Forum

Article : Mon BRICS à brac à moi

Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier

Hégémon sacré or not hégémon sacré

Denis Monod-Broca

  22/08/2023

L'alternative est celle-ci : soit la tribu des nations sacrifie son hégémon sacré actuel et le remplace par un nouvel hégémon sacré, soit elle est capable, bannissant le sacrifice et la violence, de se donner des institutions lui permettant de se gouverner, à la manière d'une nation dotée d'institutions.

Enjeu considérable !

Les hommes se sont regroupés en tribus qui, avant d'être capables de se donner des institutions dûment réfléchies, tenaient ensemble grâce à des interdits, mythes et rituels sacrificiels évoluant au gré de la sélection naturelle. Le roi sacré, victime en instance de sacrifice, et ancêtre du monarque de droit divin, est ainsi apparu et il a donné une grande stabilité à ces tribus de naguère. Il finissait le plus souvent à la casserole.

Ces tribus devenues nations forment à leur tour, ensemble, une tribu d'un nouveau genre, une métatribu. Métatribu qui s'est donnée, de la même manière, un roi sacré, ou hégémon sacré, les USA. Il se pourrait bien qu'il passe bientôt à la casserole, c'est son inéluctable destinée.

La tentation est grande de nous donner un nouvel hégémon sacré. Un candidat est en lisse, la Chine bien sûr, la Russie aussi peut-être… Serons-nous capables de suivre une autre voie, une voie rationnelle, consciente ? Difficile à envisager.

Quels soubresauts sont devant nous !!...

BRICS à brac ou Vérité de situation ?

jc

  23/08/2023

PhG : "Partons du premier agacement (Korybko) et de la première surprise (Bhadrakumar). Les deux ne parlent pas pour les mêmes (Korybko parle en général, Bhadrakumar pour l’Inde) mais ils disent la même chose. Leur démarche et leurs arguments sont extrêmement structurées et logiques, au point qu’il paraît impossible de les contredire… En fait, ils ont raison, sauf qu’ils parlent pour un monde qui n’existe pas. Ils parlent en expert compétent et réaliste (Korybko) et en diplomate expérimenté et de jugement sûr (Bhadrakumar) mais il nous est impossible d’embrasser l’espace, le temps, la communication et la stratégie où ils évoluent pour les mettre en place dans la situation réelle du monde.".

Selon Michel Maffesoli le tripode sur lequel repose l'actuel Système est : Individualisme, Rationalisme, Progressisme (c'est, grosso modo, le TINA de Margaret Thatcher). Dans ce qui suit c'est de rationalisme et de progressisme (les évolutions rationnelles de Korybko et Bhadrakumar) dont il est question.

Ce qui suit est extrait de la conclusion métaphysique de l'article "De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction" (2011) des philosophes belges Dominique Lambert et Bertrand Hespel à l'adresse des mathématiciens grothendieckiens (jusqu'à présent, à ma connaissance, classé sans suite par ces derniers) :

"On peut bien rassembler différents objets, on ne formera pas pour autant un être, mais tout au plus un « être de raison ». Rendre compte de quoi que ce soit qui est exige donc de rendre compte de son unité. Or — nous le savons — c’est justement ce à quoi parvient une conciliation.".

Citation qui renvoie à celle d'un certain Daniel Vouga, citée par PhG dans "La Grâce de l'Histoire" :

"Progresser, pour eux [Baudelaire et Maistre], ce n’est pas avancer, ni conquérir, mais revenir et retrouver… [...] Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l’Unité perdue…”»

Thom (qui -en l'occurrence- est du côté des philosophes belges, contre celui de Grothendieck): "La rationalité n'est guère qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire".

Voici le contexte d'où est extraite la citation des deux philosophes belges :

"Enfin, on notera — et ce n’est pas la moindre des constatations que l’on peut faire — que le concept de conciliation a un portée ontologique. Dès lors qu’on place ce concept en regard de celui de faisceau [concept-clé dans la théorie des topos de Grothendieck], s’adjoint en effet à l’hypothèse de cet enrichissement de l’épistémologie celle d’un éclaircissement du projet de la métaphysique. Car poser l’existence d’un faisceau se fait dans l’espoir de former, tandis que poser celle d’une conciliation se fait avec celui de fonder. Nous l’avons en effet suffisamment répété: lorsqu’on suppose l’existence d’un faisceau, on espère se donner le moyen de reconstruire un objet global à partir d’objets locaux consistants, alors que, quand on suppose l’existence d’une conciliation, on espère au contraire se donner le moyen de trouver au moins un objet local sur lequel repose un objet global consistant. Et ce qu’il importe cette fois de remarquer, ce n’est pas tant que, d’un cas à l’autre, le global et le local soient inversés, mais que les sens de ces deux démarches le soient aussi. Dans un cas, on commence en effet par acter que cet objet est, pour postuler ensuite qu’il doit donc pouvoir être tel qu’il est; tandis que, dans l’autre, on commence par postuler que l’objet est, pour acter ensuite qu’il doit donc être tel qu’il puisse être. Ce qui est très différent: d’un côté, l’être de l’objet n’est absolument pas interrogé, tandis qu’il l’est explicitement de l’autre. Aussi étrange que cela puisse paraître, personne peut-être n’a mieux distingué ces deux démarches que Spinoza, qui écrivait au président de la Royal Society:

« Pour ce qui est de savoir absolument en quelle manière les choses se lient les unes aux autres, et s’accordent avec leur tout, je n’ai pas cette science; elle requerrait la connaissance de la Nature toute entière et de toutes ses parties. Je m’applique en conséquence à montrer quelle raison m’oblige à affirmer que cet accord et cette liaison existent ».

