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Article : Discours sur la Vertu

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Discours sur la vertu du genre

jc

  30/12/2019

Selon moi, dans son "Discours sur la vertu", Alain Finkelkraut nous expose sa façon de considérer le conflit entre le masculin et le féminin -par extension entre le yin et le yang- en prenant pour champions du jour Saint-Simon pour le masculin et "Grand-tante Céline" pour le féminin. Dans ce discours sur la vertu, qui s'avère en fait être un discours sur la vertu du genre masculin (j'ai vérifié dans Wikipédia l'étymologie masculine du mot "vertu" et il ne fait en effet à mes yeux guère de doute que c'est le point de vue de AF), je voudrais ici prendre la défense d'une Grand'tante Céline que je trouve dans ce discours passablement malmenée, voire chargée de tous les maux.

Je vois dans le discours de AF une opposition entre deux visions de l'organisation sociale, l'une masculine, patriarcale, l'ordre d'abord, l'autre féminine, matriarcale, d'abord l'égalité, c'est-à-dire l'équivalence¹-. Pour moi la devise unité-harmonie-diversité symbolise correctement la façon dont je vois une organisation sociale matriarcale -l'unité d'abord-, et je ne vois pas d'inconvénient -autre que le flou dans les notions d'ordre et d'équilibre, selon moi à préciser- à symboliser une organisation patriarcale par la devise ordre-harmonie-équilibre (découverte sur Dedefensa). (À mes yeux notre devise nationale actuelle liberté-égalité-fraternité symbolise assez parfaitement -une fois éliminée la fraternité incompatible avec le PC² et SC² du sauve-qui-peut individuel- (darwinisme-Système oblige)- la vision assez catastrophique de l'organisation sociale du bloc occidental, organisation que AF associe -pour moi indûment- à Céline.)

Parmi les critiques que je fais du texte de AF je retiens ici deux amalgames qui, selon moi, n'ont pas lieu d'être:

1: l'amalgame "célébrer l'hospitalité"/"effacer les frontières" (puis "abattre les murs de la forteresse"). Car j'imagine très facilement le duc et la duchesse de Saint-Simon en hôtes "donnant la main" à leurs invités sans effacer pour autant les frontières, étant entendu que les invités, connaissant les bonnes manières, rendront ultérieurement l'invitation.

2. l'amalgame  "Bon appétit messieurs-dames"/"Bon appétit tout le monde". Car le "Bon appétit messieurs-dames" (ou, moins vulgairement, "Bon appétit mesdames et messieurs") différencie les convives par leur genre alors que, au contraire, le "Bon appétit tout le monde" abolit -entropise, dirait peut-être PhG- la notion de genre. Lorsque AF invoque à ce sujet le principe d'inclusion  ("Il [le nouvel ordre moral] pratique assidûment l’écriture inclusive pour rendre aux femmes, dans les mots comme dans la vie, la place qui leur est due.") j'ai l'impression qu'il amalgame une analyse (la différenciation, selon moi naturelle, du masculin et du féminin) et une grossière synthèse (l'idée, pour moi aberrante, de l'indifférenciation homme-femme).

En préparant ce commentaire j'ai été très étonné d'apprendre via Wikipédia que les langues humaines étaient très loin de toutes posséder un genre grammatical; je perçois cette différenciation quasi-embryologique comme un progrès permettant d'étendre l'intelligibilité du monde.

Il suffit de feuilleter "Récoltes et semailles" et/ou "Dialogue avec le bon Dieu" pour constater qu'Alexandre Grothendieck "range sa pensée" en passant beaucoup de temps à attribuer un genre (yin-féminin ou yang-masculin) aux concepts hautement abstraits -en particulier mathématiques- qu'il manipule. Je vois le conflit masculin/féminin non pas comme un conflit frontal dont l'un des deux actants devait nécessairement sortir vainqueur/dominant et l'autre vaincu/dominé, mais comme un conflit ago-antagoniste qu'il s'agit de réguler, ainsi que le nombre considérable de conflits du même type que l'on trouve dans la nature. Attribuer -comme le fait Grothendieck- un genre aux êtres et concepts est un exercice -un jeu- qui permet de "ranger sa pensée" d'une façon non seulement plaisante mais également -peut-être- utile par le potentiel d'extension d'intelligibilité du monde qu'il procure³. En politique je classe ainsi comme féminin le conservatisme et le socialisme, et masculin l'évolutionnisme (le "progressisme") et l'individualisme. (Pour mon pays, la France, je vois toujours un drapeau bleu-blanc-rouge, mais avec un symbolisme différent: le bleu près de la hampe symbolisant l'unité et le collectivisme (XX) féminins, le rouge, agitant sa queue au gré du vent, symbolisant au contraire la diversité et l'individualisme masculins (XY)...)


¹:  Cf. à ce sujet le récent exposé scientifique du mathématicien Pierre Deligne : https://www.qwant.com/?q=pierre%20deligne&t=videos&o=0:4c0d8cf4f550bea2df8540696c9462af

²: PC: politiquement correct; SC: scientifiquement correct

³: Cet exercice m'a par exemple conduit à masculiniser les fermions (principe d'exclusion de Pauli oblige!) et, a contrario, à féminiser les bosons.