Stabilité structurelle

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Stabilité structurelle

« Tout être se doit de persévérer dans son être » disait Spinoza. Autrement dit tout être doit pouvoir résister dans une certaine limite aux perturbations qui l'assaillent. Ainsi, cahin-caha, nous, êtres de chair, résistons aux perturbations naturelles qui nous assaillent environ quatre vingt ans, – en moyenne, – (mais certaines particules élémentaires sont, paraît-il, d'une beaucoup plus grande instabilité). 

Dès qu'il est question d'instabilité, on invoque couramment l'effet papillon -du battement d'aile dans l'hémisphère Sud qui provoque le chaos dans l'hémisphère Nord-, et on retient que ce phénomène de la sensibilité de la dépendance aux conditions initiales est une chose mystérieuse et complexe (le chaos...) réservée aux scientifiques. Mais il y a des exemples beaucoup plus simples et plus parlants qui montrent ce que ne montre pas l'effet papillon, à savoir que, très souvent, stabilité structurelle rime avec souplesse et instabilité structurelle avec rigidité.

Si on prend une feuille de papier rectangulaire de 9x4, donc de surface 36, il est aisé de la découper en deux coups de ciseaux en trois morceaux pour former un carré 6x6. Mais ce n'est pas possible avec un rectangle (4+ε)x36/(4+ε) -dont la surface est également exactement 36- pour ε aussi petit que l'on veut: on a là un exemple typique de découpage structurellement instable, ça ne marche qu'avec exactement 9 et 4. (C'est possible avec quatre morceaux, par une autre méthode qui, elle, est structurellement stable. Mais il faut repenser entièrement le problème.)

De cet exemple simple on retient donc qu'instabilité structurelle rime souvent avec rigidité, qu'une structure trop rigide est souvent signe d'instabilité structurelle. René Guénon ne dit pas autre chose dans ‘Le règne de la quantité...’, les signes des temps qu'il passe en revue étant tous, d'une façon ou d'une autre, des rigidifications.

La pluie de lois, de règlements, d'ordonnances, sont des signes évidents de rigidification de notre société globalisée soi-disant libérale, et l'informatisation invasive (traçabilité bancaire, “intelligence” artificielle, etc.) a un effet extraordinairement rigidifiant sur ladite société. Cette rigidification, on le sent de plus en plus, est en train de devenir cadavérique (1).

En regardant froidement (2) la crise provoquée par le SRAS Cov-2, on peut s'attendre à, disons pour fixer les idées, trente mille morts en France, dont vingt cinq mille de plus de 65 ans, pour une mortalité annuelle standard de six cent mille, soit 5%.

Ainsi la mort de quelque trois mille actifs -c-à-d environ 0.001% de la population active totale, battements d'ailes de papillon- a déjà provoqué une chute de 30% du CAC, et va peut-être même provoquer l'effondrement de la Vème République en France, sans parler des autres pays.

Avant de terminer, deux exemples que je considère typiques de cette rigidification.
1. La rigidité (et la lenteur) de l'administration concernant la passation des marchés de produits de première nécessité (masques, médicaments...), les pinailleries ubuesques (les masques chinois qui ne sont pas aux normes européennes...), etc.
2. L'affaire de la chloroquine. Déguanguée de l'affaire dans l'affaire qu'est l'affaire Raoult, on voit l'incroyable rigidité de l'administration française qui se cramponne aux protocoles “de temps de paix” de mise sur le marché d'un médicament, avec pour conséquence que, peut-être, la chloroquine aura son autorisation (mais vraisemblablement une fois la “guerre” terminée) alors que, plus vraisemblablement à mon avis de citoyen lambda, peut-être des centaines de vie auraient pu être épargnées, – qui vivra verra, – en utilisant l'incontournable et inusable protocole “de temps de guerre” : “On tente de faire au mieux avec ce qu’on a”.

Pour terminer, on va, à mon avis, constater en maints endroits l'extraordinaire rigidité de l'organisation marchande ultra-libérale du monde, qui nous est pourtant vendue en boucle par les médias mainstream comme une organisation d'une indépassable adaptabilité darwinienne (le TINA thatchérien). Et les craquements économiques et financiers se répercuteront peut-être même jusque dans notre constitution dont on risque de percevoir alors la fragilité conceptuelle.

Les mécaniciens (3) "en blouse bleue" ont appliqué le principe de stabilité structurelle bien avant qu'il n'ait été formulé par les mathématiciens (et ils l'appliquent encore) car ils savent depuis longtemps que tout l'art de la mécanique est dans le “jeu”. Le premier ouvrage “princeps” du philosophe-mathématicien René Thom s'intitule “Stabilité structurelle et morphogenèse” (SSM) et investigue essentiellement certains rapports entre les mathématiques (imaginaires par essence) et la réalité (dans SSM essentiellement biologique et linguistique). Peut-être les politiciens seront-ils amenés à se confronter à ce principe (par exemple au moment d'écrire une nouvelle constitution) ? Car « Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l’évolution de l'homme et des sociétés. » (Conclusion de SSM)

J.C.

Notes

(1) E. Macron: « L'OTAN est en état de mort cérébrale. »

(2) C'est difficile, ayant des enfants sur "le front médical".

(3) Mais pas nécessairement les mécaniciens “en blouse blanche” : « ...la physique actuelle a sacrifié la stabilité structurelle à la calculabilité ; je veux croire qu'elle n'aura pas à se repentir de ce choix. » (SSM)

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