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Article : L’ascension de la Turquie

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Frederic Encel: "La puissance turque trouvera ses limites"

Laurent Demaret

  09/06/2010

Face à l’historien se dresse la Science Politique de Paris:

http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/06/09/la-marche-a-la-puissance-turque-trouvera-ses-limites_1370097_3232.html

Où il est dit que tout ça n’aura qu’un temps car la Turquie sera remise à sa place.

“Ankara va se heurter au double clivage arabe-perse et sunnite-chiite. Un pan-chiisme iranien agressif, doublé de la course à la bombe par Téhéran, effraie les Etats arabes sunnites, de l’Egypte à l’Arabie saoudite et de la Jordanie aux pétromonarchies du Golfe. Non seulement tous ces régimes recherchent et obtiennent une protection accrue des Américains et des Français (avec des bases aux Emirats), mais encore entretiennent-ils à l’endroit d’Israël une indulgence proportionnelle à leur sévérité vis-à-vis des deux groupes armés liés à l’Iran : le Hezbollah et le Hamas.

Toujours dans le monde arabe, l’Egypte de Hosni Moubarak refusera que la Turquie lui subtilise le leadership du monde arabo-musulman, statut symbolique mais prestigieux, brigué depuis au moins l’épisode Nasser. Là, Le Caire sait être soutenu par la Ligue arabe, frustrée qu’aucune des trois principales puissances militaires du Moyen-Orient ne soit arabe…”

(Vient ensuite le problème de la Russie et l’Arménie l’Iran etl’Azerbaïdjan qui donne aux occidentaux de solides amis)

“En deuxième lieu, c’est dans le sud du Caucase et en Asie centrale que la stratégie d’Ankara trouve d’ores et déjà ses limites. Car comment concilier une future alliance avec la Russie et l’Iran tout en ménageant la susceptibilité de l’allié traditionnel azerbaïdjanais, turcophone, turcophile et pétrolifère ? Bakou revendique en effet le Haut-Karabakh, perdu pendant la guerre de 1991-1994, territoire peuplé d’Arméniens dont il est invraisemblable que l’Arménie se dessaisisse - et exige du grand frère turc le maintien de son blocus frontalier contre Erevan.

Or, quadrature du cercle, l’Arménie est puissamment soutenue par la Russie, et par l’Iran en mauvais termes avec un Azerbaïdjan sans cesse plus proche des Etats-Unis et… d’Israël. En dépit d’une certaine proximité linguistique, les Etats d’Asie centrale préfèrent à la modeste Turquie les grandes puissances protectrices et-ou clientes que sont la Russie, la Chine et les Etats-Unis.”

(Donc au bout du bout pas de problème avec les base de l’Otan)

“En troisième lieu, les partenariats ponctuels avec des pays émergents risquent de manquer d’efficacité, et surtout d’irriter l’OTAN. Ainsi de l’accord de mai 2010 autour du nucléaire iranien : in fine, ce sont bien les membres permanents du Conseil de sécurité qui trancheront, et manifestement dans le sens d’un quatrième train de sanctions contre Téhéran. Certes, un Conseil de sécurité réformé s’ouvrira à terme à d’autres membres permanents, mais la Turquie n’aura alors guère de chances face à des candidats autrement plus puissants ou représentatifs, tels le Japon, l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud.

Par ailleurs, si Ankara optait pour une stratégie par trop anti-occidentale (si tant est que l’armée laisse faire), ses alliés dans l’OTAN pourraient envisager sa marginalisation au sein ou hors de la structure. Car si la Turquie y fut prépondérante durant la guerre froide, elle pèse moins aujourd’hui, et Washington pourrait lui substituer l’Azerbaïdjan ou un Kurdistan irakien devenu indépendant.

Enfin, c’est au sein d’une opinion américaine déjà peu favorable à la cause turque - pour des motifs moraux (occupation du nord de Chypre, droits des Kurdes, refus de laisser transiter les GI vers l’Irak en mars 2003), ou par islamophobie ambiante - que se dresse un sérieux adversaire : la conjonction, sinon l’alliance, de deux puissantes diasporas, la juive et l’arménienne.”

(Car se mettre Israel à dos n’est jamais bon)

“Depuis le milieu des années 2000, les lobbies pro-israéliens répondaient déjà moins aux appels d’Israël à exercer leur influence au Congrès américain en faveur de l’allié turc, avec pour résultat direct le vote sans précédent par la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants en octobre 2007, puis par celle du Sénat en mars 2010, d’une résolution demandant à la Maison Blanche de reconnaître le génocide arménien de 1915. Or les diatribes d’Erdogan renforceront la tendance au sein d’organisations juives sans cesse plus proches de leurs homologues arméniennes (marche commune de Boston, 2009). Si Washington reconnaissait officiellement le génocide, la Turquie accuserait une défaite lourde de conséquences.”