Ce que nous pourrions en effet traduire par « le métaphysicien que je suis abandonne aux scientifiques la tâche de trouver le faisceau qui permettrait de reconstituer cet objet global qu’est la Nature pour se donner celle de découvrir la conciliation qui en rendrait compte ». Outre que cette reformulation occulte certains éléments de la citation, on relèvera, bien sûr, que Spinoza tenait pour désespéré d’appliquer la première démarche à cet objet qu’est la Nature. Mais ceci n’est pas essentiel. Ce qui l’est, en revanche, c’est de noter qu’il entendait bien appliquer la seconde à ce même objet, c’est-à-dire, non pas à un objet seulement suspecté d’être, mais à celui dont il n’y certainement pas lieu de douter qu’il est. Car — et c’est là un point crucial — tout ce qui est doit résulter d’une conciliation. Tout ce qui est se trouve, en effet, doué d’unité. Il n’est rien qui ne soit un tout. Pour le dire autrement, l’unité est une condition nécessaire de tout être, même multiple. Ou, comme l’énonçait cet autre métaphysicien qu’était Leibniz,

« Ce qui n’est pas véritablement "un" être n’est pas non plus véritablement un "être" ».

On peut bien rassembler différents objets, on ne formera pas pour autant un être, mais tout au plus un « être de raison ». Rendre compte de quoi que ce soit qui est exige donc de rendre compte de son unité. Or — nous le savons — c’est justement ce à quoi parvient une conciliation. Songeons une dernière fois aux exemples dont nous sommes partis: une nation qui pouvait cesser d’exister, une image dont on se demandait comment elle pouvait être, le Moi fichtéen menacé de scission. Et l’on se souviendra que chacun de ces objets ne devait effectivement d’être qu’au fait d’être un parce qu’il résultait d’une conciliation. Processus dont la description mathématique que nous avons proposée permet de comprendre comment cela se peut, puisqu’elle montre qu’un tel processus consiste très précisément à fonder le global; et à le fonder, de surcroît, sur le local, c’est-à-dire sur ce qui n’a plus à l’être.

Même s’il convient bien évidemment de toujours se montrer prudent, il ne nous paraît donc pas complètement déplacé de prétendre que l’on pourrait ne serait-ce que faiblement éclairer la région de l’être en considérant sérieusement le concept de conciliation et la notion mathématique que nous avons cru devoir lui associer. Et, d’autant moins, à la vérité, que cela expliquerait les autres utilités que nous leur avons trouvées ou entrevues, puisque toutes concernent forcément l’une ou l’autre chose qui est — qu’il s’agisse de la logique, de la nature, de la connaissance ou de la communauté des humains.".


 

Êtres de raison

jc

  23/08/2023

Les théories de l'analogie engendrent des êtres de raison. Ainsi la théorie des proportions d'Eudoxe a engendré les nombres de raison (les actuels nombres rationnels), théorie dont Aristote s'est aussitôt emparé pour l'étendre :

"L'écaille est au poisson ce que la plume est à l'oiseau", "L'âme est au corps ce que la vue est à l'œil".

Cette théorie de l'analogie date de plus de deux mille ans. René Thom en a produit une autre, dont il dit dans ce que j'appelle sa vidéo testament ( "La théorie des catastrophes", 1995(?) avec Émile Noël) que sa théorie des catastrophes (qui est une théorie de l'analogie), vieille pourtant maintenant d'un demi-siècle, sort trop des sentiers battus pour être actuellement comprise. On peut cependant l'aborder d'un point de vue platonicien, celui de "Stabilité Structurelle et Morphogénèse", sous-titré "Essai d'une théorie générale des modèles" ou d'un point de vue aristotélicien, celui de "Esquisse d'une Sémiophysique", sous-titré "Physique aristotélicienne et théorie des catastrophes" : le verbe qui se fait chair* ou la chair qui se fait verbe* ? (* : Un chapitre de SSM est épigraphé "Et le verbe s'est fait chair" et "Esquisse d'une Sémiophysique", épigraphé : "Ayant pris un autre départ…", Aristote, Physique I, se termine (p.253 à 270) par une discussion par l'aristotélicien Bruno Pinchard des idées de Thom sur Aristote :

"Il y est soutenu que, loin de constituer une entrave à la pensée de l'être, la schématisation mathématique des formes permet de redonner un contenu à la grande voie d'accession à l'être, celle qui passe par la substance (et la multiplicité des substances particulières et sensibles). Demander à une science axiomatisable de vérifier qu' "entre toutes les acceptations de l'être, l'être au sens premier est le "ce qu'est la chose", c'est-à-dire ce que signifie la substance" (MET VII), c'est faire jouer à une science, particulière mais exemplaire, le rôle d'une nouvelle isagogè au système métaphysique, introduction non plus logiciste, comme celle de Porphyre, mais objective et physique.".