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Article : Effondrement du langage: de la logocratie à la logocrassie 

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Le topocrate Thom et le logocrate Jorion face à la Physique

jc

  11/04/2020

À la page 192 de son livre "Comment la vérité et la réalité furent inventées" publié chez Gallimard Paul Jorion écrit en substance (je cite de mémoire) que pour Thom la physique est une magie contrôlée par la géométrie, alors que pour lui c'est une religion contrôlée par des noms communs. Match entre un topocrate et un logocrate?

Thom est un métaphysicien réaliste au sens philosophique du terme, un platonicien. La théorie des catastrophes a fait progresser la compréhension de la physique (l'hydrodynamique en particulier), et fera peut-être progresser plus encore la physique si  le diagnostic thomien qui suit s'avère exact: "la physique actuelle a sacrifié la stabilité structurelle à la calculabilité; je veux croire qu'elle n'aura pas à se repentir de ce choix."

Une pratique assidue pendant plusieurs années du blog de Paul Jorion ainsi que la "citation" ci-dessus m'ont convaincu depuis longtemps que Jorion est un nominaliste. Et pour moi un nominaliste ne saurait être un logocrate, car un nominaliste n'est pour moi guère plus qu'un colleur d'étiquettes. Aussi je doute fort que Jorion fasse un jour progresser la physique, fût-elle moderne. Par contre il n'est pas impossible qu'il fasse un jour progresser l'intelligence artificielle¹.

Ceci pose la question de savoir si un logocrate peut être intelligent "à la Thom", c'est-à-dire s'il peut "se mettre dans la peau des choses ou d'autrui". Pour moi, la réponse est positive car on peut être intelligent "à la Thom" sans être topocrate. Comment alors? La réponse est à mon avis donnée par Guénon: en recherchant les "amers auditifs" structurellement stables, en cherchant à entendre la musique des choses, des autres, du monde².

Y-al-t-il des matheux logocrates? Oui, bien sûr. Ce sont des arithméticiens, et le premier d'entre eux, qui a été le premier(?) en Occident à théoriser la musique -et qui été salué par Hegel comme le premier maître de l'universel- s'appelle Pythagore.

À la lecture de "Autorité spirituelle et pouvoir temporel" de René Guénon j'ai compris -mieux vaut tard…- qu'il manquait en France (et sans doute pas que) une autorité spirituelle. Une autorité composée de logocrates et de topocrates installés symboliquement dans une académie au fronton duquel serait écrit:

"Que nul n'entre ici s'il n'est arihméticien et/ou géomètre" ?


¹: Cf. son "Principes des systèmes intelligents" (principes qui n'ont, selon moi aucune chance d'améliorer l'intelligence "à la Thom").

²: En écrivant ça je m'imagine PhG travaillant avec un fond musical…

Étymologie

jc

  12/04/2020

Steiner : Pour Maistre, “il existe un accord ontologique entre les mots et le sens parce que toute parole humaine est l’émanation immédiate du ‘logos’ divin¹.”

Les mots, les vrais mots des logocrates ont un vrai sens (ce qui n'est pas le cas des simulacres de mots des logocrasses). Qu'est-ce qu'un vrai mot et qu'est-ce que le sens de ce mot? Pour tenter de comprendre ça et, en même temps, comment est faite la maison du langage, il faut commencer par le commencement. Et au commencement étaient la substance et l'essence, au commencement était l'Être indifférencié, Janus bifrons dont une face est le substantif "être" et l'autre le verbe "être".

René Thom a proposé une théorie géométrique du langage, dans laquelle il associe à chacune de ses sept catastrophes élémentaires -la première et la plus simple étant le pli- un tout petit nombre de verbes et de substantifs. En fait huit, car il faut rajouter une zéroième, la catastrophe de potentiel "parabolique²" V(x)=x² qui, au contraire des autres, n'a pas de déploiement universel³, ou, plutôt, qui est son propre déploiement, c'est-à-dire qu'elle est elle même structurellement stable, il n'y a pas besoin de la déployer pour la stabiliser. Cette zéorième catastrophe, Thom l'associe à la fois au verbe "être" et au substantif "être".

Dans MMM⁴ Thom donne une double interprétation linguistique de ses huit catastrophes: une interprétation essentielle qu'il qualifie de temporelle, et une interprétation substantielle qu'il qualifie de spatiale, à la fois Caïn et Abel⁵. Et, d'après ce qui précède, c'est l'Être Janus que Thom associe à la zéoième catastrophe. À la catastrophe "pli" il associe les verbes commencer et finir et les substantifs bord, bout, fin, début.
 