M Fréderic Encel tire des conclusions bien différentes de l’activisme du “Matamore outrancier” Erdogan ..

Crédibilité ?

Vincent Le Roy

  10/06/2010

==> Quelle crédibilité accorder à Monsieur Encel ?

Son parcours semble controversé et ses nombreuses prises de position inspirent plus la prudence que la croyance.

Par dessus tout, l’assurance dont il fait preuve dans ses spéculations attire plutôt ma méfiance.

A mon sens, l’emploi du futur dans les conjugaisons est un signe de propagande, pas de prospection ...

Emergence de l'Asie ... ce qui polarise la Turquie comme le reste du monde.

Francis Lambert

  11/06/2010

Malgré la crise, le nombre de millionnaires a augmenté dans le monde en 2009. Moins d’1% des foyers de la planète réunissent ainsi 38% de la richesse privée mondiale. (...) évaluée à 111.500 milliards de dollars, soit quasiment son niveau de 2007 (111.600 milliards de dollars) (...) selon le rapport annuel «Global wealth 2010» publié jeudi à New York par le Boston Consulting Group (BCG).

Dopée par la faiblesse du dollar, les économies émergentes ont connu de fortes progressions de leur richesse.

La région Asie-Pacifique (hors Japon) fait partie des régions les plus dynamiques. Elle a vu sa part dans la richesse mondiale bondir de 22 %, à 3100 milliards de dollars en 2009.

Le nombre de millionnaires a bondi de 35 % à Singapour, de 33 % en Malaisie, et de 31 % en Chine où sont recensés 670.000 millionnaires.
Au Japon, où l’on compte 1,23 million de millionnaires, l’augmentation n’a été que de 6 %.

Les Etats-Unis conservent de loin le plus haut niveau de richesse privée avec 4600 milliards de dollars, et quelque 4,7 millions de foyers millionnaires.

Extraits de http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/06/11/04016-20100611ARTFIG00408-14-de-millionnaires-en-plus-en-2009.php

Executive summary of «Global wealth 2010» (PDF)
http://www.bcg.com/documents/file50074.pdf

Extraits que j’ai recopié ici :

“... the rapport begins with an overview in Assets under Management (AuM) covering 62 markets representing about 99 percent of global GDP.
(...)
Global wealth staged a remarquable comeback in 2009 after its steep decline in 2008. AuM increased by 11,5 percent to $111.5 trillion, just shy of the year-end peak set in 2007.
- North America posted the greates absolute gain in wealth at $4.6 trillions, but
the largest percentage gain occurred in Asia-Pacific (ex Japan), were wealth increased by nearly 22 percent, or $3.1 trillion.
- Europe remained the wealthiest region with $37.1 trillions in AuM—or about one third of the world’s wealth.
(...)
The United States had by far the most millionaire households (4.7 million), followed by Japan, China, the United Kingdom, and Germany.
The highest millinaire densities are in Singapore, Hong Kong, Switzerland, and the Middle East.

Despite regulatory pressure, offshore wealth grew to $7,4 trillion in 2009, up from $6,8 trillion in 2008, largely driven by the market recovery.
Switserland remained the largest offshore center; it accounted for 2.0 trillion, or about 27 percent, of all offshore wealth.
(...)
Women control about 27 percent of global wealth, meaning that they decide where it is invested. North America had the highest proportion at 33 percent.”

NB : - USA 4600 milliards $  sur 111.500 milliards soit 4.13%.
      - la foire des Nations d’europe fait encore 33,27% (3710/111.5). Au début du 20e siècle c’était plus proche de 50% (*1). Cette “europe” recule toujours plus vite avec ses PIB stagnants, son mépris de ses propres traités et régulations, la compétition d’impuissance de ses Nations dans un délire d’endettement générationnel ... tandis que l’asie croit vigoureusement (dernièrement de 22%) sans oublier l’Afrique et d’autres.
      - Le 20e siècle est celui de l’effondrement européen.
      - Le 21e siècle sera celui de l’effondrement occidental ?
      - dans ce hit parade des ploutocrat(i)es la France n’apparait simplement pas.
      - la Suisse est toujours LE “paradis offshore” au coeur de “l’europe”.
      - reste à DEDUIRE LES DETTES CUMULEES (états, régions, villes et privé) aussi ahurissantes que croissantes de ces pays qui s’enorgueillissent du nombre croissant de leurs ploutocrates et autres oligarques ... le résultat sera saisissant ! Virtualisme disiez vous ?

