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Article : Le bonheur entre tragédie et bien-être

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Le Bien, l'Être, le Bien-Être

jc

  19/02/2019

Le Bien, l'Être, le Bien-Être; Grâce de l'Histoire; Idéal de perfection.
Le .Com, le fort, le comfort (version anglo-saxonne); le con, le fort, le confort (version française); communicationisme; technologisme; loi du plus fort; crasse de l'histoire; Idéal de puissance.

Note sur le con: l'idéologie anglo-saxonne du struggle for life darwinien (individuel -chacun pour soi et que le meilleur gagne-) imposée au reste du monde (et bien accueillie par une grande partie de la bourgeoisie française) a un puissant effet déstructurant que l'on constate tous les jours, allant jusqu'à déstructurer la pensée même, à rendre con. Effet Janus car déstructurant jusqu'à la formation et la sélection des élites -comme on le constate également tous les jours-.

D'un côté la spiritualité la plus haute; de l'autre la matérialité la plus abjecte.

La lecture de "La Grâce de l'Histoire" (tomes I et II) m'a grandement aidé à m'évader de la prison-Système, véritable mur du con. J'en rends grâce à Philippe Grasset (et je fais de la pub!).

(A suivre)


 

Le Bien, l'Être, le Bien-Être.1

jc

  19/02/2019

PhG: "C'était un bonheur fou".

Je réagis car me sentant nommément mis en cause (par le lien vers le forum).

Je n'avais effectivement pas vu la chose sous cet angle, étant alors, dès lors et encore, fasciné par le côté "automatisme du langage" du texte. Je n'avais pas vu le côté: "Le “bonheur”, et même le “bonheur fou” dans ce cas, y est décrit comme cet instant où l’on réalise et mesure la réussite d’avoir composé avec la tragédie qu’est l’existence humaine, et ainsi d’avoir rempli sa tâche fondamentale d’être humain dans la communication de quelque conception essentielle."

On trouvera toutes les précisions sur la tâche fondamentale en question dans "La Grâce" (je fais de la pub!).

Extrait du tome II (p.322):

"On comprend bien ce qui doit prendre la prééminence et balayer tout le reste, notre écrasement comme nos souffrances. C'est un enjeu où l'on doit, par dignité, par honneur de soi, de mettre sa vie dans la balance de l'univers en feu et en crise, et cela posé comme un acte ontologique de soi, pour faire "énergiquement sa longue et lourde tâche", comme le loup sur le pont de mourir dit à Vigny, dans son dernier souffle, avant de lui conseiller de
"souffrir et de mourir sans parler".

Extrait de "Le Tome III à l'horizon":

"Soudain, ce qui n’avait été jusqu’alors qu’une sorte de vague-à-l’âme de guère d’intérêt, un spleen à peine baudelairien, une sorte d’attachement suspect et pathologique pour le passé, m’apparut resplendissant d’une éclatante lumière. L’âme devenue poétique ne permettait plus rien de cette estompement réducteur qu’est le vague-à-l’âme dans leur langage : la nostalgie m’était née comme un don du ciel, elle se déployait devant moi, elle chantait la persistance du monde et figurait ce qu’on nomme Éternité. J’avais trouvé mon destin."

Pour moi ce qui donne toute sa puissance¹ à "La Grâce" c'est l'engagement total, ontologique, de Philippe Grasset, son engagement corps et âme. Cela en fait une oeuvre revitalisante, et donc éventuellement thérapeutique. A conseiller pour cette raison même à ceux qui ne se sentent pas cons² (je fais de la pub!).

(A suivre)


¹: Rien à voir avec l'idéal de puissance!

²: Cf. mon précédent commentaire.

 

L'idéologie du bien-être et le New Age

jc

  19/02/2019

Pour moi le problème du Bien-Être (ou du bonheur, pour moi c'est pareil, simple question de vocabulaire) est un problème métaphysique. Je préfère Bien-Être parce que, justement, ça fait plus métaphysique¹. Être bien dans son être, c'est-à-dire être bien dans sa peau, c'est être au repos dans son lieu naturel au sens qu'Aristote donne à ces choses; c'est le seul cadre métaphysique dont j'ai entendu parler dans lequel je sens que le problème pourrait être traité.

Je ne connais rien de la théorie aristotélicienne des lieux que par le prisme thomien -peut-être déformant mais toujours passionnant (au moins pour moi)- de l'article "Aristote topologue", disponible sur la toile² (article que je suis loin d'avoir digéré). Mais ce n'est pas, de par mon inconnaissance quasi-totale du sujet, l'objet de mon commentaire présent. Malheureusement car "L'emprise du bien-être signe l’apologie d'un monde sans bord" de Heilbrunn, qui renvoie à la société ouverte de Soros, rencontre selon moi, au flair, frontalement la théorie aristotélicienne des lieux.

