macro-biologie…) ; moyens techniques : observations, taxinomie, modélisations quantitatives par approximations ; philosophie sous-jacente : néant.

[ Quand Thom parle de la science moderne comme d'un torrent d'insignifiance, c'est très certainement aux points 3 et 4 qu'il pense. ]

La recherche scientifique qui compte actuellement dans les deux camps c'est évidemment la physique fondamentale.

 L'approche 2, pourtant plus traditionnelle* ne semble pas à l'ordre du jour (ce point est développé dans la première partie de la conclusion de ES) : "Et lux in tenebris lucet et tenebrae eam non comprehenderunt".

Thom (à la fin d'un article sur l'innovation) : "si nous continuons à priser par-dessus tout l'efficacité technologique, les inévitables corrections à l'équilibre entre l'homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophiques.".

Faut-il que la catastrophe ait lieu pour que l'humanité -s'il en reste…- change de vision du monde ?

Thom : "(...) on pourrait bien un jour s'apercevoir que ce ne sont pas les molécules qui font la vie, mais au contraire la vie qui façonne les molécules.".

Pour moi il est grand temps que ceux qui le peuvent écoutent ce que leur chuchote leur hémisphère cérébral droit (supposé -par moi- être le siège de nos intuitions…).


* : Caverne de Platon : il s'agit d'imaginer les êtres d.ont on voit les ombres au fond de la caverne (la fin de la conclusion de ES porte sur ce point). À ce propos d'une science traditionnelle qui remonterait jusqu'au fond des âges, Thom cite Geoffroy Saint Hilaire vieillissant (p.117-118) (la matière, homogène dans son principe, se déploie dans l'espace-temps par rayonnement) avec renvoi à la note suivante (p.150) : "Ces derniers travaux de Geoffroy Saint Hilaire sont difficilement accessibles. (...) Dans un traité attribué à Al Kindi, auteur arabe du IXème siècle, intitulé "De radiis" et consacré à une théorisation (aristotélicienne) des arts magiques on trouve des considérations très semblables [ à celles de Geoffroy Saint Hilaire et de Thom ]. Preuve d'une permanence de ces structures ?".

Local et global.1

jc

  19/02/2024

À propos de la permanence de certaines structures dans l'esprit humain.

Dans la note finale du .0 j'ai évoqué le rapprochement fait par Thom des idées qu'il développe dans Esquisse d'une Sémiophysique avec celle du Geoffroy Saint Hilaire vieillissant et celle d'Al-Kindi (IXème siècle).

Pour Thom :

" (...) on peut se demander si la réticulation ne serait pas la donnée première, la construction globale de l'espace-temps ne s'effectuant que par un processus de concaténation à partir des espaces engendrés par les processus d'éclatement associés aux points centraux. Je verrais volontiers l'archétype fondamental de la notion d'espace, l’Urbild de la spatialité, dans l'image d'un point centre organisateur, qui s'étoile en une configuration sous-tendant tout un espace associé. " ("Espace, science et magie", 1977).

Il y a pour moi un rapprochement évident avec ce que développe Guénon dans le chapitre IV de "Le symbolisme de la croix" , chapitre intitulé " Des directions de l'espace ", si on accepte de remplacer le 7, symbole de l'infini pour les Anciens, par ∞ . et les 6 directions orthogonales en géométrie euclidienne 3D par l'infinité ( chère aux mécaniciens quantiques ) permise en géométrie hilbertienne.

Thom :

 - " En plaquant ainsi sur le monde l'infini mathématique, l'homme ne fait-il pas preuve de la même présomption inconsciente que le magicien primitif qui commandait aux Dieux… ? " ;

- " La physique moderne a sacrifié la stabilité structurelle à la calculabilité ; je veux croire qu'elle n'aura pas à se repentir de ce choix.".