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1360Le docteur Daniel Goure, Ph.D., n’est pas n’importe qui. Lisez son formidable CV sur le site du Lexington Institute, dont il est le vice-président; cela va de fonctions au Pentagone, de positions de consultance pour le Pentagone, le département d’Etat, le département de l’Energie, des fonctions dans l’industrie, dans le monde universitaire (CSIS, John Hopkins, Air War College, etc.), à des collaborations régulières avec les plus prestigieuses publications du monde, – New York Times, Washington Post, Wall Street Journal, BBC, CNN, etc. (mais point à dedefensa.org, qui dira pourquoi?). Une sacrée pointure ; en plus, historien et spécialiste de la Russie et des Russes («Masters and Ph.D. degrees in international relations and Russian Studies from Johns Hopkins University and a B.A. in Government and History from Pomona College»).
Dans ce cadre humain et conforme si impressionnant, une nouvelle qu’il publie sur le blog du Lexington Institute, Early Warning, le 10 février 2010, sous le titre: «Obama: America’s Gorbachev?», doit nous arrêter… Aussitôt, notre esprit est mis en éveil, nous qui traînons comme un boulet sous la plume et une interrogation énigmatique dans notre réflexion, notre hypothèse d’“American Gorbatchev”, depuis près de deux ans (le 19 avril 2008, où nous avons pour la première fois émis cette hypothèse), et nous-mêmes qui semblons parfois avoir perdu tout espoir qu’il ne le soit jamais.
…Pas du tout, pour Goure, c’est fait, ou pratiquement sur le point de l’être. On comprend à lire son texte qu’Obama est d’ores et déjà le Gorbatchev américaniste, l’homme qui va briser le système, qui est en train de le faire sous nos yeux. Et Goure de nous entretenir de la chose d’une docte manière, notamment en rappelant la carrière de Gorbatchev, en la jaugeant et en le jugeant, pour mieux mettre en évidence les turpitudes de BHO, en correspondance analogique sinon parallèle avec celles dont est remplie la carrière de Gorbatchev.
C’est un remarquable exercice, soit en aveuglement, soit en considérable connaissance intelligente exprimant des jugements d’une inconséquence et d'une ineptie assez rares, soit en psychologie affinée par une pathologie remarquable de prégnance, soit en analyse d’un phénomène totalement étranger qu’on ne peut appréhender qu’en le tordant dans le prisme américaniste, c’est-à-dire en le déformant à mesure. La conclusion est remarquable:
• Obama est bien l’“American Gorbatchev” attendu. (Soit, on vous concède cette nuance: “America’s Gorbatchev”, et pas “American Gorbatchev”.)
• Les USA sont, exactement comme l’URSS et à l’image de l’URSS, menacés d’effondrement si l’on ne met pas le holà, et ce “holà” étant d’ores et déjà plus ou moins peine perdue d’avance.
…Le plus remarquable, dans ce texte, étant d’ailleurs qu’au gré des contradictions et des distorsions américanistes de l’analyse, Goure laisse échapper quelques vérités fondamentales. Elles auraient pu lui valoir quelques ennuis auprès des autorités neocons du domaine, si celles-ci s'intéressaient encore à y comprendre quelque chose.
@PAYANT Goure introduit des notions inattendues sur Gorbatchev, certaines fort contestables, certaines qui, sans intention de nuire, font jaillir brusquement une vérité farouchement repoussée par la narrative de l’américanisme. Qu'importe ceci et cela, son incompréhension de Gorbatchev est d'une façon générale complète.
