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Article : La Turquie, nouveau grand acteur géopolitique

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Christian Merlinki

  18/09/2011

Poutine vient de faire une proposition d’intégration de l’Union Douanière (Russie-Biélorussie-Kazakhastan) à l’Union européenne. C’est ce qu’on appelle de l’inédit et l’offre de la dernière chance, pour les deux parties d’éviter des crises futures intracontinentales, qui tombe à point nommé alors que l’Amérique est déstabilisée de l’intérieur, perdant inexorablement de sa puissance intrinsèque.
C’est une opportunité réelle pour l’Union européenne qui assurerait son approvisionnement en énergie et verrait une alternative à son attachement à la City en déplaçant le centre de gravité financier vers Moscou. Effectivement, Medvedev a lancé le chantier d’un nouveau pôle financier rendu public au printemps 2011 mais dans l’ère du temps depuis 2008. La BCE devrait y percevoir une bouffée d’oxygène pour le sauvetage de l’euroland, la Russie possédant une réserve moins rivée au dollar qu’à l’euro sur lequel elle a tout misé. Si l’euroland coule, la Russie coule. Et c’est bien, me semble-t-il, ce que recherche la City et Wall Street soutenus par leur Congrès et Chambre des Lords. Poutine joue finement. Le renard pétersbourgeois la joue à temps cette carte pour remettre de l’ordre dans l’Union et sur le continent. C’est maintenant ou jamais. A nous de savoir de ce que l’on veut.
Géopolitiquement, la nouvelle confédération eurosibérienne contrecarrerait la montée des influences régionales dans le Sud de l’Europe telle la Turque dans les Balkans et au Sud-Caucase en plus d’offrir des débouchés inattendus en Asie centrale. La nouvelle Europe unie de Madère au Détroit de Behring serait en mesure de freiner l’expansion de la Chine dans cette région délicate et serait en mesure de peser confortablement sur l’Iran si Ahmadinejad ne se rallie ouvertement au nouveau pôle d’attraction que deviendrait ce monstrueux conglomérat d’un genre nouveau. Evidemment, cela implique de se détacher de la morbide soumission aux anglo-saxons. De toute façon, rien ne dit que la Grande-Bretagne reste longtemps au sein de l’Union étant donné la montée des eurosceptiques anglais suite à la crise de l’euro et face à la récession qui nous accable, alors que la Russie affiche des taux de croissance régulièrement supérieurs à la moyenne européenne. Ce serait aussi une manière d’obvier à une crise sur l’ABM américain sous couverture de l’OTAN. L’Europe serait avantagé dans la course de l’Articque qui, par l’intégration même, serait amené à prendre position pour ses nouveaux intérêts offerts par la Russie et ce contre les intérêts Nord-Américains (USA et le Canada qui continue à revendiquer unilatéralement tout l’Arctique pour elle toute seule sans l’assentiment des USA). Dans ce contexte à venir, il serait bon que l’UE défende les intérêts continentaux face à l’arrogance d’Amérique du Nord; il y va de son intérêt sinon elle continuera à picorer les miettes d’Outre-Atlantique. L’économie européenne ne s’en sortira que gagnante, ne fut-ce que sur le continent, dans la CEI, l’Asie centrale, le Caucase et l’Arctique. En ne négligeant pas la redoutable force de frappe que serait cette nouvelle entité, qu’elle prenne la forme d’une confédération assurant la protection des deux blocs occidental et oriental du continent ou de l’Union fédérale élargie.
L’empire néo-ottoman n’a pour le moment qu’une emprise populaire, mais quid à terme si celle-ci devient politique et de surcroît confessionnelle? Face à un durcissement voire une éventuelle radicalisation religieuse qui fédérerait l’ensemble Moyen-oriental, excepté l’Iran qui s’accroche à son espace persanophone (Afghanistan, Tadjikistan et une partie du Pakistan pour le chiisme), la nouvelle Eurosibérie deviendrait, en termes de promesses, la première zone économique du monde, la première puissance énergétique, et son niveau technologique dans le top 3, la puissance spatiale incontestable, cette énumération pourrait calmer les ardeurs néo-ottomanes qui menacent ouvertement l’Union européenne de gel des accords en 2012, voire une rupture dans les relations si Chypre présidait l’Union dans le second semestre de cette année.
L’Angleterre se retrouverait irréductiblement mat sur l’échiquier géopolitique. Son “diviser pour régner” et surtout “empêcher l’avènement d’un continent solide” n’aurait plus de prise et retournerait à ses moutons protectionnistes d’avant l’Empire.

La Turquie et l'UE

Ilker de Paris

  18/09/2011

L’idée selon laquelle les États-unis voudraient l’adhésion de la Turquie à l’UE pour l’utiliser comme cheval de Troie est assez répandue mais fausse.

En effet, sans même parler des pays du Nord de l’Europe, ni de ceux comme la Pologne, même la France sous Sarkozy est soumise, sur les plans economique et politique, aux décisions américaines, par ailleurs il n’est pas dit que la Turquie accepte de jouer le rôle que les États-unis voudraient, prétendument, lui faire jouer - la Turquie sait oser s’opposer.

Cet argument est utilisé pour rejeter l’adhésion turque à l’UE par ceux qui de toute manière sont par essence opposés à cette adhésion - argument prétexte donc car comme je l’ai dit l’UE est déjà soumise aux États-unis.

Concernant le danger d’un radicalisme religieux en Turquie il existe certes, c’est comme le danger fasciste en Europe, il faut être vigilant.

Dans tous les cas, il n’est pas dit qu’une UE avec la Turquie aurait été moins européenne et a contrario une UE sans Turquie plus européenne, d’ailleurs la Turquie croit (croyait) certainement plus sincèrement au projet européen que nombre de pays déjà membre. On verra si sans la Turquie l’UE sera plus indépendante vis à vis du monde anglo-saxon qu’aujourd’hui.

Mais passons, on a décidé d’opposer l’UE à la Turquie et de faire de la politique là dessus, c’est de là que découle l’appellation “neo-ottomane” de la politique extérieure turque, en effet, celle-ci n’a de valeur “neo-ottomane” que dans l’opposition avec l’UE - opposition que cette dernière a décidé d’instaurer.

-§-

Soufiane T.

  18/09/2011

Un article intéressant. Merci beaucoup. Il semble cependant que la volonté d’adhésion de la Turquie semble être un artifice afin que cette dernière s’émancipe de l’armée, que pensez-vous de cette analyse (il faut dire) répandue?