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Ce qui m'intéresse ici c'est la partie de l'interview de B. Heilbrunn concernant le New Age et, précisément, la chute de cette partie: "C'est pourquoi les adeptes de cette religion ne peuvent croire à l'immortalité et se focalisent sur la longévité. Quel terreau idéologique serait plus fertile pour nous vanter les mérites de la santé connectée…?"

Après une courte transition (le yoga) l'entrevue monte brutalement à une hauteur vertigineuse (spiritualisation de l'existence, quête du sacré, Dieu tout puissant, immanence, transcendance, etc.) pour se terminer "en eau de boudin" par quelque chose (le "c'est pourquoi ..." ci-dessus) qui me fait penser à une montagne accouchant d'une souris (ou, plus prosaïquement, à un B. Heilbrunn qui nous rappelle qu'il est professeur dans une école de commerce).

Wikipédia me donne une idée de ce qu'est la mouvance New Age -dont je découvre l'existence- auquel il semble manquer un leader spirituel d'envergure pour métamorphoser cette mouvance-là en particulier et toutes les religions immanentes en général -comme les qualifie BH- en mouvement structuré. Au risque de choquer quelque éventuel lecteur je flaire que Thom pourrait être celui-là.

Les arguments de BH ("Mais à la différence du christianisme, il ne saurait y avoir de promesse et a fortiori de vie éternelle car c‘est une religion sans origine, sans récit et sans promesse.") ne me satisfont pas du tout (je retire de cette partie de l'entrevue l'impression que dans l'esprit de BH -et sans doute dans celui de nombreux autres- les religions immanentes sont des religions de second rang -alors que les religions transcendantes sont, elles, de premier rang-).

Une religion immanente est une religion qui contient en elle-même son propre principe alors que la qualification de transcendance indique une cause extérieure et supérieure. Je suis de plus en plus convaincu que la "religion thomienne" -Thom ne cache pas que tout se ramène, in fine, à une question de foi en la "vérité" des hypothèses fondant ladite "religion" (alias théorie)- est minimalement transcendante (et quasi-immanente). Pour moi l'intérêt considérable de la théorie des catastrophes -puisque c'est d'elle qu'il s'agit- est:
- d'une part qu'elle peut être acceptée -le saut à faire étant minimal- par celles et ceux qui sont allergiques à toute religion "classique" (et le formatage-Système-laïc fait qu'ils sont sans doute légion);
- d'autre part parce que la minimalité fait qu'elle -la théorie des catastrophes- apparaît comme étant comme l'incontournable tronc commun de toutes les religions transcendantes.

Ma foi en la "vérité" des positions thomiennes suivantes -plusieurs fois citées dans mes nombreux commentaires - est à la base de cette quasi-conviction.

- "Le monde de l'analogie est un monde qui porte son ontologie en quelque sorte en soi."
- "Je crois que l'acceptabilité sémantique (en dépit de son caractère apparemment relatif à la langue considérée) a une portée ontologique. "Toute analogie sémantiquement acceptable est vraie". c'est là, je crois, le principe de toute investigation métaphysique)."
- La théorie des catastrophes est, selon Thom lui-même, une théorie de l'analogie (nombreuses citations disponibles).

La quasi-immanence de la théorie apparaît dans la première citation ("qui porte son ontologie en quelque sorte en soi").

(Cette "religion" transgresse donc le diktat (seulement français?) -venu je ne sais ni quand ni d'où ni pourquoi- "Comparaison n'est pas raison".)


¹: "(...) par opposition au Bien, qui est la métaphysique même." ("La Grâce, tome II, p.337)

²: https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/BF03182078.pdf

³: "Benoît Heilbrunn : « L’emprise du bien-être nous confronte à un monde sans autre dans lequel compte la seule expérience sensorielle et solipsiste. L'emprise du bien-être signe l’apologie d'un monde sans bord, dans lequel tout est finalement indifférencié car tout se vaut. C’est un monde qui délite justement l'individu au sens où l'autonomie de jugement, la pensée critique et la résistance caractériseraient justement ce qu'est un individu. C'est finalement l'ultime tour de passe-passe de l'économie du bien-être que de faire passer ce qui est en définitive de l'égoïsme pour de l’individualisme… »
 

Affectivité, intuition, raison

jc

  21/02/2019

Définir n'est pas facile. C'est peut-être même parmi ce qu'il y a de plus difficile (cf. les matheux avec le mot ensemble, cf. les métaphysiciens avec Dieu, le Bien, etc.). Très souvent on tourne en rond, c'est-à-dire on définit un mot en fonction d'un autre, qui lui-même se définit par rapport à un troisième, troisième qui se définit par rapport au premier; nous avons tous expérimenté que les dictionnaires passent leur temps à ça. Définir ce qu'est la raison, l'intelligence, l'affectivité n'a donc aucune raison(!) d'être facile.