• Le cas le plus évident d'une “vérité par inadvertance” est une petite phrase de son premier paragraphe. Son but est de montrer tous les dégâts qu’a fait Gorbatchev à l’URSS, pour pouvoir arguer de tous les dégâts que cause et causera aux USA le président Obama, sacré “America’s Gorbatchev”. Ainsi écrit-il: «In 1985, Mikhail Gorbachev became the General Secretary of the Communist Party, the de facto leader of the Soviet Union … […] Seven years later, due almost exclusively to Gorbachev’s actions, the Soviet Union collapsed.» C'est une affirmation intéressante, alors que la version officielle américaniste est que l’effort d’armement US à lui seul, en obligeant l’URSS à suivre, a mis l’économie soviétique à genoux et a détruit l’URSS. Nous avons toujours affirmé cette prépondérance quasi exclusive de l’action de Gorbatchev dans les événements qui conduisirent à la fin de l’URSS
• «To this day, from his writings and commentaries it is clear that Gorbachev does not understand his role in destroying the very system he sought to preserve and enhance. He could never appreciate the difference between reform and revolution. He failed to understand that his essential mandate was to preserve and improve the existing order, not to transform it.» Cette interprétation additionne une suite de fausses nuances jusqu’à complètement transformer la réalité en omettant le fait de la dynamique politique qui est l'explication fondamentale de l'évolution de l'URSS dans les années 1980. Gorbatchev savait depuis 1982, avec l’aide de son mentor Andropov et du KGB qui le poussèrent à faire un grand travail d'évaluation de l'état du système, que sa mission serait de “réformer” le système. Il fut élu par le Politburo le 9 mars 1985 dans ce but et il fit tous ses efforts dans ce sens. Ce n’est certainement pas qu’il n’ait pas compris la différence entre “réforme” et “révolution”, mais simplement que l’action de forcer la réforme d’un système qui par sa rigidité et son ossification refuse la réforme, aboutit à la rupture, c’est-à-dire la “révolution” selon le terme de Goure. Gorbatchev a toujours dit que s’il n’avait pas été stoppé par le complot Eltsine, téléguidé par les USA, il aurait effectivement réalisé cette “révolution” qui aurait abouti à une URSS “réformée” en nouvelle Russie. C’est ce dont se chargea en partie Poutine après la dévastation de l’intermède Eltsine-USA.
• La contradiction majeure du récit de Goure est d'accuser Gorbatchev d'avoir détruit les piliers du système soviétique tout en l'accusant d'avoir jusqu'au bout favorisé les piliers du système. Mais il faut bien démontrer que Gorbatchev a échoué. Donc, d'un côté ceci: «He failed to understand that his essential mandate was to preserve and improve the existing order, not to transform it. Gorbachev decided that to preserve Soviet Communism it would be necessary to undermine the pillars that preserved the existing order – control over the media, the absolute authority of the Communist Party and the primacy of the military-industrial complex. When the pillars fell, so too did the whole system. […]For Gorbachev, the problem was that he failed to understand that both the Soviet empire and Soviet state were held together solely by the threat of force. Remove coercive pressure and the system collapsed.» D’un autre côté, Goure montre bien Gorbatchev favorisant les divers centres de pouvoir, y compris les militaires (les piliers du système), tout en détruisant l’économie soviétique, (sans noter que l’économie soviétique était d’ores et déjà détruite quand Gorbatchev arriva au pouvoir)… «Gorbachev fundamentally undermined the Soviet Union’s economic order while cynically cutting deals with key interest groups to maintain their priority positions. […] At the same time, he continued to spend half the annual budget on the military.»
• En un mot, conclut Goure: «Gorbachev’s combination of arrogance, ignorance and myopia destroyed the very system he was attempting to save.». On ne peut dire plus faux: Gorbatchev détruisit le système dans une tentative radicale de sauver la Russie, puisque le système dans la course où il se trouvait conduisait à la destruction de la Russie en même temps que la sienne propre.
Quelle est la faute fondamentale de l’analyse de Goure? La confusion entre le système et la nation, – confusion compréhensible pour un expert de l’américanisme et américaniste lui-même, puisque les USA n’existent pas en tant que nation, et que ce qu’on désigne faussement sous le terme de “nation” est un agrégat devenu aujourd’hui de plus en plus antagoniste d’un pays et d’un système reliés par des symboles divers et de plus en plus discrédités, sinon ridiculisés. L’accent mis sur la nécessité de la force et sur la nécessité du maintien de l’empire (expression géopolitique du système) est caractéristique de cette vision, puisque cette vision est elle-même caractéristique de la politique de l’“idéal de puissance” dont l'idée soutient ici tout le raisonnement.
Goure, – qui s’en étonnera? – n’a pas lu Talleyrand et n’a pas suivi l’œuvre de De Gaulle. Talleyrand qui disait: «Avec la maison de Bourbon, la France cessait d’être gigantesque pour devenir grande. Soulagée du poids de ses conquêtes, la maison de Bourbon seule, pouvait la replacer au rang élevé qu’elle doit occuper dans le système social…» De Gaulle, qui donna à la France tout son rayonnement, sa puissance d’influence et sa puissance tout court, et sa prospérité, en liquidant l’empire colonial…
Mais il ne fait aucun doute, en lisant le texte de Goure, que sa caractéristique la plus fondamentale est l’adoption, sans la moindre restriction, de l’analogie USA-URSS. Il faut avoir à l’esprit qui est Goure, – privilégié typique du système, représentant incontestable de sa pensée et de sa narrative, – et combien il utilise dans sa description tous les arguments du système qu'il représente. Il y a dans sa démarche, dans ce texte court et si révélateur, une expression indubitable de la pensée dominante du système.
