Raté : un remake de “la surprise d'Octobre” (Reagan-Iran, 1980)

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Raté : un remake de “la surprise d'Octobre” (Reagan-Iran, 1980)

L’élection de Ronald Reagan en novembre 1980 fut l’occasion, ou bien la conséquence c’est selon, d’une saga considérable dans la longue liste US des complots, coups fourrés, manipulations, etc. La chose fut baptisée “la théorie de la conspiration de la surprise d’Octobre” (voir Wikipédia en anglais [très détaillé] et en français [beaucoup moins complet]), premier grand complot/coup fourré de l’époque Reagan-Bush père, qui en compte de nombreux. Il s’agissait, pour les républicains, de s’arranger avec les Iraniens du nouveau pouvoir chiite pour repousser la libération des 56 otages de l’ambassade US (faits prisonniers en novembre 1979) après l’élection de novembre 1980, de façon à priver Carter d’un de ses principaux arguments conjoncturels (la libération des otages qu’il était sur le point d’obtenir). Il est effectivement très probable que l’absence de libération des otages (libérés seulement le jour de l’inauguration de Reagan, en janvier 1981) coûta sa réélection à Carter, modifiant notablement le cours de l’histoire si l’on en juge selon les changements que l’époque Reagan apporta à la politique de puissance des USA.

Le “complot”, qui ne mérite sans doute pas de guillemets tant il a été documenté et correspondait parfaitement aux mœurs des républicains de l’entourage de Reagan (notamment le futur directeur de la CIA, William Casey) et aux liens étranges entre les reaganiens et les khomeinistes iraniens (du nom de l’ayatollah Khomeini), a notamment été largement documenté par Robert Parry, de ConsortiumNews. (Voir notamment les nombreux articles de Parry sur son site, comme le 7 mars 2013, sur les commentaires de l’ancien président iranien Bani Sadr sur le film Argo qui prétend reprendre un épisode de cette affaire de citoyens US pris en otage, et encore le 8 juin 2013.)

Tout cela nous conduit à cette question évidente, – pourquoi rappeler succinctement cette affaire tonitruante qui suivit la chute du shah ? Parce qu’il semble que les républicains circa-2016 aient voulu faire un pitoyable remake de la chose, avec la question de l’échange de prisonniers entre l’Iran et les USA, en janvier, en marge de l’entrée en vigueur de l’accord sur le nucléaire iranien. Cela paraît très étrange, en raison des différences de circonstance, des différences d’écho médiatique (l’affaire des otages de Teheran de 1979 avait paralysé le gouvernement des USA pendant un an et constitué un cas majeur de crise nerveuse nationale aux USA, dont Carter a porté toute la charge), etc. Disons qu’à ce point de documentation de l’affaire, la nouvelle est certes exotique mais, surtout, elle donne la mesure de la pauvreté intellectuelle de notre époque, même dans les coups bas et les machinations ; et de ce fait, elle renforce l’idée qu’en matière de “complots” et machinations, on prête vraiment beaucoup trop aux élites-Système de notre temps, lorsqu’on considère leurs capacités si limitées comme on le voit avec cette affaire.

C’est France 24 qui a obtenu cette information lors d’une interview diffusée le 11 février de l’amiral Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale : « L'amiral Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale en Iran, a déclaré sur France 24 avoir été contacté par des républicains afin de suspendre les négociations sur l'échange de détenus entre Téhéran et Washington.

» C’est la première fois que l'amiral Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne, accorde une interview à un média français. Au cours de cet entretien sur France 24, le militaire a notamment fait des révélations sur les coulisses de l'échange de prisonniers entre Washington et Téhéran réalisé à la veille de la mise en œuvre de l'accord sur le nucléaire iranien. La justice iranienne avait alors annoncé la libération de quatre prisonniers binationaux contre sept Iraniens détenus aux États-Unis.

» “La date de l'échange de ces prisonniers est une coïncidence avec celle de l'accord sur le nucléaire. Il n'y a pas de lien entre ces deux événements. L'an dernier, le président Obama a adressé une lettre au guide suprême. Le guide m'a confié cette affaire et m'a demandé de la gérer d'un point de vue humain. Cela a abouti à plusieurs réunions avec des représentants de l'État américain. Puis il y a eu des négociations très intenses sur l'échange des prisonniers et sur certaines mesures bancaires mises en place par les américains”, a expliqué l'amiral. “Nous étions en train de négocier avec l'administration Obama, et les républicains américains nous ont contactés. Ils nous ont demandé une faveur : de ne pas laisser aboutir ces pourparlers et de les reporter après la prochaine élection présidentielle américaine, donc après le départ d'Obama. J'avais l'impression que cette rivalité dans le pouvoir américain était inappropriée. J'ai trouvé que l'humanité chez eux était reléguée au second plan, c'était surprenant pour moi. Mais nous avons réussi à résoudre cela durant le mandat d'Obama...”. »

 

Mis en ligne le 13 février 2016 à 16H15