Thom a proposé une définition de l'intelligence comme la faculté de s'identifier à autre chose, à autrui, la faculté de se mettre dans la peau des choses. Et il précise même qu'il doit s'agir d'une identification en quelque sorte amoureuse, sans doute pour bien montrer le chemin qu'a à parcourir l'intelligence artificielle pour dépasser l'intelligence humaine.

(Je profite de l'occasion pour dire que la découverte des définitions thomiennes de l'intelligence et de rationalité a été pour moi source d'un petit soulagement, d'un petit bonheur. Ce qui signifie -je tente une auto-psychanalyse- que le fait de ne pas les avoir auparavant était pour moi un souci inconscient.)

Par contre Thom écrit ceci à propos de l'affectivité: "Il y a dans l'affectivité une sorte de caractère sui generis qui échappe à toute intelligibilité, toute modélisation. Donc on se trouve là devant une sorte de mur, et je n'ai pas d'explication à fournir. Il est là." et "Le problème de comprendre "objectivement" l'affectivité semble infiniment plus difficile que se représenter l'intelligence."

Quant à l'intuition, Thom décrit avec minutie un modèle du processus qui conduit un chimpanzé a avoir l'intuition de prendre un bâton pour gauler une banane dans un bananier d'accès direct trop difficile ou dangereux¹.

Ce qui permet de faire la transition avec le sujet de l'article, à savoir de faire le lien avec le bien-être -et le mal-être- (ou le bonheur -et le malheur- si l'on veut). Car l'idée de base de Thom est que c'est l'affectivité qui joue le rôle initiateur dans ce processus, c'est le choc affectif initial -ici le désir de banane qui est un désir de bien-être- qui engendre l'intuition du bâton comme prolongation du bras; pour Thom "C'est l'affectivité qui déforme la figure de régulation de l'organisme en la compliquant."

L'homme étant un animal les chocs affectifs fondamentaux sont ceux liés à sa survie individuelle (capturer les proies, se défendre contre les prédateurs) et à la survie de l'espèce humaine (reproduction). Mais l'homme, animal "supérieur", peut sans doute avoir des chocs affectifs d'origine différente, des émotions d'un autre ordre.

Dans le tome II de "La Grâce" (p.318), PhG consacre un paragraphe à l'affectivité -et à sa dégénérescence, l'affectivisme-. Compte tenu de ce qui précède je pense que c'est moins le naturel -ici le cerveau reptilien- que le culturel qui est en cause; je pense en effet que c'est l'affectivité ou la raison, cette déontologie dans la façon de trier les intuitions, ou les deux, qui a été dénaturée, pervertie par l'environnement culturel du moment; dans l'enchaînement affectivité-intuition-raison, ce sont les maillons extrêmes qui sont les causes, avec bien entendu pour conséquence de pervertir le maillon central, si le choc affectif a été perverti.

Sur cette lancée il apparaît naturel de définir ainsi le bonheur: le bonheur est ce qu'il advient lorsque le choc affectif initial a engendré une issue favorable, bonheur qui peut être faussaire sous les conditions décrites ci-dessus -et dégénère alors en bien-être au sens de l'article, voire en confort-.

Je ne peux terminer sans revenir -à propos du "C'était un bonheur fou" de PhG- sur la dérangeante citation suivante de Thom dans le fascinant paragraphe "Les automatismes du langage" (partie du passionnant chapitre "Pensée et langage" de SSM 2ème ed.):

"L'émission verbale apparaît ainsi comme un véritable orgasme",

ci-dessous rétablie dans son proche contexte, montrant un peu d'un Thom "penseur embryologique" dans ses oeuvres:

"L'interaction de l'actant postiche avec le concept signifié peut être regardé comme une catastrophe d'excision: excité -fécondé- par la rencontre avec l'actant vide, le concept émet un gamète, comme si un niveau venait de dépasser le niveau du volcan gonadique (...). Le gamète émis par le concept n'est autre que le mot (le nom correspondant). L'émission verbale apparaît ainsi comme un véritable orgasme."

Penser embryologiquement c'est engager tout son être, corps et âme, c'est s'engager ontologiquement.

Dans "La Grâce de l'Histoire" Philippe Grasset s'engage ontologiquement², ça se sent. Pour moi c'est ça qui donne à "La Grâce" toute sa force et son originalité. (Je fais de la pub.)


¹: Cf. ES pp.72 à 74.

²: Je verrais bien ça en quat' de couv' du tome III: l'auteur s'engage ontologiquement.