Jusqu’ici, l’analogie USA-URSS était l’exclusivité des “dissidents” du système (aux USA) et des critiques, sinon des adversaires anti-américanistes du système. Voilà un texte qui nous montre combien cette analogie est maintenant reprise à son compte par la pensée du système, – et l'on mesure l’aggiornamento dont il s’agit, quand on se souvient, d’ailleurs sans chercher bien loin, combien l’URSS était dénoncée, non pas comme le “diable”, mais plus grave encore, comme l’anti-système des USA.
Fini, tout cela. On ne prend plus de gants: oui, les USA sont un système équivalent à celui de l’URSS et, plus encore, il est au moins en aussi mauvaise posture que l’était l’URSS quand Gorbatchev est arrivé, en 1985. Il faut donc à tout prix empêcher la même dérive catastrophique de rupture qu’accomplit Gorbatchev. Et l’on en vient à Obama, qui n’est pas encore tout à fait l’“American Gorbatchev”, mais de si peu, – de si peu que, oui, il l’est déjà un peu…
Il faut un sérieux état d’inquiétude proche de la panique pour ne plus prendre de gants et lancer in fine de telles affirmations, absolument sacrilèges il y a si peu. Effectivement, l’establishment US, quand il pense à apprécier la situation du système, est dans un état d’inquiétude proche de la panique.
Maintenant, nous voilà à la question centrale: Obama est-il le Gorbatchev américain, ou américaniste? Goure est si proche de répondre “oui” qu’on peut admettre qu’il le fait. Cela est d’autant plus caractéristique d'une conviction (laquelle alimente cette panique mentionnée plus haut) que ses arguments pour prononcer ce verdict sont ténus, pour le moins… Nous citons quatre passage où Goure énonce cette similitude Obama-Gorgatchev, dans un faux ordre (le quatrième s’intercalant, dans le texte, entre le premier et le second).
• «Both men [Gorbatchev & Obama] thought they were outside the system, above it and could change it without having to be part of it – getting their hands dirty, so to speak.» Autrement dit, l’argument est que, Obama comme Gorbatchev pensent qu’ils ne sont pas dans le système et qu’ils peuvent le changer “de l’extérieur”, sans “se salir les mains”.
• «Neither Gorbachev nor Obama ever thought of themselves as ideologues. […] If his State of the Union Speech is any indicator Obama has interpreted his failures of the past year to be the fault of the system and not his doing.» Les deux hommes ne sont pas des idéologues, donc ils n’effectuent aucune action qui soit entachée d’une vision déformée de la réalité par une conception idéologique. Comme Gorbatchev, Obama estime que les difficultés qu’il rencontre, les fautes qu’il commet, sont de la faute du système, et l'on en déduit qu'il attaque le système.
• «Gorbachev’s combination of arrogance, ignorance and myopia destroyed the very system he was attempting to save. We will have to wait to find out if President Obama will be America’s Gorbachev.» Les défauts de Gorbatchev (arrogance, ignorance et “myopie”) sont les mêmes que ceux d’Obama, et ils l’ont conduit à détruire le système; Obama fera-t-il de même? La réponse est évidente.
• Pas plus que Gorbatchev, Obama ne comprend le rôle central de la force, donc de la puissance militaire, dans le maintien en l’état du système et dans le maintien de l’ordre dans le monde. «Obama does not appreciate that the current world order exists because of the central role played by American military power. Remove the protective umbrella of American military power and chaos may very well ensue.»
A cette lumière, que vaut l’attaque de Goure, ou plutôt l’hypothèse catastrophique de Goure ? On est évidemment stupéfait, et nous-mêmes à dedefensa.org plus qu’à notre tour, qu’on puisse, aujourd’hui, après ce qui s’est passé ces six derniers mois où l’on a vu Obama accepter toutes les contraintes et emprisonnements du système, évoquer l’hypothèse d’un Obama-Gorbatchev, – aujourd’hui justement, alors qu’il a semblé suivre la pente vertigineuse de l’abandon de cette hypothèse qui était si répandue en février-juillet 2009. On l’est encore, stupéfait, – mais peut-être, à la réflexion, d’une façon plus ambiguë, – que ce soit un homme (Goure) si complètement du système de l’américanisme, si complètement du Complexe militaro-industriel, qui évoque avec tant de crainte, tant d’implicite certitude le constat que oui, effectivement, Obama va être le Gorbatchev américain…
C’est alors, pour proposer une explication à cette situation intéressante, que nous entrons dans le vaste domaine de la psychologie, celui que nous affectionnons tant. Bien entendu, il s’agit de la psychologie américaniste, exceptionnelle dans le sens qu’elle n’est à nulle autre pareille.
