Forum

Article : France & USA : influence du renseignement 

Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier

De la CIA à l'AIC

jc

  08/10/2019

De la Central Intelligence Agency à la Active Intelligence Community.

D'une CIA censée collecter -intelligemment bien sûr- des informations à l'extérieur pour les centraliser à l'intérieur, à une AIC qui redéploie vers l'extérieur, par grands médias interposés -toujours intelligemment bien sûr- les informations intérieures. Totale inversion: dynamique -en principe- synthétique de la CIA, dynamique analytique de l'AIC (d'où la prolifération d'anciens de la CIA reconvertis dans l'analyse -essentiellement de la sécurité nationale-).

Pour Thom l'intelligence est la capacité de s'identifier à autre chose, à autrui. Dans le Politiquement Correct du "Struggle for Life" darwinien (et néo-darwinien) il me semble clair -exceptionnalisme US oblige- que la CIA voit le monde extérieur en proie, autrement dit que la CIA est dans l'incapacité de se mettre dans la peau des autres, considérées comme proies; ainsi la CIA est fondamentalement une Central Inintelligence Agency; et je ne vois aucune raison pour que ça change avec l'IAC.

Dans sa tentative -purement spéculative- de théoriser la Biologie, Thom considère que nous devons avoir deux cerveaux distincts, l'un prédateur, situé près de la bouche, l'autre proie, situé le long de la moelle épinière (et que je situe plus précisément vers le bas de celle-ci, du côté des parties excrétrices, en particulier génitales). Ainsi, on peut qualifier le cerveau prédateur, le cerveau au sens usuel, de cerveau CIA, et le cerveau proie de cerveau AIC.

Thom fait l'audacieuse¹ analogie entre Sujet-Verbe-Objet et Endoderme-Mésoderme-Exoderme. En prolongeant l'analogie c'est donc ici l'AIC qui est le sujet, le pouvoir central qui déclenche les éventuelles actions. Chez l'animal -l'humain en particulier- c'est le cerveau endodermique, le cerveau-proie, qui a la plus grande intelligence, car il se met plus naturellement dans la peau de la proie qu'il convoite (et son efficacité dans l'action est d'autant plus grande qu'il garde secrets ses projets). Totale inversion avec l'AIC qui semble avoir fait le choix de la transparence (ce qui me renvoie au chapitre XII "La haine du secret" de "Le règne…" que j'ai lu -et commenté- tout récemment).

Remarque terminale: Je me demande si Trump n'a pas naturellement une intelligence cerveau-proie, intelligence déroutante pour les intelligences-Système usuelles qui sont des intelligences cerveau-prédateur, telles celle du président de notre Res Publica (qu'il cherche -comme Trump- à transformer en Res Privata). Un Trump mi cow-boy mi étalon mustang qui pense avec ses couilles?

¹: PhG: "La sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée."

Analyse et catalyse, analogie et catalogie, etc.

jc

  08/10/2019

Je pars ici d'une interrogation sur le rôle des analystes (qui semblent pulluler dans les grands médias), pour en dévier rapidement.

(Dans l'optique thomienne, qui prône la subordination de la logique classique, aristotélicienne, à une morpho-logique, une logique des formes, les concepts statiques de dedans, de dehors, de haut, de bas, de réunion, de séparation, etc. et dynamiques de vers le dedans, vers le dehors, vers le haut, vers le bas, etc. reprennent une importance que l'organon leur avait fait perdre.)

Ana et cata sont des préfixes d'étymologie grecque qui signifient respectivement "vers le haut" et "vers le bas", et une lyse -terme encore utilisé en médecine- est étymologiquement une destruction, une déstructuration. Logiquement une analyse est donc une déstructuration vers le haut (et une catalyse une déstructuration vers le bas). Quel intérêt peut-il y avoir à déstructurer si l'on n'a pas en vue une restructuration ultérieure, une synthèse qui ne conserve de l'analyse que sa substantifique moelle? Ne risque-t-on pas de sombrer dans un réductionnisme infécond? Car "Des analystes on en trouve, des synthétiseurs on en cherche", pour paraphraser le gaullien  "Des chercheurs on en trouve, des trouveurs on en cherche".

Une bonne analyse consiste à déganguer l'objet de l'analyse pour n'en synthétiser que l'essentiel. L'une des méthodes favorites des matheux pour analyser les fonctions et aider à constituer le catalogue de leurs propriétés est de les développer en série de Taylor. Mais ils (les matheux) savent bien que s'ils s'arrêtent en chemin du développement, il apparaît un reste qu'il ne faut absolument pas négliger car c'est lui qui contient peut-être la substantifique moelle de la fonction. Pour certaines fonctions il se produit un miracle: la somme de la série (entière c'est-à-dire infinie) de Taylor restitue exactement la fonction (de telles fonctions sont qualifiées par les matheux d'analytiques).

L'un des ingrédients essentiels à l'élaboration par Thom d'une nouvelle théorie de l'analogie -la première, selon lui, depuis Aristote et Eudoxe- est d'avoir réussi à déterminer qualitativement la forme d'une fonction en s'arrêtant en chemin dans son développement de Taylor (avec l'assurance que le reste ne contient aucun renseignement substantiel sur sa forme, autrement dit que le reste ne contient que des informations quantitatives sans intérêt). Sa théorie est d'un intérêt considérable car, pour la première fois depuis plus de deux millénaires, on a à sa disposition un nouveau moyen qualitatif -et non plus quantitatif- de dire en quoi deux êtres ou deux systèmes dynamiques sont analogues, donc un moyen de transgresser le "comparaison n'est pas raison" du SC (Scientifiquement Correct) moderne, on a là un moyen -un langage et une méthode-, pour moi considérable -pour Thom aussi, bien entendu-, pour "faire connaissance avec le monde".

Il y a un avant et un après Thom. Avant on pouvait avoir des intuitions analogiques, mais sans savoir à quoi attribuer ces analogies; après on peut attribuer ces analogies entre plusieurs êtres ou plusieurs dynamiques, évoluant éventuellement sur des substrats différents¹, à l'analogie de chacun d'eux avec un même être (ou une dynamique) archétypique (il faut évidemment penser en premier lieu aux sept catastrophes élémentaires de Thom, archétypiquement hors substrat).

Thom: "Le monde de l'analogie est un monde qui porte son ontologie en quelque sorte avec soi."

Remarque finale: On notera que le couple "intuition analogique" se marie très bien avec celui d' "intuition haute" puisque ana signifie "vers le haut". Thom s'intéresse essentiellement d'abord à ses sept catastrophes élémentaires parce que ce sont les seules à pouvoir se manifester exotériquement dans notre espace temps. Mais rien ne s'oppose, je crois, à la manifestation ésotérique de catastrophes plus, beaucoup plus complexes².


¹: Pour Thom l'analogie "Sujet-Verbe-Objet"/"Endoderme-mésoderme-exoderme" a un sens.

²: Cf. SSM, 2ème ed., "L'art, le délire et le jeu", pp.318 à 321.