Il est bon, je crois, de se représenter ces mots essentiels -les verbes- et ces mots substantiels -les substantifs- comme des archétypes qui ne représentent qu'eux-mêmes, comme des amers, des phares, qui donnent sens aux phrases des marins qui naviguent dans le langage. Le plus grand phare est bien entendu celui de l'Être-en-soi, que je verrais bien peint en noir et blanc spiralé⁶ pour symboliser l'enlacement Janus de l'Être-en-soi, éclairé de nuit par un feu fixe symbolisant sa substance surmonté d'un feu flash symbolisant son essence, cornant, dans la brume⁷ ou non, à une fréquence d'un coup par minute, pour donner le tempo fondamental, le "la", à l'Univers.

Ainsi, selon René Thom, au commencement étaient à la fois le Verbe et la Chair.


¹: https://www.dedefensa.org/article/du-bon-usage-de-poutine
²: Parce que le graphe de cette fonction est une parabole.
³: La théorie mathématique du déploiement universel est due à Thom.
⁴: Chapitre "Topologie et signification", pp.222 et 223 (ed. 1974)
⁵: Cf. les chapitres XXI et XXIII de "Le règne de la quantité..." par René Guénon.
⁶: Le phare du Four de mon enfance, au large du Croisic, sur le plateau duquel a sombré l'Hermione.
⁷: Dans la brume le marin est tenu de faire confiance au logocrate.
 

Étymologie.1

jc

  12/04/2020

1. Par curiosité je me suis renseigné sur Wikipédia pour savoir comment les Anciens Grecs se dépatouillaient de l'étymologie du mot étymologie, qui me semble être un "mot-source" par excellence. La réponse wikipédiesque est:

"Étymologie est un mot composé et savant issu du grec ancien, ἐτυμολογία / etumología, lui-même formé sur le mot du grec ancien τὸ ἔτυμov, « vrai sens, [et, humour, volontaire ou non, du rédacteur de l'article?] sens étymologique » .

Donc l'étymologie d'un mot, ce n'est rien d'autre que son vrai sens, et les seuls vrais mots sont ceux qui ont un vrai sens, et ce sont les mots utilisés par les logocrates. Les autres mots ont été concoctés par et pour les logocrasses.

2. Dans le .0 j'ai parlé de la corne de brume qui donnait le "la" de l'Univers. Je pense que ce "la" est en fait plutôt le "Om", source de l'énergie  fondamentale que l'on retrouve dans plusieurs religions¹. Ce qui me fait penser ça est la citation suivante de Thom: "...l'énergie s'écoule des oscillateurs de basse fréquence vers les oscillateurs à haute fréquence pour finir dans le chaos thermique…", citation extraite de son modèle universel².


¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/Om%CC%90

²: "Le modèle universel.
On peut se faire une idée de ce modèle universel par la métaphore que voici : d'où provient en dernière analyse, la vie sur notre planète ? Du flux continuel d'énergie lumineuse émis par le soleil. Les photons solaires arrivés au contact du sol ou de l'eau des océans, y sont immédiatement stoppés et leur énergie se dégrade brutalement en énergie thermique. Il en résulte que la surface de discontinuité définie par la terre et l'eau est aussi une onde de choc, une véritable falaise où s'effondre la néguentropie du rayonnement solaire. On peut considérer la vie comme une érosion en quelque sorte souterraine de cette falaise qui lisse la discontinuité. Une plante par exemple, n'est autre chose qu'un déferlement de la terre en direction de la lumière et la structure ramifiante des tiges et des racines est celle même qu'on observera sur un cours d'eau ravinant la falaise et finissant sur un cône d'éboulis. Les plastides, véritables pièges à photons, sont les orifices minuscules où s'amorce cette circulation souterraine. L'énergie stockée sous la forme noble d'énergie chimique, commence sa lente dégradation. Comme un fluide, elle dévale souterrainement la falaise et sa circulation réalise à l'envers la pyramide écologique des êtres vivants. Chaque espèce vivante est une singularité structurellement stable, une chréode de cette circulation. De même qu'en Hydrodynamique, en régime de turbulence, l'énergie s'écoule des oscillateurs de basse fréquence vers les oscillateurs à haute fréquence pour finir dans le chaos thermique, ainsi dans la vie, les êtres à métabolisme lent (végétaux) sont la proie de ceux à métabolisme plus rapide (animaux)." (SSM, 2ème ed. pp.292 et 293)