(*1)  Histoire économique de l’Europe du XXe siècle, Ivan T. Berend, Amandine Nguyen, Paul Servais - 2008
“Au début du XXe siècle, l’Europe domine l’économie mondiale, représentant à peu près la moitié du PIB mondial (46 %) et 41 % du PIB par habitant.”

OCDE : basculement historique de la richesse mondiale

Francis Lambert

  17/06/2010

• Rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) intitulé
“Perspectives du développement mondial: le basculement de la richesse”.

• Les pays industrialisés
- représentaient en 2000         62% de la production mondiale
- représentent actuellement     49%
- devraient représenter en 2030 38%.
Parallèlement, la contribution des pays non membres de l’OCDE au PIB mondial
- représentait en 2000           38%
- aujourd’hui                     49%
- grimperait en 2030à            57%

• “La crise a accéléré le déplacement de richesse dans le monde. Ce réalignement n’est pas un phénomène transitoire: il représente un changement structurel d’une importance historique.”

• 65 PAYS ÉMERGENTS
Le rapport fournit quelques exemples de cette transformation structurelle de l’économie mondiale sur vingt ans et du dynamisme des liens Sud-Sud qu’elle a entraîné.

• Entre 1990 et 2008, les échanges mondiaux ont été multipliés par près de quatre, tandis que les échanges Sud-Sud l’ont été par plus de dix. Les pays en développement représentent actuellement environ 37% des échanges mondiaux, dont approximativement la moitié est constituée de flux Sud-Sud.

• En 2009, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud.
Et en 2008 les pays en développement détenaient 4.200 milliards de dollars de réserves de change, soit plus d’une fois et demi le montant détenu par les pays riches.
Depuis le début des années 2000, le nombre de pays émergents - c’est-à-dire dont la croissance moyenne par habitant équivaut à plus du double de celle des pays de l’OCDE à revenu élevé - a plus que quintuplé, passant de 12 à 65, tandis que le nombre de pays pauvres a été divisé par plus de deux (de 55 à 25).

• Mais si la Chine et l’Inde ont affiché un taux de croissance équivalant à trois ou quatre fois celui de la moyenne OCDE pendant les années 2000, un groupe de pays en difficulté et de pays pauvres a continué d’enregistrer des performances insuffisantes.

• Le rapport salue la nouvelle gouvernance mondiale issue de la crise avec le G20, qui a détrôné le G7 où les pays émergents n’avaient pas voix au chapitre. Il conclut en parlant de situation “gagnant-gagnant” pour les pays émergents et l’Occident.

• Extraits et édition de
Reuters - PARIS 2010/06/16, Les pays en développement pèseraient 60% du PIB mondial en 2030, par Véronique Tison

Les Occidentaux tentent-ils de pousser Téhéran à la faute ?

pierre vaudan

  17/06/2010

Ainsi donc, les Européens ont estimé que de nouvelles sanctions étaient inévitables contre l’Iran du fait du manque de collaboration de la République islamique pour « dissiper les inquiétudes de la communauté internationale concernant la nature de son programme nucléaire ».
Dans la foulée, les Etats-Unis avaient également annoncé leur propre petite série de sanctions supplémentaires, histoire sans doute de faire main-basses au passage sur quelques fortunes iraniennes d’une part, et de casser certaines concurrences d’autres parts en sévissant contre des entreprises iraniennes.
Premier résultat de cette montée aux extrêmes : la Russie de décolère pas. Elle qui avait voté les sanctions à reculons pour des raisons tactiques, s’étaient sans doute vu promettre par les Occidentaux qu’ils ne rajouteraient pas une couche à la résolution. Mais les promesses n’engageant que ceux qui y croient… Et le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, de remettre en cause dès jeudi sa future collaboration avec le bloc occidental sur le sujet du nucléaire iranien.
La rapidité de cette montée aux extrêmes a de quoi inquiéter.
Empêtrés dans une crise sans précédent que même les statistiques bidouillées ne parviennent pas à masquer, englués dans un Oil Spill échappant à tout contrôle et renforçant massivement les forces centrifuges qui déchirent le pays, les Etats-Unis caresseraient-ils l’idée qu’une bonne petite guerre régionale avec l’Iran serait produirait un écran de fumée bienvenu ?
Et les Européens, également laminés par une crise qui a poussé nombre d’Etats aux portes de la cessation de paiement, où la contestation gronde au moment où l’on invite le contribuable à passer à la caisse, seraient-ils également tentés par le susdit écran de fumée iranien ?
Le problème est que dans l’état de délabrement avancé dans lequel se trouve la psychologie occidentale, tout cela n’est peut-être même pas concerté, et pourrait bien obéir à des mécanismes plus proches de la pathologie que de la stratégie.