Ce que nous dit Goure peut se décliner en plusieurs points, qui roulent de sophisme en sophisme.
• Comme Gorbatchev, Obama se situe hors du système et lui est intrinsèquement hostile, – l’ennemi est dans la place. (Qu’Obama n’ait pas dit expressément cette distance et cette hostilité importe peu. Cela est perçu comme cela.)
• Comme Gorbatchev, Obama a tendance à charger le système de la responsabilité des catastrophes qui surviennent. Obama emploie donc la même ruse que Gorbatchev, à cause de sa psychologie malade: il provoque lui-même des catastrophes et affirme que ces catastrophes sont la conséquence du système.
• Donc, comme Gorbatchev, Obama est engagé sur la voie de la destruction du système. Comme il n’est encore qu’à une année de mandat et que Gorbatchev prit 4-6 ans pour détruire le système, il reste encore un peu de temps pour donner le verdict définitif: oui, Obama est l’“America’s Gorbatchev”. (On nous concédera aisément qu’il n’est pas déplacé de penser que le verdict est déjà rédigé, prêt à être affiché…)
C’est alors que la psychologie américaniste de l’establishment joue à plein. A ce point, les équivalences avec l’URSS disparaissent; la psychologie américaniste est du même type que celle du système soviétique, sauf qu’elle est bien plus basse, bien plus corrompue et malade que ce que nous montrait la nomenklatura de l’URSS en 1985-1986.
Nous répétons avec insistance ce point capital. En URSS, dans les années 1982-1985, une partie non négligeable, sinon majoritaire, de la nomenklatura jugeait le système perdu si on le laissait poursuivre sa course, notamment les cadres de KGB, la communauté scientifique et technique, une partie importante de la communauté universitaire, voire une partie non négligeable des militaires, avec comme chef de file le maréchal Ogarkov. On peut se reporter à un F&C que nous publiions le 11 août 2005, avec ce passage:
«En mars 1983, quelques jours après le jour (23 mars) du discours de Ronald Reagan annonçant la SDI (Star War), le maréchal Ogarkov, chef d’état-major de l’Armée Rouge, fait une promenade avec le journaliste américain Leslie Gelb, ancien haut fonctionnaire du département d’État durant la présidence Carter. La scène se passe à Genève, où se poursuivaient, sans grand espoir de réussite alors, les négociations sur la limitation des engins à portée intermédiaire et à capacités nucléaires, — ceux-là que les Américains appelèrent successivement LRTNF, puis TNF (Theater Nuclear Forces) tout court, qui étaient surnommés les euromissiles, — SS-20 du côté soviétique, Pershing II et Glicom (missiles de croisière terrestre) du côté américain. Gelb garda secret le contenu de cet entretien pendant près de 10 ans, avant d’en publier la substance dans un article, dans le New York Times le 20 août 1992, sous le titre “Foreign Affairs: Who Won the Cold War?”. On est frappé par la franchise du maréchal Ogarkov, exposant les difficultés considérables des Soviétiques. Voici un passage de cet article, nous livrant une confidence du Maréchal (nous soulignons en gras le passage qui est essentiel pour notre propos):
“We cannot equal the quality of U.S. arms for a generation or two. Modern military power is based on technology, and technology is based on computers. In the US, small children play with computers.... Here, we don't even have computers in every office of the Defense Ministry. And for reasons you know well, we cannot make computers widely available in our society. We will never be able to catch up with you in modern arms until we have an economic revolution. And the question is whether we can have an economic revolution without a political révolution
»En fait, ce que préconisait Ogarkov, c’est ce que Gorbatchev tenta d’appliquer (et ceci explique cela: les réformistes de l’armée, autour d’Ogarkov, étaient du côté de Gorbatchev): la révolution économique (perestroïka) rendue possible par la révolution politique glasnost).»
Au contraire des directions et élites du système de l’URSS d’alors, les directions et élites du système de l’américanisme aujourd’hui, avec pourtant leur pays dans un état au moins aussi calamiteux que l’URSS, n’imaginent pas une seconde que le système soit fautif. Par conséquent, toute catastrophe venue du système, et il n’en manque pas, ne peut venir du système; donc, selon la logique Goure, les catastrophes viennent d’un ennemi du système, qui veut détruire le système, qui est en position de le faire, qui est au pouvoir – par conséquent, Obama lui-même, comme Gorbatchev en 1985-1991 pour l’URSS.
La démarche psychologique est imparable. Puisque ce ne peut-être le système ce sera donc Obama, et puisque les USA équivalent (en pire) à l’URSS, Obama sera donc l“American Gorbatchev”. Au reste, toutes les attaques contre Obama, venues de la droite républicaine et de tous les coins et recoins des rancœurs politiques, y compris de Tea Party, qui est une protestation antisystème au nom de la dépravation du système originel (tenu pour bon), vont dans ce sens: Obama “socialiste”, Obama “communiste”, Obama islamiste déguisé, ou bien même Obama “marionnette de Wall Street”, ce Wall Street qui va détruire les USA et son système à force de rapacité… Ne cherchez pas de la logique ni un complot, reportez-vous à la psychologie.
L’attaque de Goure contre Obama à propos de la puissance militaire US est une impeccable démonstration du procédé, et particulièrement impayable dans le genre involontaire… «Obama does not appreciate that the current world order exists because of the central role played by American military power. Remove the protective umbrella of American military power and chaos may very well ensue.»
…Cela est dit d’un homme qui augmente le budget de la défense jusqu’à $708 milliards cette année ($1.000 milliards réels), alors que le budget général du gouvernement fédéral s’effondre sous le poids du déficit; qui promet au Pentagone des augmentations pour les trois prochaines années; qui active la guerre en Afghanistan; qui accroît l’engagement US au Yemen; etc… Au vu des effets des interventions militaires US dans le vaste monde qui sont d’y installer un vaste désordre, l’accusation contre Obama est parfaitement en accord avec l’affirmation orwellienne selon laquelle les forces armées US sont un facteur d’ordre («Remove the protective umbrella of American military power and chaos may very well ensue»). La chose se décline alors ainsi, selon un sophisme à double, sinon à triple emploi…
• La présence des forces armées US dans le monde est un facteur d’ordre considérable, et d’ailleurs elles y sont déployées considérablement (plus de 1.000 bases recensées dans le monde) dans ce but.
• Le monde est dans un état qui peut difficilement être décrit comme différent du chaos. Bien entendu, l’hypothèse qui est du domaine de l’évidence selon laquelle ce chaos est pour l’essentiel l’effet de cette présence armée US dans le monde n’est même pas imaginée un seul instant, – elle n’est même pas concevable pour la psychologie de l’américanisme.
• Par conséquent, les forces armées sont empêchées d’être effectivement présentes dans le monde comme elles devraient l’être, pour empêcher le chaos qui y règne déjà. (Le millier de bases devenant la preuve du délit, puisqu’il deviendrait évident qu’il en faudrait sans doute 2.000, 3.000 ou 4.000).
• Par conséquent, le président Obama agit là aussi en gorbatchévien. Par sa politique de fortes dépenses militaires qui ne le sont pas assez, il crée des contraintes pour empêcher que l’intervention des forces US qu’il entretient systématiquement soit encore bien supérieure pour lutter contre le chaos que ces mêmes forces créent systématiquement.
A ce degré de sophisme de la pensée, il est impossible de penser que l’action du président Obama sera reconnue par le système, comme effectivement une politique faite selon les lignes du système. Ses échecs en sont le signe indubitables puisque ce sont les siens propres, puisque le système ne peut par définition qu’engendrer une politique marquée par le succès. De plus en plus, à mesure des échecs qu’il continuera à accumuler selon la ligne du système, à cause du système, sous la pression du système, Obama sera considéré comme un ennemi du système, un destructeur du système, un “gorbatchévien”, puisque, sous sa direction, effectivement le système si parfait est “contraint” d’aller d’échec en échec. Comment le système a-t-il pu accoucher d'un tel président?
Obama n’est évidemment pas l’“America’s Gorbatchev” mais il est enfermé dans l’image d’“American Gorbatchev” qui s’est de plus en plus formée autour de lui. De ce fait, l’image devient encore plus efficace que la réalité, car le virtualisme qui est d’une si grande puissance a installé cette image d’“American Gorbatchev” et que la destruction du système qui se poursuit au rythme des catastrophes engendrées par l’action de ce même système est nécessairement mise à son passif, comme preuve de sa traîtrise. Aucun remède ne sera recherché, dans le fonctionnement du système, aux catastrophes engendrées par le système, puisque l’“America’s Gorbatchev” en sera rendu responsable. On en sera donc à attendre la prochaine élection et, peut-être, sans doute, à s’écharper avant à ce propos puisque le système craquera de toutes parts. Les USA nous auront alors prouvé qu’ils sont, à l’instar de l’URSS mais par une voie exactement inverse, absolument irréformables en tant que tels, et ils seront conduits à un sort similaire qui est celui de l’éclatement.
Et, ainsi, Obama sera-t-il devenu malgré tout, et malgré lui, notre “American Gorbatchev”.
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